Un futur conditionnel ! L’Ordre des agronomes du Québec a pris connaissance de l’article de M. Marc Séguin publié dans La Presse du 28 janvier intitulé Le futur simple. D’un côté, nous ne pouvons que saluer la volonté de l’auteur de vouloir apporter un vent de changement au milieu agroalimentaire en rapportant des faits et énoncés qu’il entend du milieu.
Selon lui, le système a besoin de changement et nous ne pouvons qu’admirer sa détermination à rapporter ces propos. Il est intéressant que M. Séguin ressorte le rapport Pronovost. Ce rapport avait, à l’époque, créé beaucoup d’attentes, prônant une agriculture multifonctionnelle, plurielle, entrepreneuriale, professionnelle et durable dont le but était et est toujours de nourrir les Québécois. Certes, ce rapport dénombrait plusieurs points forts de notre agriculture, dont une agriculture professionnelle, moderne et hautement sécuritaire, point qui a semblé échappé à M. Séguin.
Ce même rapport demandait une ouverture aux autres types d’agriculture favorisant une différenciation et une valorisation des produits et nous ne pouvons être qu’en accord avec le point de vue de M. Séguin sur ce propos. Soulignons que le consommateur québécois a la chance d’avoir accès à un système agroalimentaire sécuritaire qui lui fournit une nourriture de grande qualité, en abondance et à un cout parmi les plus faibles des pays de l’OCDE. D’un côté, ce consommateur demande des aliments à un cout faible et d’un autre, il s’attend à une spécificité et une exclusivité qui va à l’opposé de sa volonté de payer. Il ne faut pas se tromper, le consommateur est prêt à payer pour de la qualité et la spécificité de produits locaux, mais sa réalité quotidienne, à travers laquelle il doit nourrir sa famille le ramène souvent à une alimentation plus standardisée. Monsieur Séguin critique à tort et à raison le système de gestion de l’offre canadien. Peu d’entre nous se souviennent de la période avant la mise en place de la gestion de l’offre et des problèmes auxquels faisaient face les producteurs. Sans cette gestion de l’offre, le portrait des productions de lait, d’œufs, de poulets et de dindons serait complètement différent et le paysage agricole du Québec méconnaissable.
La gestion de l’offre actuelle qui tire son origine à la fin des années 60 et nous convenons qu’il est imparfait et peut être amélioré. Selon l’auteur, « le cas des agronomes est encore plus troublant ».
Ce commentaire nous semble plutôt injuste. Nous sommes aussi surpris de lire l’affirmation selon laquelle les agronomes feraient leur travail sans tenir compte de la réalité. Ce jugement de la part de l’auteur nous semble loin de la réalité.
Premièrement, l’Université est un lieu où l’agronome acquiert des savoirs basés sur la science et non un lieu où l’on apprend un travail. L’Ordre des agronomes du Québec s’assure d’ailleurs que tous ses membres conservent leur indépendance professionnelle et ce, peu importe qu’ils travaillent pour une compagnie, un ministère, une institution financière, un club d’encadrement technique, un groupe-conseil ou à leurs comptes.
Deuxièmement, le conseil ou la recommandation qui est donné par l’agronome est fait dans les règles de l’art. Cependant, le client, l’agriculteur, est le seul responsable du suivi de la recommandation. Il est le seul à décider s’il applique la recommandation ou non.
Troisièmement, nous tenons à souligner quelques erreurs dans le texte de M. Séguin:
· L’utilisation de facteurs de croissance: si l’auteur fait référence aux antibiotiques utilisés comme facteurs de croissance, nous tenons à lui rappeler que depuis 1986, tous les antibiotiques utilisés chez les animaux d’élevage sont administrés sous prescription vétérinaire et que les agronomes ne sont aucunement impliqués dans la recommandation ou la prescription de facteurs de croissance. · Le Québec est le champion du confinement et de la stabulation permanente: nous tenons à rappeler à l’auteur que le modèle de production et de stabulation utilisé au Québec est très semblable à celui utilisé au Canada et un peu partout dans le monde. Notons cependant que les systèmes de stabulation des vaches laitières subissent de profonds changements et que ces changements nécessitent des investissements majeurs. S’il est vrai que le rapport Pronovost faisait état d’une perte de confiance d’une certaine proportion des consommateurs envers la production agricole et le secteur agroalimentaire, faire preuve de cynisme envers notre production agricole ne viendra en rien rassurer ce consommateur.
L’Ordre des agronomes du Québec a comme mission de protéger le public et vous pouvez être assuré que nous continuons de travailler fort pour l’amélioration continue de nos systèmes et de l’agriculture québécoise. Nous souhaitons que le futur soit conditionnel et que tous les acteurs des secteurs agricoles et agroalimentaires travaillent ensemble pour le bien-être du consommateur.
Michel Duval, président et Pascal Thériault, vice-président de l’Ordre des agronomes du Québec.
Marc Séguin a publié dans La Presse+ du dimanche 28 janvier une texte intitulé « Le futur simple»