Taxer la viande ?

Tout récemment, le groupe influant Farm Animal Investment Risk & Return Initiative (FAIRR) mentionnait dans un rapport qu’une taxe sur la viande devenait inévitable. Tout comme cela fut le cas pour l’alcool, le groupe croit que les instances gouvernementales voudront un jour inciter les consommateurs à faire le lien entre le produit et ses vices. Le concept d’une taxe de vente sur la viande gagne en popularité, mais apporte aussi son lot de défis. 

Les gouvernements ont certes en mains une arme de taille quand vient le temps d’influencer le comportement du consommateur. Une taxe de vente pour les biens de consommation alimentaire remplit deux fonctions distinctes. D’abord, une taxe incite les gens à modérer, voire même cesser la consommation d’un produit. De plus, une taxe sur un produit alimentaire sert à financer des programmes publics nécessaires pour contrer les externalités négatives causer par la consommation du produit en question.

Dans le cas de la viande, il y a trois vecteurs principaux de préoccupation. D’abord, la santé des consommateurs. Peu d’études incitent la population à manger plus de viande. D’ailleurs, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publiait un rapport en 2015, catégorisant la charcuterie parmi les produits cancérigènes. Depuis, les études découragent l’Occident, les grands consommateurs de viande, à manger de la protéine animale. 

Au Canada, le message de l’OMS n’a pas changé grand-chose. La demande pour la viande, de façon générale, se maintient au pays. En effet, on anticipe même une légère hausse de la demande pour le bœuf en 2018. Pendant que l’Occident ridiculisait l’étude de l’OMS, d’autres ont réagi. Des pays comme la Chine et le Danemark demandent à leurs citoyens de diminuer leur consommation de viande pour des raisons de santé. Pendant des années, en regardant les pays en voie de développement s’enrichir, les filières bovine et porcine, anticipaient une hausse astronomique de la demande mondiale. Maintenant, les choses sont moins certaines.

L’environnement représente aussi un défi. Les faits scientifiques nous indiquent que la production de viande hypothèque notre environnement puisqu’elle semble responsable de 14 % des gaz à effet de serre. Ce chiffre bien connu maintenant préoccupe de plus en plus les citoyens conscientisés. Plusieurs entreprises investissent des millions pour développer une viande fabriquée en laboratoire, question de diminuer l’empreinte environnementale de notre consommation de viande. L’idée est moins convaincante pour les adeptes de viandes, mais certains y pensent en remplaçant les protéines animales par des protéines végétales, comme les légumineuses par exemple.

Le dernier vecteur est lié à l’éthique. Notre volonté collective pour une plus grande transparence fait en sorte que les consommateurs sont mieux informés sur la provenance de leur alimentation. Le hic, ils en savent plus, beaucoup plus, et connaissent mieux les conditions d’élevage et d’abattage. Cette ouverture en rend certains mal à l’aise et un plus grand nombre de consommateurs ne se gênent plus pour exprimer leur mépris.

La viande devient ni plus ni moins un aliment mal-aimé à l’épicerie. Pendant que certains adorent la viande, d’autres la condamnent. Les fluctuations de prix du porc et du bœuf ces dernières années ont fait fuir les consommateurs du comptoir des viandes. Cette année, le poulet augmentait de plus de 5 %, l’une des protéines les plus abordables. Le questionnement collectif se poursuit. Depuis trois ans, la demande par personne pour la viande montre des signes d’essoufflement. Avec une population vieillissante, vendre de la viande deviendra de plus en plus difficile au Canada.  

La viande a son lot d’ennuis, mais ce n’est nettement pas suffisant pour justifier une taxe de vente. Imposer une taxe de vente sur un produit alimentaire, peu importe le produit, relève de l’immoralité. Une taxe ne peut compromettre la sécurité alimentaire des familles canadiennes, surtout si une mesure fiscale vise un produit non transformé comme la viande. Surtout, la viande fait partie de nos traditions culinaires depuis des lunes. Elle s’intègre au menu dans la plupart de nos fêtes et coutumes tout au long de l’année.

Il revient aux consommateurs eux-mêmes de décider si un produit mérite d’être sur le marché ou non. Il ne faut surtout pas l’oublier.

 

 

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