Libre marché, mais pas pour les producteurs de sirop d’érable d’ici

Du sirop d'érable produit des États-Unis se trouve en vente libre ici au Québec. Cela est tout à fait légal. L'inverse n'est toutefois pas possible comme ne cessent de le dénoncer les producteurs « récalcitrants » aux prises depuis des années avec la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ).

« Ceux qui sont illégaux ce sont les Québécois qui font du sirop d'érable comme dans notre cas : on le transforme et on veut le vendre par intermédiaire ». Mme Nicole Varin, productrice d'Oka ajoute : « ils n'ont pas de frontières, mais nous on a des frontières ».

Mme Varin et trois autres « récalcitrants » rencontrés par La Vie agricole en avaient long à dire sur leur incapacité à vendre leur produit. M. Daniel Gaudreau se demande : « Pourquoi les autres provinces peuvent venir vendre allègrement dans un Canada libre et nous qui sommes aussi dans le Canada, on ne peut pas le faire ».

Harcèlement ?

Au Québec un producteur doit vendre à la FPAQ depuis la mise sur pied, en 2002, de l'agence de mise en marché. Il a le droit de vendre directement aux consommateurs, mais pas à des intermédiaires ou hors Québec sinon… il doit payer une cote et… révéler sa liste de clients. Comme les « récalcitrants » dénoncent publiquement la situation, c'est là que commence ce que M. Gaudreau qualifie de « harcèlement ».

Par exemple M. Gaudreau de Scotstown a des amendes de 350 000$, M. Steve Côté de Sawyerville 450 000$ pour sa production entre 2009 et 2012  (ça ne comprend pas la production de 2012 à aujourd'hui), M. Roland Champagne d’Inverness 325 000$. M. Gaudreau fait en plus face à un outrage au tribunal. Son sirop a été saisi et il y avait un ordre de cour qui le nommait « gardien ». Il a quand même vendu son sirop.

Qu'est-ce que vous avez fait pour avoir de telles amendes ? « J'ai fait du sirop. Si j'avais fait pousser du pot j'aurai eu une amende de 2 ou 3 000$ plus une petite tape sur les doigts » dit-il. Puis M. Côté ajoute : « J'ai vendu hors du système, mais j'ai payé mes impôts, mes taxes, je n'ai fraudé personne ». M. Côté n'a pas de contingent et comme il a vendu en vrac à l'extérieur du Québec et par intermédiaire (marchés d'alimentation) au Québec il écope du maximum, environ 2.40$/livre de pénalité.

Comment la FPAQ a-t-elle pu coincer ces récalcitrants ? Ils ont tout révélé eux-mêmes ! Comme ils dénonçaient publiquement le système, ils ont rapidement été identifiés, la suite était à prévoir. Premièrement dans la loi sur la mise en marché des produits agricoles (M-35) il y a l'article 169 qui stipule : « Un office peut désigner une personne pour faire, auprès des producteurs visés par le plan qu’il applique, des inspections et vérifications nécessaires à l’application du plan, des règlements, des conventions homologuées et des sentences arbitrales. » et à l'article suivant évidemment, précise que personne ne peut « entraver » la personne autorisée à faire l'enquête.

« Normalement un policier doit avoir un mandat pour pénétrer chez-vous » fait remarquer M. Côté, mais avec l'article 169 c'est tout comme en avoir un pour la FPAQ.

Ensuite la FPAQ a obtenu des ordonnances pour avoir la liste des clients et le livret de compte de banque (même personnel) des récalcitrants. M. Côté affirme que même si la vente directement au consommateur n'est pas couverte, on lui a quand même demandé la liste de ses clients et leur numéro de téléphone question de vérifier s'il n'y avait pas dans la liste des vendeurs intermédiaires.

Pour sa part Mme Varin a toujours refusé de divulguer son compte de banque parce qu'elle ne fait pas que des produits de l'érable, dans son compte elle a les revenus de ses fraises, de ses framboises, de ses pommes. Comme elle le fait remarquer, divulguer tout ça, plus la liste des clients, devant la régie des marchés agricoles dont les audiences sont publiques, c'est révéler beaucoup de chose.  « Ils vont jusqu'à compter ce qu'il y a dans le cornet vendu à l'unité » ajoute-t-elle exaspérée.

« L'UPA, la fédération, la régie… ce sont les doigts de la même main», dit Gaudreau

M. Gaudreau dit avoir vu d'autres producteurs prendre des notes lorsqu'il dévoilait la liste de ses clients en public devant la régie. Pour M. Roland Champagne de l'érablière La grande coulée : « l'UPA, la fédération, la régie… ce sont les doigts de la même main ». « On n’a jamais voté pour ce système » ajoute-t-il « ils nous l'ont imposé ».

Question de qualité : le consommateur préfère-t-il l’artisanal ou l’industriel ?

Selon Mme Varin « la fédération a voulu contrôler le vrac, le sirop et toute la production maintenant elle veut contrôler le consommateur en décidant ce qu'elle va mettre sur le marché ».  Les producteurs rencontrés soulignent tous la passion qui les anime : « en faisant affaire avec un artisan, le consommateur a un goût unique ». Mme Varin explique que le sirop qui arrive chez l'emballeur ou le transformateur est un produit mélangé de sirop entreposé à Laurierville, alors « tu te retrouves avec un produit ordinaire » estime-t-elle, et avec l'étiquette « produit du Canada ».

Il y a des producteurs qui ont besoin de la fédération pour vendre leurs produits, pas de problème dit-elle « mais il y a vivre et laissez-nous vivre » ajoute-t-elle.

 

 

 

 

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