L’étrange recette d’Agropur pour disposer de ses surplus de lait écrémé!

Le système laitier canadien est totalement sous pression et cela amènerait Agropur à défier le dernier accord Canada/États-Unis/Mexique, c’est ce que semble avoir expliqué Roger Massicotte à ses membres récemment. La Vie agricole a eu connaissance d’une vidéo (voir ci-joint) du discours du président de la coopérative d’Agropur, André Massicotte, donné dans le cadre d’un webinaire des assemblées régionales réalisé le 10 décembre dernier. Le président Roger Massicotte a alors évoqué sa vision d’avenir de cette institution québécoise lors de cette 27e rencontre des assemblées régionales et en a profité pour souligner la complexité d’avancer dans un système laitier canadien sous pression. Il a aussi parlé des solutions qui au final permettent de passer outre l’accord Canada/États-Unis/Mexique.

Un ”blend ”appris des Américains pour disposer de 50 000 tonnes de lait écrémé

«L’environnement d’affaires dans le secteur du lait au Canada est extrêmement difficile  notamment dans le cadre du dernier accord Canada-États-Unis-Mexique qui a imposé des règles très difficiles à mettre en place, principalement pour les solides non gras. On nous a imposé un maximum de 35 000 tonnes qu’on a le droit d’exporter pour le lait écrémé alors que notre historique était de 80 000 tonnes. On a presque 50 000 tonnes qu’on doit disposer autrement que dans le système laitier actuel», explique M.Massicotte dans cette vidéo dont nous vous proposons un extrait. La vidéo ne dit pas dans quel contexte Agropur a appris cette étrange recette de la part des Américains et où se retrouvent ces excédents dans le monde.

Crainte de la réaction des Américains

Le président d’Agropur ajoute : «On a réussi à faire ça. On n’appelle pas ça du lait écrémé on appelle ça un blend. C’est un mélange que les Américains nous ont montré comment faire. Ils mélangent d’autres choses et ça ne s’appelle plus du produit laitier. On a mélangé d’autres choses avec et on a exporté ces produits-là, mais ça ne veut pas dire qu’on ne le se fera pas reprocher par les Américains parce que déjà ils nous mettent la pression sur les contingents qui ont été donnés aux transformateurs».

Un beau redressement financier

Roger Massicotte avait au préalable dans son intervention souligné : «Nous venons de vivre un redressement important chez Agropur. La situation financière est virée de tout au tout».

Effectivement les derniers chiffres qui ont été portés à notre connaissance sont encourageants comme nous l’écrivions récemment dans l’article : Agropur se veut rassurante.

Roger Massicotte a précisé que de 2013 à 2019, la coopérative a entrepris un grand plan d’acquisition qui a amené à un investissement de 3,4 milliards de dollars séparés 50/50 au Canada et aux États-Unis, investissement pour lequel il avait été fait appel à des banques et pour lequel ont été émises des parts privilégiées de premier rang.

Le président de la coopérative reconnait au fil de son discours que 2018/2019 n’ont pas permis d’obtenir la rentabilité. En réaction, au début de 2020 le conseil d’administration et sa nouvelle équipe de direction se sont donc donné pour mandat de simplifier le modèle d’affaires : «Ça a pris des décisions difficiles et des ventes de breuvages aseptiques aux États-Unis, mais aussi la vente des actifs yogourt. Ça, c’est venu chercher notre cœur de producteurs, mais ça représentait 2% de notre chiffre d’affaires. Oui c’était rentable, mais on a vendu, car il y a eu dans les dernières années une décroissance du marché du Yogourt et la compétition est féroce».

Vente du transport du lait : c’est marginal selon le président Massicotte

M.Massicotte a aussi expliqué que la coopérative a dû vendre ses collectes de lait rappelant par la même occasion que les camions sur les routes du Québec avec le logo Agropur ne sont pas nécessairement ceux de la coopérative puisqu’il y a «une entente avec les producteurs de lait du Québec que tous les camions qui circulent au Québec ont notre logo».

Il précisera aussi «On ne transportait que 10 % du lait de nos membres donc c’était très marginal (…) Les producteurs de lait aux négociations des conventions du transport du lait ont été très rigoureux ces dernières années et les marges se sont effritées».

Retour à la croissance malgré un reste de dette de 1,4 milliard

Au cours des15 derniers mois «c’est un remboursement de 1 milliard de dettes qui représente 40 % de notre dette totale qui était de 2,4 milliards», précise M. Massicotte. Les parts privilégiées sont rachetées et pour le président d’Agropur «C’est un retour au marché de la croissance».

Augmenter le nombre de membres ? Pas pour maintenant

Si le président d’Agropur a souligné la fierté des membres qui est ressortie lors de la réflexion stratégique, il a rappelé que sur l’entrée de nouveaux membres les avis sont partagés ! «Le conseil va prendre le temps d’analyser. Plusieurs producteurs craignent de perdre les acquis actuels», a-t-il dit.

Alors que certains membres aimeraient bien une capitalisation par les membres, cette option sera mise de côté, car si certains membres aimeraient bien faire de gros profits sur le principe des parts privilégiées, le président rappelle que lorsque la coop a besoin, «peu de mains se lèvent pour voler à son secours».

«La ristourne ce n’est pas le plus important pour nous. On veut que notre entreprise soit avant tout pérenne», dit-il.

Pour le partage de la richesse chère aux coopératives, il y a cette année des ristournes de prévues. Si Agropur a un historique d’un taux de 16 % en ristournes cash en général en se comparant avec les grandes entreprises et leur versement en dividendes il apparait que celui-ci est d’environ 11 % du flux monétaire. Dans le futur pour les 5 prochaines années le pourcentage des ristournes de la coopérative devrait alors se situer autour de 8 à 10 %, de préciser Agropur.

Concernant l’environnement durable, la réflexion est initiée, assure le président Massicotte : «La planète a besoin d’aide. Agropur est à se positionner face à cela».

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