Le temps des grands

Il y a quelques mois, Jean Garon décédait. Il y a quelques jours, c’était le tour de Jacques Parizeau. Et on sait bien qu’au fil des ans, ils seront de plus en plus nombreux, parmi les grandes figures du dernier demi-siècle québécois, à passer l’arme à gauche. Avec eux, c’est tout un pan de notre histoire qui nous échappe. Leur décès devrait nous inciter à réfléchir à ce qu’ils nous lèguent. 

Si la mort de Jacques Parizeau a autant bouleversé les Québécois, c’est qu’elle témoigne d’une époque où les grands idéaux étaient à l’honneur. La politique attirait les meilleurs éléments de notre société. C’était le temps des grands. Puisqu’on croyait encore que la politique pouvait changer le cours des choses, qu’elle pesait sur le destin des peuples, on s’y investissait en ayant l’impression de toucher à quelque chose de sacré. La politique a quelque chose de poétique.

La politique n’est pas simplement une opération comptable visant à satisfaire différentes clientèles électorales en quête d’avantages matériels. À travers elle, on voulait accomplir de grands projets. On savait que l’être humain n’est pas qu’un individu replié dans sa vie intime. Il a besoin de sentir qu’il participe à quelque chose de plus grand que lui. Il fut un temps où les Québécois étaient convaincus que leur statut politique était une chose vitale, fondamentale.

Les uns voulaient l’indépendance. À travers elle, le peuple québécois se gouvernerait lui-même, sans plus jamais avoir à demander la permission d’exister. C’était évidemment la grande aspiration de Jacques Parizeau. Les autres, comme Robert Bourassa, souhaitaient conjuguer l’identité québécoise avec le maintien du lien fédéral. Quelques-uns, déloyaux au Québec, voulaient l’écraser. C’était le cas de Trudeau.

Mais tous parlaient de la même chose: ils parlaient de la question nationale. Ils savaient que la situation du peuple québécois en Amérique ne serait jamais tout à fait normale. Que pour persévérer dans son être, il devait être conscient de sa fragilité. Ils savaient qu’on ne s’engage pas ici en politique sans avoir à cœur la survie de notre peuple. Ils savaient que la politique est une activité qui engage tout l’être humain.

Comprenons-nous encore l’importance vitale de la question nationale ou la considérons-nous comme un chapitre clos de notre histoire? Jacques Parizeau a fait d’immenses sacrifices pour la souveraineté. Il a renoncé aux honneurs parce qu’il avait à cœur l’honneur de son peuple. Il a renoncé à se servir dans le grand buffet de l’élite à laquelle il appartenait de naissance pour mieux servir une idée qui méritait bien des sacrifices.

On ne peut célébrer la mémoire de Jacques Parizeau sans constater la médiocrité de la vie politique contemporaine. C’est bien la seule chose qu’on peut reprocher aux géants: ils nous font de l’ombre. Pour certains, la seule solution, c’est de les abattre: on se délivre ainsi de leur tutelle. Pour d’autres, ils nous invitent à nous hisser à leur hauteur. Je me permets de croire que plusieurs entendront de la deuxième manière l’appel de Jacques Parizeau.  

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