Avec l’arrivée du ministre André Lamontagne au ministère de l’Agriculture des pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) on ne s’ennuie pas dans les médias. Après le renvoi du lanceur d’alerte « émérite » Louis Robert, voilà que l’on apprend qu’il y a des ayatollahs au ministère de l’Environnement. Le plus inhabituel pour les spectateurs de la scène politique fut de voir la réaction, disons candide et naturelle, de notre ministre dans ces deux affaires. Un ministre qui face aux questions n’a pas utilisé la langue de bois et a donné son opinion en ligne avec son parti. Dans les deux cas, on voit que le franc parlé est une pelure de banane, et que beaucoup de monde préfère la rectitude politique.
Il est certain que l’affaire Louis Robert a pris des proportions importantes dans les médias, les éléments d’un feuilleton sont là : pesticides, lanceurs d’alerte, le bon et les méchants.
Pour ceux qui ne le sauraient pas, Louis Robert est un pionnier du développement durable. Il fait partie des agronomes qui ont remis en question nos façons de faire quand personne ne le faisait à une époque où ses confrères (dans le privé et dans le public) étaient fiers de la grande réussite de la révolution verte avec ses engrais, pesticides et herbicides.
Son renvoi est surprenant certes, mais encore plus surprenant est d’associer ce renvoi au rôle de lanceur d’alerte que monsieur Robert pratiquait depuis fort longtemps.
Louis Robert a été un lanceur d’alerte toute sa carrière, pendant plus de 30 ans il a été un peu la conscience «naturel» du ministère, et à plusieurs égards il a contribué à changer les choses. S’il a fallu aux méchants du privé près de 30 ans pour faire mettre dehors un lanceur d’alerte connu et reconnu, c’est que les lanceurs d’alerte en fin de compte sont assez bien protégés au MAPAQ.
De plus le dossier du CEROM n’est pas le plus gros dossier que monsieur Robert a eu à affronter, plusieurs personnes mêmes du privé décrivaient les journées du CEROM comme de gros "shows" de pesticides (dans le sens péjoratif), peu de monde (incluant son président) n’a déchiré sa chemise pour défendre le CEROM et la pertinence de ses recherches. Cette affaire risque cependant de laisser un goût amer à plusieurs, notamment aux agronomes du privé, qui ont été pointés du doigt pour leur éthique «trompeuse».
Pourtant, pour un Louis Robert au MAPAQ, il y en a 10 dans les compagnies privées, qui eux ou elles ont aussi remis et continuent de remettre en question nos façons de faire. Si l’on se fie uniquement à l’expertise du MAPAQ, on peut dire adieu à ce vent de changement. Changement qui n’est pas menacé par le congédiement d’un lanceur d’alerte, mais plutôt par le discrédit d’une bonne partie de ces acteurs de changement qui œuvrent dans des compagnies privées.
Pour les ayatollahs du ministère de l'Environnement, on peut dire que le ministre est devenu à son tour un lanceur d'alerte, il était temps. Espérons qu'il ne sera pas congédié à son tour.