La distinction légale entre un cours d’eau et un fossé de drainage

Qu’il s’agisse d’une ville, d’un village ou d’une municipalité régionale de comté (MRC), les divers organismes publics qui régissent la société ont le pouvoir d’adopter des règlements pouvant vous affecter. Or, pour ce faire, ils doivent avoir la compétence juridique nécessaire. Une simple question d’interprétation de cette notion peut permettre d’invalider un règlement ou d’empêcher l’intervention de la MRC dans vos travaux de construction.

À titre d’exemple, dans l’arrêt Voghell c. Municipalité régionale de comté (MRC) de Rouville 2019 QCCS 773, la Cour supérieure a invalidé un règlement de la MRC de Rouville qui affectait grandement plusieurs citoyens. Dans cette affaire, le Tribunal devait qualifier un plan d’eau pour déterminer s’il s’agit d’un cours d’eau ou d’un fossé de drainage. Bien que cette question puisse sembler banale, d’un point de vue juridique, il existe des distinctions importantes entre ces deux éléments.

À cet effet, en vertu de la Loi sur les compétences municipales, une MRC à compétence exclusive à l’égard des cours d’eau. Cependant, cette compétence est à l’exclusion des fossés, ce qui crée l’importance de cette qualification. Afin de déterminer si le plan d’eau est un fossé ou un cours d’eau, on doit évaluer les critères d’analyse de l’article 103 de la Loi sur les compétences municipales.

Premièrement, on doit faire l’examen de l’utilisation du plan d’eau. En effet, pour être qualifié de fossé de drainage, le fossé doit être utilisé aux seules fins de drainage, c’est-à-dire, de permettre à l’eau retenue en excès dans les terres de s’écouler. Si celui-ci a d’autres fonctions que le drainage du sol, ce plan d’eau pourra être qualifié de cours d’eau et donc être de la compétence exclusive de votre MRC.

Deuxièmement, on doit regarder si celui-ci existe en raison d’une intervention humaine. Si le plan d’eau a été fait par la main de l’homme, cela milite en faveur d’une qualification de fossé et non d’un cours d’eau qui lui est généralement issu d’un lit d’eau naturel. Un cours d’eau ne peut partir de nulle part et se terminer nulle part, donc un examen minutieux des angles et des tracés de ligne du plan d’eau sera nécessaire.

Pour analyser ce critère, on doit également observer la présence d’eau. En effet, le sens courant d’un cours d’eau réfère nécessairement à un écoulement d’eau entre une source et une embouchure. Ainsi, l’absence d’un écoulement continue d’une eau courante penche l’analyse sur le fossé au détriment du cours d’eau.

Troisièmement, comme dernier critère, le bassin versant doit être de moins de 100 hectares. En ce sens, si la superficie du plan d’eau est supérieure à 100 hectares, on pourra le qualifier de cours d’eau et non de simple fossé. Il faut calculer la superficie du bassin versant d’une ligne d’écoulement de sa source jusqu’à sa jonction.

Pour conclure, il ne faut pas minimiser l’importance de la qualification de cour d’eau ou de fossé de drainage puisque cette qualification pourrait avoir des conséquences importantes sur votre propriété. Ainsi, si vous vous trouvez brimer par un règlement ou une intervention d’une MRC qui affecte vos droits en lien avec un fossé ou un cours d’eau, n’hésitez pas à contacter un avocat qui pourra vous guider et vous conseiller sur le sujet.

 

Rédigé en collaboration avec monsieur William Cadran

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