Le clou s’enfonce ENCORE en ce qui concerne l’ASRA

La Vie agricole suit depuis des mois la situation de la crise porcine qui se répand au Québec et les conséquences pour l’industrie et les producteurs de porcs indépendants. Le ministre de l’Agriculture du Québec, André Lamontagne avait commandé l’an passé un rapport à Raymond Chabot Grant Thornton pour avoir une analyse de la situation. Le rapport d’une trentaine de pages est clairement dévastateur pour l’ASRA, l’assurance stabilité des revenus agricoles. Le cabinet de M. Lamontagne a précisé qu’il n’y aurait pas de communiqué ni de commentaires à ce sujet. Alors, remettons-nous-en à ce rapport et analysons!

Il est expliqué dans le rapport que d’un côté, le soutien de l’État à la filière porcine est essentiel pour qu’elle demeure compétitive à l’échelle internationale, mais on y reconnaît d’un autre côté, que la majorité de la production est exportée, tout en étant dépendante des travailleurs étrangers à faible salaire. En fait du porc d’ici fait par des étrangers pour d’autres étrangers !

Un porc puissant dans l’écosystème agricole

L’industrie porcine est le plus important secteur agricole en excluant ceux qui sont sous gestion de l’offre dit le rapport. En 2022, la filière porcine générait 15,9 % des recettes totales de marché, 12,7 % des livraisons manufacturières bioalimentaires totales et 13,0 % de la valeur totale des exportations bioalimentaires.

Le rapport de Raymond Chabot Grant Thornton ne manque pas de souligner qu’une concentration chez les éleveurs de porcs a connu une hausse marquée au cours des dernières années.

«Alors que le nombre d’unités assurées par l’ASRA dans le secteur porcin est demeuré relativement stable au cours des années, le nombre d’adhérents a considérablement reculé, ce qui crée une hausse du nombre d’unités assurées par adhérent».

En gros moins de joueurs touchent autant d’argent du gouvernement!

Et le rapport le précise, le marché est de plus en plus concentré au niveau des abattoirs et des transformateurs.

Olymel toujours plus gros

«En incluant les porcs abattus en provenance d’autres provinces, Olymel disposait en 2023 de 70% de la capacité totale d’abattage au Québec, alors que sa part de marché était de 50% en 2004. Au cours des dernières années, plusieurs fusions et acquisitions ont été complétées par Olymel, le plus important transformateur de porcs au Québec. Parmi les principales, un partenariat d’affaires avec ATRAHAN Transformation et le Groupe Robitaille pour l’exploitation commune de leurs activités d’abattage, de découpe et de transformation de la viande de porc; la constitution de la coentreprise Oly-Robi avec le Groupe Robitaille;  L’acquisition de F.Ménard et de son abattoir de porcs situé à L’Ange-Gardien en Montérégie.»

Olymel a aussi effectué trois acquisitions d’entreprises de transformation : La Fernandière, Aliments Triumph et Pinty’s en Ontario.

Actuellement, selon le rapport : «Il ne reste que six organisations œuvrant dans l’abattage qui se partagent les parts de marché. Olymel détient près des trois quarts du marché total en se basant sur le volume de porcs abattus».

Olymel est donc le joueur central de l’industrie porcine de toute évidence.

Et L’ASRA déverse toujours plus avec 2/3 des impôts des Québécois

Les compensations de l’ASRA aux éleveurs de porcs québécois connaissent un sommet en 2023 dit textuellement le rapport en question.

«En 2023, la compensation totale de l’ASRA aux éleveurs de porcs a été de 381 M$. L’aide financière par porc offerte par l’ASRA s’élève donc à 60,51 $/100 kg, un montant qui surpasse l’ensemble des compensations unitaires obtenues depuis 2009. Par rapport à 2022, la hausse des compensations par porc représente un bond de 61 % dont le tiers sera éventuellement payé par les cotisations des éleveurs de porcs, alors que les deux tiers restants sont déboursés par les contribuables québécois.», est-il écrit dans le rapport.

Plusieurs programmes, mais surtout L’ASRA

On nous explique que l’industrie porcine québécoise dispose de plusieurs programmes d’aide financière qui ciblent l’élevage de porcs. Ceux-ci prennent la forme de programmes de stabilisation des revenus, d’aides financières d’urgence ou encore de soutien visant l’amélioration de la compétitivité. Mais il est bien spécifié qu’un des principaux programmes de soutien de l’État est l’ASRA : celui-ci vise à compenser les éleveurs de porcs pour une année où le prix moyen de la carcasse de porc est inférieur au revenu stabilisé, ce qui protège ces derniers contre les fluctuations des prix du marché et des coûts de production.

«L’ASRA a compensé les éleveurs de porcs pour 11 des 14 dernières années.», précise le rapport.

Le porc Québécois dépendant de l’État

«En comparaison avec les autres provinces canadiennes, le Québec est plus fortement dépendant du soutien de l’État pour assurer la pérennité financière de l’élevage de porcs. Plus spécifiquement, le Québec affiche le bénéfice d’exploitation le plus faible au pays. Pour 2022, le revenu généré pour chaque dollar d’aide financière de l’État est largement inférieur au Québec en comparaison avec les autres provinces canadiennes.». Donc plus d’argent et moins d’efficacité au Québec.

L’ASRA pour le meilleur et pour le pire

Le programme ASRA voulu par Jean Garon comme protection des fermes indépendantes limiterait la compétitivité de la filière dans son ensemble, dit le rapport remis au MAPAQ ces derniers temps.

Si le programme assure la pérennité de l’industrie porcine, on note que «l’évolution récente de celle-ci a mis en lumière certaines lacunes dans le modèle de soutien. L’ASRA limite la compétitivité de la filière».

Des intégrateurs dépendants de l’ASRA

Le rapport précise : « Selon les constats d’entrevues, certains intégrateurs moins compétitifs auraient peu d’incitations à améliorer leur performance et dépendent de l’ASRA pour garantir leur pérennité. (…) Certains intervenants de la filière soulignent qu’en raison de l’intégration verticale qui s’est accrue, l’ASRA prend plutôt une forme qui s’apparente à une subvention à toute l’industrie. En effet, les entreprises qui sont intégrées dans les maillons en amont et en aval de l’élevage qui dispose également de fermes porcines bénéficient de l’aide financière obtenue via l’ASRA (…) Le modèle de l’ASRA ne répondrait plus aux besoins de la ferme type».

Les observations et conclusions du rapport sont édifiantes, des changements majeurs devront survenir!

Le porc de créneau désavantagé

«Depuis des années, les producteurs de porcs de niche militent dans l’espoir que la convention soit adaptée aux particularités de leur production et par ailleurs le budget marketing est plutôt dépensé pour faire la promotion du porc de manière générale, mais ne cible pas spécifiquement le porc de créneau, ce qui constitue une critique formulée par les acteurs de la filière œuvrant dans ce type de production. Cette problématique limite le développement et la croissance du porc de créneau, qui apporte pourtant une valeur ajoutée intéressante.», selon le rapport.

Voilà un argument défendu corps et âme par DUbreton sur les réseaux sociaux et devant la régie des marchés.

Modifier l’ASRA

«Malgré la diversité d’opinions exprimées en lien avec le modèle de soutien actuel de l’industrie, l’ensemble des intervenants rencontrés lors des entrevues s’entendent sur le fait qu’une réforme du programme de soutien ASRA s’avère cruciale pour les années à venir.» est-il écrit.

Olymel le grand gagnant

«Olymel dispose de 70 % de la capacité d’abattage au Québec, ce qui lui donne un pouvoir considérable lorsqu’il est temps de fixer le prix d’achat aux éleveurs de porcs.»

En clair, il existe des avantages pour les entreprises à être intégrées dans le modèle actuel de l’ASRA, ce qui aurait pu contribuer à accentuer la concentration de la filière.

On peut alors objectivement s’étonner de ses difficultés financières des dernières années.

Raymond Chabot Grant Thornton explique qu’une réforme de l’ASRA exigerait dans un premier temps l’octroi d’un mandat formel du gouvernement.

Tout ça pour ça!

«Actuellement, bien que le Canada exporte la majorité de sa production porcine, plus du quart de la consommation locale provient des importations.»

Quelqu’un devra avoir le courage de renverser la table pour redonner de l’air à cette filière et à sa diversité.

 

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