Joseph-Édouard Caron et l’agriculture : presque deux décennies à l’Agriculture

L’ancien premier ministre Robert Bourassa disait que “six mois en politique c’est une éternité”. Imaginer un député qui d’élection en élection est nommé et renommé au poste de ministre de l’Agriculture et cela pendant presque deux décennies. Ce record historique parmi les quarante-deux titulaires de l’Agriculture depuis 1867 est détenu par Joseph-Édouard Caron, du 18 novembre 1909 au 24 avril 1929.

Marc Dion

On souligne sa capacité de travail, il avait la réputation de maîtriser ses dossiers, d’être efficace dans les débats de la chambre et d’être un habile politicien. «La Presse du 26 janvier 1927 ajoutait les remarques suivantes : “Habile, l’esprit toujours en éveil, au courant de tout ce qui se rapporte à notre vie agricole qu’il veut de plus en plus intense à mesure que croissent nos revenus, l’honorable M.Caron s’est créé une réputation méritée d’administrateur hors ligne*».

Il avait notamment la confiance de ses premiers ministres, ce qui constitue un ingrédient essentiel pour l’obtention des budgets et de l’appui indispensable à la mise en place de ses politiques. Le recensement de 1921 nous apprenait qu’au Québec la population urbaine dépassait la population rurale. Cependant, la société opposait majoritairement au monde industriel la promotion du travail de la terre, de la vie rurale et des valeurs traditionnelles. Loin de favoriser un simple retour à ces valeurs J.-Édouard Caron proposait une version modernisée des pratiques agricoles et de l’économie de la ferme.

Caron, un avant-gardiste

Dès les premières décennies du XXe siècle, cet avant-gardiste croyait au développement technique et commercial de l’entreprise et à l’enrichissement de l’agriculteur. Il recommandait l’application de méthodes productives et une meilleure présence des produits de qualité sur les marchés. Dans une période où l’illettrisme était fréquent, il voulait améliorer la formation des agriculteurs. Ce qui n’était pas populaire dans les milieux traditionnels où l’on ne voyait pas la nécessité d’aller à l’école pour cultiver les champs et soigner le bétail.

Les premières pierres d’une politique de l’agriculture québécoise

Les premières pierres dans l’édification d’une politique de l’agriculture québécoise reposent notamment sur quatre initiatives structurantes du ministre Caron. Premièrement, l’organisation par l’État de la diffusion de connaissances scientifiques dans le secteur avec la constitution au Ministère d’une première équipe d’agronomes de comtés. Deuxièmement, l’introduction d’un système de promotion et de surveillance de la qualité des produits alimentaires avec la création d’un premier embryon d’inspecteurs et par l’obligation de l’inspection des beurreries et fromageries. Troisièmement, le support financier aux écoles permettant l’organisation des premiers cours abrégés en agriculture. Quatrièmement, l’émergence de services spécialisés et d’une mise en marché organisée, avec la fusion de trois coopératives centrales pour créer la Coopérative fédérée de Québec inc. (Solio Groupe Coopératif). L’opposition lui reprocha son manque d’écoute et son attitude cavalière dans la fusion des coopératives qui furent initialement sur la quasi-tutelle du Ministère. Nous sommes en droit de prétendre que J.-Édouard Caron fut un pionnier et un promoteur d’un secteur agricole qui s’ouvre lentement à la modernité.

Acteur de changement

Ce ministre fut un acteur de changements dans le premier tiers du XXe siècle. Sa vision économique et commerciale de la ferme ainsi que son travail en faveur de la qualité des produits offerts aux consommateurs de la ville le distinguent de plusieurs de ses prédécesseurs. Rappelons que généralement l’élite politique et les membres du clergé de cette époque s’attardaient en vain à la promotion de la colonisation et des valeurs conservatrices tels que le travail de la terre et les familles nombreuses pour sauver la Nation canadienne-française. J-Édouard Caron se range dans la catégorie des grands ministres** par son engagement dans une politique reflétant une vision avant-gardiste et par la mise en œuvre de multiples initiatives durables et structurantes pour l’agriculture. Un siècle plus tard, peu de gens connaissent la contribution remarquable de ce ministre

*L’oeuvre féconde du ministère de l’Agriculture, Document de promotion publié lors du vingt- 1 cinquième anniversaire de vie parlementaire de J.-E. Caron, 1927, p.35.

**Notre article de LVA de février 2023 établissait que quatre ministres se distinguent pour leur 2 longévité, il s’agit de J.-Édouard Caron, Adélard Godbout, Laurent Barré et Jean Garon.

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