Les pesticides: liaisons indécentes ?

Issus de la révolution verte des années d’après-guerre, il faut reconnaître que les pesticides ont considérablement amélioré les conditions de travail et les rendements des agriculteurs en éliminant la plupart des ennemis des cultures. Cependant, nous réalisons aussi que notre imposant arsenal antiparasitaire chimique engendre également de sérieux problèmes de résistance, de pollution et de santé publique. Malgré tous les efforts déployés au cours des deux dernières décennies pour réduire la quantité de pesticides utilisés, nous voilà face à un constat d’échec.

Arrêtons de taper sur la tête des agronomes du privé !

Mais une chose est sûre, ce n’est pas en tapant sur la tête des agronomes du privé et en réalimentant cette stupide guéguerre des services liés et non liés, que nous stopperons la progression des pesticides en agriculture. Allons donc les professionnels de l’agriculture, peu importe pour qui ils travaillent, qu’ils soient agriculteurs, techniciens ou agronomes, qu’ils bossent pour le privé ou pour le public, tous sans exception savent qu’ils ont affaire à des poisons et que ces derniers sont dangereux pour la santé et nocifs pour l’environnement.

Les cocktails herbicides-OGM au banc des accusés

Au Québec, ce sont les herbicides qui constituent le plus gros volume de ventes de phytos et ces derniers sont très majoritairement utilisés dans le maïs et le soya que l’on cultive en très grande quantité.  Depuis 2003, les superficies combinées de maïs et de soya ont augmentées de plus de 16%, ce qui n’aide pas la cause. Mais il y a aussi l’effet pervers de la surutilisation du glyphosate dans les champs de maïs et de soya génétiquement modifiés. Le glyphosate détruit par contact à peu près tout ce qu’il touche mais il est non résiduel. Conséquemment, toute mauvaise herbe qui germe après son application ne sera pas contrôlée et toute mauvaise herbe qui aura le temps de se développer avant l’application du glyphosate pourra potentiellement causer des dommages. Conséquemment, ces faiblesses techniques  du glyphosate ramènent sur le marché des herbicides résiduels anti-feuilles larges et anti-graminées que l’on utilisait avant l’arrivée des OGM et que l’on mélange maintenant au glyphosate. La belle affaire !

Plus inquiétant encore : l’écoblanchiment !

Mais plus inquiétant encore sont les nouveaux gènes implantés sur le maïs et le soya. Par exemple, le Dicamba, ce vieil herbicide résiduel à large spectre qui permet le contrôle des feuilles larges dans le maïs, pourra désormais être mélangé au glyphosate et être appliqué sur du soya génétiquement modifié pour la cause. Pas certain qu’avec de telles stratégies,  nous allons réduire l’usage des pesticides au Québec. Croyez-vous sincèrement que des compagnies qui produisent et les pesticides et les semences génétiquement modifiées auront pour objectifs de développer une agriculture durable qui réduira la dépendance des producteurs face aux pesticides. Permettez-moi d’en douter. Et dire que les mots agriculture durable font partie de leur formule marketing. Ça mes amis, ça s'appelle de l'écoblanchiment.

Agriculture contre nature, un combat à finir ?

S’il existe une certitude, c’est bien que l’agriculture telle que nous la pratiquons, n’aura jamais le dernier mot sur la nature. La nature carbure à la biodiversité alors que nous nous entêtons à vouloir la rayer de la carte. À mon avis, pour sortir de l’impasse,  nous devons cesser de fonctionner par silos d’expertise, de réfléchir champ par champ, culture par culture, de disloquer l’animal du végétal. En bref, nous devons inventer des écosystèmes  spécifiquement agricoles qui imitent la nature plutôt que de la combattre.

Au Québec, les semences généalogiques, le machinisme, les pesticides et les engrais ainsi que le drainage représentent les principaux acquis de la révolution verte. Indiscutablement, ces innovations ont permis des augmentations sans précédent des rendements, mais elles  heurtent aujourd'hui plusieurs murs. La dépendance au pétrole, la compaction et l’érosion des sols, la pollution des cours d’eau, le surendettement des fermes en sont quelques-uns.

Certes, l’industrie des pesticides doit être encadrée afin d’éviter les abus mais cela ne suffira pas. J’espère que nous ne créerons pas un deuxième REA dont l’incroyable lourdeur administrative confine plusieurs centaines de jeunes agronomes et techniciens à leur bureau. Pourtant, toute cette jeunesse rêve du jour où elle pourra enfin se réaliser sur le terrain. Concrètement, le développement d’écosystèmes agricoles durables, ça veut dire les rotations de cultures, les systèmes de couverture végétale, le semis direct, les bandes riveraines, et surtout une gestion systémique de la production agricole qui privilégie l’utilisation des ressources de la ferme en premier lieu plutôt que les coûteuses importations d’intrants produits hors de la ferme. Toute cette mouvance écologiquement productiviste est déjà à l’œuvre sur le terrain et il ne s’agit que de l’alimenter.

De grâce monsieur le Ministre, ne baissez plus les bras devant Monsanto, il y a tant de choses que nous pouvons encore faire et avec les moyens du bord par surcroît.

Et vous savez quoi monsieur le Ministre, le plus surprenant est que les plus avant-gardistes techniques d’agriculture écologiquement productiviste et durable, proviennent du secteur privé…

Un agronome lié par sa passion du métier…

 

 

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