Les turbulences autour de l’accord du PTT et de l’accord de libre-échange Canada/Europe remettent en question notre modèle de production agricole. On entend de plus en plus de commentaires disant que nos fermes vont devoir s’adapter et devenir plus grosses, plus efficaces. On cite souvent le modèle américain en référence. Certains y voient la solution pour compétitionner nos voisins et même partir à la conquête des marchés. Quand on y regarde de plus près, on s’aperçoit que cette efficacité américaine repose sur des conditions non existantes, voire inacceptables au Canada.
L’agriculture au Québec et au Canada s’est développée autour de la cellule familiale. Sa grosseur et son efficacité ont suivi la capacité de cette cellule à être efficace dans son travail. La contrainte à leur efficacité et leur grosseur est passée par les développements technologiques leur permettant de faire plus de travail dans leur journée. On n’a qu’à penser à l’évolution du système de traite au cours des 50 dernières années, du seau au robot. Dans d’autres pays, cette contrainte a été compensée par l’accès à une main-d’œuvre abondante et peu chère, des esclaves autrement dit. C’est ce qui a permis de grossir plus rapidement les fermes aux États-Unis.
Au canada nos règles sociales, en matière de travail, de respect de l’environnement et plus récemment de bien-être animal ajoutent des contraintes que nos voisins du sud n’ont pas à gérer.
Renoncer à notre identité
Dans plusieurs régions des États Unis, le développement des fermes a pu se faire grâce a l’accès à une main-d’œuvre bon marché composée de travailleurs illégaux. Ce “ privilège“ couplé aux développements techniques leur a permis de devenir de méga-fermes. Vouloir appliquer ce modèle au Canada serait renoncer à notre modèle social, abandonner nos lois et notre identité. Il y a quelques semaines pendant que nos producteurs faisaient des représentations pour conserver leur gestion de l’offre, un des plus gros regroupements de producteurs laitiers des États-Unis faisait des représentations pour demander au gouvernement américain de ne pas renvoyer les travailleurs illégaux hors des États-Unis, prétextant que cela aurait un impact majeur sur leur coût de production. Chacun son combat.
Décider de ce que nous mangeons, un choix politique !
Dans le futur, la ferme familiale au Canada continuera à grossir grâce à la technologie. Elle sera aussi de plus en plus efficace, mais aura en contrepartie de plus en plus de contraintes sociales qui auront comme conséquence d’augmenter ses coûts de production. Demander à nos fermes et à nos filières agricoles de compétitionner nos voisins du sud revient à un abandon de notre agriculture et de notre souveraineté alimentaire. Certes, on l’a déjà fait pour plusieurs secteurs : Nos vêtements sont produits aujourd’hui dans des pays où le respect de l’être humain est très questionnable, nos maisons sont remplies d’objets "made in China". À nous de décider si nous voulons perdre le contrôle de ce que nous mangeons. Ce n’est pas un choix économique, c’est un choix politique !