Comme un loup dans sa bergerie

par Jean-Pierre Lemieux

Bien souvent quand les gens pensent à un élevage de moutons, ce sont des images bucoliques, pastorales qui viennent en tête. Un berger, calme, serein, qui mène son troupeau au pâturage avec son chien de berger, bien sûr (coyotes obligent). Il fait toujours beau. Mais ce printemps, ce n’est pas le cas de Clément Leclerc du rang des Moreau à Saint-Pamphile de la Bergerie Clé-role.

Lui quand il compte des moutons, cela ne le fait pas dormir, ça l’empêche de dormir. Il en a gros sur le cœur contre la Financière agricole du Québec et contre tous ceux qui, de la tranquillité de leurs bureaux, lui disent quoi faire dans sa bergerie. Lui, il a les pieds dedans, il connaît sa production, il étudie, fait des modifications pour obtenir des résultats et il en obtient mais pas avec la Financière.

Début

Clément Leclerc avec sa conjointe Carole Morin, lance son élevage progressivement. À ce moment-là il travaille dans une usine à Saint-Pamphile, au moins ça fait un revenu en attendant que le troupeau rapporte. En 2003 il y avait 400 brebis avec un rendement de 2.4 agneaux rechapés par brebis. Le troupeau a été abattu victime de la tremblante. Il a été compensé et est satisfait du règlement.

Alors on recommence. Sa conjointe et à ce moment là son fils Alexandre, qui vient de sortir de l’ITA, sont à l’ouvrage. Lui il travaille toujours à l’usine, une semaine de jour, une semaine de nuit. « Ça fait des semaines de 85 à 90 heures ».

Les résultats sont bons de 0 à 10 jours mais à partir de trois semaines, des pertes, de 30 à 40% dues à la pneumonie. Le jeune ne se lève pas le matin, il ne veut pas être à la bergerie tôt le matin. M. Leclerc avoue : « On avait ici un langage liturgique qui brassait pas mal »! « On » blâme la relève pour les problèmes comme si « on » pensait que les problèmes venaient du manque de soin. « Comme je suis fatigué ça en prend pas trop pour me faire réagir ».

Pourtant M. Leclerc suivait les normes : 20 pieds carrés pour les brebis en lactation. Il suivait les instructions de ses conseillers techniques, était membre d’un club d’encadrement et se renseignait auprès du Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ) et auprès du Centre d’expertise en production ovine du Québec (CEPOQ).

Règle les ressources humaines

En 2009 il décide de laisser sa job à l’usine, avec toutes ces pertes (15 agneaux par semaine) « j’enterre mon salaire à toutes les semaines ». « Cela n’a pas fait l’affaire de nos amis de la Financière car je n’avais pas demandé leur bénédiction pour quitter ma job».

On refait donc un plan d’affaire. « Ils nous avaient dit qu’ils financeraient. On est ici à temps plein maintenant ». «Ces gens-là te donnent la main en partant, tu comprends que l’affaire est conclue ».

Il se fait répondre : « On ne dit pas non à ton financement mais règle les ressources humaines ». Les conseillers, la FAQ, la banque, tous lui disent la même chose.

Il répond à son tour : « au souper ce soir je vais dire à mon jeune : pour avoir mon financement trouve toi une job ailleurs pour que je te remplace ». Excédé M. Leclerc demande : « Levez la main les parents qui auraient mis leur jeune dehors pour avoir du financement. Je pense qu’il n’y en aurait pas eu beaucoup autour de la table, mais c’est ça qu’on a vécu ».

Durant l’entrevue, ça revient souvent : « mentir, nuire et détruire » est ce qu’il retient de l’action de ses conseillers. « Si tu veux avoir du financement il faut que tu sois gentil. Si tu as une façon différente de fonctionner ça fait pas leur affaire parce qu’ils ne t’ont pas assez contrôlé. Finalement du financement j’en ai jamais eu, a fallu que je m’organise avec mon fond de roulement».

Maintenant à la bergerie à temps plein il vit pourtant les mêmes problèmes. La faute n’était donc pas celle de la relève, « du jeune qui ne se levait pas ».

Aide

À l’UPA on lui conseille d’aller en révision. Quelqu’un qui a déjà travaillé dans le domaine lui a dit : « les seuls qui ont réussi à passer au travers sont ceux qui ont eu l’aide de leur député ». Il a rencontré son député et aussi son ajointe politique mais se dit incapable « de donner une cote » à son député.

La situation aujourd’hui : il y a eu une rencontre de médiation au début décembre. « On » voudrait bien qu’il fasse faillite.

M. Leclerc en a gros sur le cœur. « C’est ça que je veux dénoncer » en visant la Financière mais aussi d’autres organismes. « Si tu penses pas comme eux autres ça fait pas leur affaire. Ils ne sont pas adaptés à la région (éloignés des axes routiers, des grands centres). » Pour M. Leclerc, la FAQ « n’est pas un outil de développement, c’est un frein pour ceux qui pensent d’une façon différente».

Au sujet de l’UPA M. Leclerc ajoute : « C’est un monopole, sont bons pour faire du bla-bla pis courir les kodaks ».

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