Alors que le débat sur l’éventuel achat de terres agricoles par des Chinois est réapparu ces dernières semaines au Québec avec les mots malheureux de la députée Émilise Lessard-Therrien de Québec solidaire les traitant de «prédateurs»; En France, il semble que la présence d’acheteurs chinois soit bien réelle.
En Auvergne, en février 2018 Le Figaro rapportait qu’un homme d'affaires chinois aurait discrètement racheté plusieurs terres agricoles,«suscitant l'incompréhension et l'agacement des exploitants locaux». En France aussi le sujet est sensible quant à la souveraineté alimentaire d’autant plus que la protection du territoire agricole n’y est pas aussi «bétonnée» qu’au Québec.
Reward group international aurait réalisé une acquisition de terres agricoles en 2018 en Auvergne à Thiel-sur-Acolin. Le maire de la municipalité, Daniel Marchand, se désolait d’avoir appris la nouvelle par la presse.
Le montant de la transaction n'est pas public, mais il oscillerait entre 10 à 12 millions d'euros et la vente se serait faite sans même que la SAFER n’en ait connaissance.
Acheter de terres en France pour créer des boulangeries en Chine
Le groupe chinois, rappelle Le Figaro, «s'est appuyé sur une faille juridique bien connue dans le monde rural: l'organisme (SAFER : Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural ) ne peut exercer son droit de préemption que sur la totalité d'une exploitation agricole. Il suffit donc pour le vendeur de se constituer en société, avant de céder la quasi-totalité des parts de l'exploitation à l'acheteur».
C'est ainsi que le propriétaire français en Auvergne «a revendu toutes ses terres formées en groupements agricoles, tout en gardant une ou deux parts dans chacune d'elles» de spécifier Le Figaro.
Il s’agit de bien petites surfaces qui ne sont certainement pas ce qui nourrira la Chine de demain, mais il semble que cette opération financière soit menée par Keqin Hu, à la tête de Reward group, un consortium fondé en 1995 dont les activités sont plus larges que le simple achat de terres.
Les activités de Reward group vont de la fabrication de produits d'entretien ménager à l'immobilier, en passant par le tourisme ou l'agroalimentaire.
Le Figaro rappelle que Keqin Hu ambitionne de «mettre les céréales françaises sur les tables chinoises». Il possèderait en France huit grandes fermes en propriété permanente.
M.Hu aurait l’ambition d’ouvrir une chaîne de boulangeries «haut de gamme» en contrôlant l'ensemble du processus industriel, de la moisson en France jusqu'aux étals de pains et viennoiseries en Chine.
Un français au cœur du processus des achats chinois
Dans le passé, Keqin Hu avait déjà réalisé une opération similaire dans une région de France. Entre fin 2014 et avril 2016, son fonds d'investissement Hong Yang rachetait plusieurs sociétés civiles d'exploitation agricole.
Dans l’ensemble des opérations, on y retrouve au centre, un Français, Marc Fressange, homme d'affaires, diplômé d'HEC, qui a fondé une entreprise d'export de produits du terroir français en Chine. Pour le compte de Keqin Hu, il entre systématiquement dans la gérance des sociétés agricoles rachetées, de souligner Le Figaro.
En plus des Chinois, des Allemands, des Belges et des Hollandais seraient des acheteurs de terres agricoles en France. Le député socialiste Dominique Potier spécialiste du sujet avait fait voter en décembre 2016 une proposition de loi pour lutter contre l'accaparement des terres agricoles.
L’objectif aurait permis aux Safer d'intervenir dans une vente pour mieux protéger les terres et maintenir l’intérêt auprès d’intérêts français, mais l'initiative a été censurée par le Conseil constitutionnel français dont les Sages ont considèré que cette disposition était contraire à la liberté d'entreprendre.