L’affaire Levinoff-Colbex dans la mire deux ans après la faillite: Une entente qui pourrait fragiliser l’ADPBQ en la réduisant au silence !

Les batailles de l’Association de défense des producteurs de bovins du Québec (ADPBQ) ont eu lieu pour d’abord contester l’achat même de l’abattoir Levinoff-Colbex, puis pour faire la lumière sur la transaction (qui a fait quoi, qui a reçu quoi et combien ?), pour participer à la gestion du plan conjoint ( mais en vain), pour faire la lumière sur Encan-Québec, … toutes ces batailles pourraient tomber à l’eau si l’ADPB est réduite au silence !

 

Le président de l’ADPBQ, Adrien Breault, a participé à une « séance de médiation » avec Les producteurs de bovins (fédération liée à l’UPA) en novembre et une « entente de principe » est intervenue après deux jours de négociations. Présentée à l’assemblée générale de l’ADPBQ le 14 décembre et au Conseil d’administration des Producteurs de bovins (fédération liée à l’UPA)  le même jour, l’entente a été acceptée, mais les deux parties se disant liées par une entente de confidentialité personne ne veut en dévoiler les termes ni la portée.

Démissions en cascade suite à l’entente à l’amiable…

L’annonce de la participation de M.  Breault à cette « séance de médiation » avec les Producteurs de bovins au sujet de la cotisation imposée aux producteurs, a provoqué une démission, celle de M. Vincent Kelhetter, le vice-président de l’ADPBQ, qui disait ne pas avoir été consulté en dénonçant l’initiative « personnelle » d’Adrien Breault.

Après la présentation de l’entente lors de l’assemblée générale, un autre membre du conseil d’administration de l’ADPBQ, Jean-Louis Tinant, a démissionné, reprochant, lui aussi, au président d’avoir agi seul. Un autre membre de l’association, Martin Scott, a aussi fait savoir à La Vie agricole qu’il continuerait le combat et ne signerait pas cette entente.

Dans ce contexte quel est l’avenir pour l’Association de défense des producteurs de bovins ? Est-ce que l’entente de principe, dont le contenu reste secret, est une façon de museler, de réduire au silence l’ADPBQ ? Si l’entente à l’amiable ne porte que sur la contestation de la cotisation de 53.86$ la réponse est non. Aucun doute toutefois que la pilule sera difficile à avaler pour plusieurs, car cette « contribution » était imposée par la Fédération après avoir obtenu des renseignements auprès de Agri-Traçabilité Québec. C’est la transmission de ces données qui était contestée. Est-ce que la bataille sur ce point est terminée ?

L’ADPB se battait aussi pour autre chose. Plusieurs requêtes « en révision judiciaire » ont été déposées en Cour supérieure par l’association. Est-ce que le sort de ces batailles fait partie de l’entente ?

La gestion du plan conjoint espéré par L’ADPBQ est-il un scénario qui tombe à l’eau ?

En février 2016, l’ADPBQ écrivait à la Régie des marchés agricoles pour demander la gestion du plan conjoint « des producteurs de bovins de réforme et veaux laitiers ».

La résolution du CA de l’organisme, dont La Vie agricole a obtenu copie, fait remarquer à la Régie que la FPBQ (fédération dont le nom a changé depuis) n’a pas respecté ses engagements envers les producteurs ni envers le gouvernement du Québec. En effet la résolution mentionne que la FPBQ est en défaut de paiement envers Investissement Québec.

Faisant remarquer que « la gestion d’un plan conjoint n’est pas exclusive à une représentation syndicale » l’ADPB estime que sa propre crédibilité la qualifie pour faire cette demande.

Encan-Québec dans la mire !

En 2016 l’ADPBQ se préoccupait d’une transaction entre la FPBQ et Gestion STM plus précisément sur la valeur des actifs de la FPBQ dans Réseau Encan-Québec (REQ).

En juin l’ADPBQ demandait à la Régie d’analyser cette transaction, d’établir la valeur réelle des actifs, de vérifier la légalité d’une entente de partenariat. L’association demandait à la Régie de statuer : « Si comme administrateur du plan conjoint et de sa participation dans REQ, la FPBQ avait le droit d’exploiter une entreprise d’engraissement de bouvillons, un produit visé par le plan conjoint ».

L’ADPBQ demandait aussi que la Régie ordonne de rendre publique l’entente sur la transaction.

Beaucoup plus de questions que de réponses !

Dans quel état sont les finances des Producteurs de bovins (autrefois appelé FPBQ). Est-ce que la faillite de l’abattoir Zénon-Billette y traîne encore ? Plus près de nous, qu’en est-il du remboursement du 19M$ (avec intérêt 22M$?) de Investissement-Québec dans l’achat de Levinoff-Colbex?

Combien a coûté la bataille sur le 53.86$ en frais d’avocat et de justice pour la FPBQ et aussi pour l’ADPBQ ?

Enquêtes encore en attente même après la demande d’intervention de l’UPAC par Breault !

Presque tout le monde a demandé une enquête du vérificateur général ou une enquête publique sur cette affaire : le Parti Québécois, l’Union paysanne, le Conseil des entrepreneurs agricoles, mais rien…

Pour sa part en 2013, Adrien Breault disait : « Nous avons vu juste quant au sort de l’abattoir de même que l’ensemble des producteurs. Si le premier geste que la FPBQ a fait en acquérant l’abattoir vous semble douteux et nécessite une enquête, imaginez la gestion ? » et il invitait même l’UPAC à s’intéresser à l’affaire.

KPMG rappelle le risque élevé qu’a pris le gouvernement !

Longtemps attendu, le rapport de la firme juri-comptable KPMG est finalement publié en février 2014. La firme comptable estime que le contexte économique lors de l’acquisition rendait la transaction risquée pour le gouvernement du Québec.

Au sujet du prix, la firme explique : « La juste valeur marchande (JVM) de la transaction financière de l’Abattoir à la FPBQ était, à la date d’évaluation, soit le 1er janvier 2006, comprise entre 50 M$ à 67 M$, pour une valeur médiane de 58 M$. Il appert donc que le prix payé de 62,5 M$, auquel nous devons ajouter une somme de 4,5 M$ relative à un excédent sur la JVM de la rémunération du Groupe Cola pour un total de 67 M$, correspond au haut de la fourchette établie pour la JVM ».

Tourner la page disait en 2014 le ministre Gendron !

Le mois suivant, en mars 2014, de passage en Côte-du-Sud, en campagne électorale, le ministre de l’agriculture de l’époque, M. François Gendron, se disait d’accord avec la Fédération des producteurs de bovins pour tourner la page. Il disait alors à La Vie agricole : « Il n’y a pas d’autre alternative que de tourner une page quand on sent qu’il y a eu énormément de laxisme, d’incompétence crasse » dans cette affaire par l’ancien gouvernement libéral».

Le projet de coop encore utopique en 2016 ?

Puis, il y a eu un projet de coopérative, piloté par Paul Doyon de l’UPA-Beauce, pour prendre la relève de Levinoff-Colbex, mais cela n’a pas fonctionné. En entrevue à La Vie agricole en novembre 2014, M. Doyon déclarait : « Pour ce qui est de l’abattage, même si le gouvernement a délaissé notre projet à Saint-Cyrille, on n’a pas dit notre dernier mot et on regarde ailleurs au Québec », mais ils ont dû abandonner. https://www.youtube.com/watch?v=SA-5ts-9cro

Conscient que le Québec a besoin d’un abattoir, Adrien Breault voyait d’un bon œil le projet de coopérative: « Cela ne nuit pas à notre cause ». Cette relance par une coopérative se fait sur une base volontaire par des indépendants qui contribuent volontairement dit-il en soulignant que cela n’était pas le cas dans l’affaire Levinoff-Colbex. (http://lavieagricole.ca/346/) Même l’ex-président du Mouvement Desjardins, M. Claude Béland, trouvait que c’était une bonne idée. https://www.youtube.com/watch?v=_pxyvAis8iM

Continuer le combat ?

Qui continuera ce combat ? L’ADPBQ ou  un autre groupe devra-t-il naître ? Comme le disait un producteur à l’Assemblée générale de l’ADPBQ le 14 décembre dernier : « Celui qui a les fonds c’est celui qui administre le plan conjoint », rappelant ainsi qu’en agriculture au Québec on en revient toujours à qui a la responsabilité de la gestion des plans conjoints !

 

 

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