Opinion: La crise de confiance des épiciers

Selon Statistiques Canada, l’inflation alimentaire au Canada est récemment tombée en dessous de la barre des 6 %, ce qui est une bonne nouvelle. Cependant, la question cruciale demeure : les Canadiens y croient-ils ?

La confiance semble être à un niveau historiquement bas envers nos institutions, et surtout envers nos épiciers. Beaucoup se fient davantage à leur instinct qu’aux statistiques officielles. Même si les données indiquent que l’inflation alimentaire est au plus bas depuis janvier 2022, que l’écart entre l’inflation générale et l’inflation alimentaire a diminué de 2,1 %, et que plusieurs produits alimentaires sont devenus plus abordables, les Canadiens restent incrédules.

Quelques faits à prendre en considération. Le Canada affiche le deuxième taux d’inflation alimentaire le plus bas parmi les pays du G7, n’étant devancé que par les États-Unis avec un taux de 3,7 %. Cependant, il semble que, quelles que soient les statistiques rassurantes, les Canadiens ne veulent rien savoir. Selon un sondage récent de notre Laboratoire, 78 % des Canadiens croient que les chiffres de Statistiques Canada sous-estiment l’inflation. Mais surtout, une grande majorité, soit 71 %, prétend que ces sous-estimations sont intentionnelles. Imaginez.

Le scepticisme et le cynisme dominent désormais le sentiment public à l’égard de l’industrie alimentaire, et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. Métro a intenté une action en justice contre Loblaw et Weston, affirmant qu’ils l’avaient “faussement impliqué” dans un complot de fixation des prix du pain. Ce scandale, tristement célèbre sous le nom de “cartel du pain”, aurait persisté pendant 14 ans entre 2011 et 2015, mais l’enquête du Bureau de la concurrence, qui a débuté en 2015, est toujours en cours. Alors qu’une entreprise, Canada Bread, a admis sa culpabilité et a payé une amende record de 50 millions de dollars cet été, les querelles entre les épiciers se poursuivent. Ces troubles continus nuisent à l’image de l’industrie et sapent encore davantage la confiance des consommateurs.

Dans ce contexte, le Centre canadien pour l’intégrité alimentaire a publié son rapport annuel sur la confiance du public, une enquête visant à évaluer la confiance des Canadiens dans l’industrie alimentaire canadienne. C’est sans doute un rapport que peu ont lu, largement financé par l’industrie pour l’industrie. Bien que le rapport aborde des questions essentielles telles que l’inflation, l’accessibilité des produits alimentaires et les pratiques durables de l’industrie, il néglige des préoccupations pressantes qui affectent la confiance du public aujourd’hui. Il ne dit rien, en particulier, sur les profits possiblement abusifs, le gaspillage persistant, en particulier dans l’industrie laitière, la confiance dans les données fournies par Statistique Canada, ou une éventuelle collusion au sein de l’industrie pour toutes sortes de produits. Cette omission est regrettable, car ces questions sont cruciales pour la reconstruction de la confiance du public.

Il n’existe actuellement aucune preuve concrète de pratiques de profit dans l’industrie alimentaire. Cependant, 82 % des Canadiens croient que le profit est d’une manière ou d’une autre lié à la hausse des prix alimentaires, selon une récente enquête menée par notre Laboratoire. Cette perception pose un défi majeur que l’industrie doit résoudre rapidement.

Les efforts d’Ottawa pour stabiliser les prix alimentaires en encourageant les épiciers à les baisser sont louables, mais le véritable problème réside dans la confiance. L’industrie alimentaire ne peut plus tenir la confiance des Canadiens pour acquise. La restauration de la confiance nécessitera une communication transparente, une plus grande responsabilité et un engagement à répondre aux préoccupations du public, qu’elles concernent le profit perçu, le gaspillage agricole, la confiance dans les sources de données ou une éventuelle collusion au sein de l’industrie.

 

Il est temps pour l’industrie alimentaire de non seulement fournir des produits de qualité, mais aussi de prouver qu’elle mérite la confiance des consommateurs. L’inflation alimentaire pourrait être en baisse, mais la restauration de la foi dans l’industrie est la véritable mesure du succès.

 

 

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