Réplique des Producteurs de lait du Québec à la note de l’Institut économique de Montréal sur la gestion de l’offre

L’Institut économique de Montréal (IEDM) a rendu publique une note qui s’attaque à nouveau à la gestion de l’offre. Il critique la dernière hausse de prix aux producteurs annoncée par la Commission canadienne du lait (CCL) et allègue que « la gestion de l’offre fait supporter un fort coût aux familles en imposant des prix plus élevés que ceux qu’on pourrait obtenir sur des marchés libres. » L’abandon de la gestion de l’offre ne garantira pas des prix plus bas aux consommateurs.

Cette conclusion de l’IDEM se base sur l’hypothèse que la déréglementation du secteur laitier et l’ouverture des marchés entraîneraient nécessairement une baisse des prix aux consommateurs. En réalité, le seul impact certain d’une déréglementation, c’est la chute des prix aux producteurs et les coûts sociaux et économiques de la crise qui s’ensuivraient, comme on le voit actuellement en Europe, aux États-Unis et en Océanie.

En Australie, le modèle de déréglementation du secteur laitier le plus cité par les adversaires de la gestion de l’offre, entre 2000, l’année de la réforme, et 2014, 51 % des fermes laitières ont disparu, la production a chuté de 15 % et la valeur des exportations a chuté de 13 %. Les données sur les impacts de la crise actuelle ne sont pas encore connues, mais il est clair que la situation s’est détériorée davantage. De plus, malgré la déréglementation du secteur laitier australien, le prix des produits laitiers aux consommateurs a augmenté de 39 % de 2000 à 2015. Est-ce vraiment le modèle à suivre?

Un bas prix à la production ne garantit en rien un bas prix aux consommateurs. Par exemple, selon les données 2015 de la société Nielsen qui recense les prix réels du lait vendu en épicerie, tous formats et tous types confondus, les consommateurs néo-zélandais ont payé en moyenne leur lait 1,69 $ le litre, soit plus cher qu’au Canada. Pourtant, la Nouvelle-Zélande a déréglementé son secteur laitier dans les années 90 et le prix à la ferme dans ce pays est le plus bas au monde.

Toujours selon Nielsen, les consommateurs américains ont payé en moyenne en 2015 1,27 $ le litre pour leur lait contre 1,46 $ au Canada. Il est donc vrai de dire que le lait est plus cher ici qu’aux États-Unis, mais c’est aussi vrai pour de nombreux produits alimentaires, notamment la farine, le pain, la viande en général, dont les prix à la ferme sont établis sur le marché nord-américain et dont le commerce se fait sans tarifs.

D’ailleurs, les prix de nombreux autres produits, comme les vêtements, les chaussures, les appareils électroniques, les voitures, les pneus sont aussi plus chers au Canada alors que dans la plupart des cas, aucun tarif n’en limite la circulation entre les deux pays. Les réalités du marché canadien et du commerce de détail au Canada sont différentes et expliquent généralement ces écarts de prix qui n’ont rien à voir avec le modèle agricole. 2 Sans la gestion de l’offre, l’État doit soutenir les producteurs à coups de milliards.

L’actuelle chute des prix mondiaux du lait accule les producteurs de lait d’un peu partout dans le monde à la faillite sans que les consommateurs n’en profitent réellement. Pour soutenir les producteurs, les États doivent les subventionner. C’est le cas de l’Union européenne qui a annoncé plus d’un milliard d’euros d’aide d’urgence depuis le début de la crise actuelle, des sommes qui s’ajoutent aux milliards de subventions que reçoivent déjà leurs producteurs laitiers normalement.

Les Américains paient deux fois : à l’épicerie et par leurs impôts, en subventionnant les producteurs de lait dont les revenus de marché ne suffisent pas à couvrir leurs coûts. La crise du lait en 2009 a coûté un milliard de dollars aux contribuables américains. Le nouveau Farm Bill, adopté en 2014 pour dix ans, prévoit des dépenses totales de près de 1 000 milliards de dollars. C’est sans compter l’aide des États et des municipalités. L’accès à l’eau, par exemple, essentiel à l’irrigation dans les gros États producteurs de lait, est subventionné par les États et les municipalités. L’augmentation de revenu des producteurs sera modeste, à peine plus de 1 ¢ le litre.

Depuis le début de 2015, la situation financière des producteurs de lait se détériore en raison des contrecoups de la crise mondiale qui affecte le prix de près du quart de leur production. Ils ont encaissé une baisse de revenu d’environ 8 %, soit 6 ¢ le litre. Pour une ferme moyenne, cela représente un manque à gagner d’environ 37 000 $, soit l’équivalent de leur coût de vie.

 Le 15 juillet, la Commission canadienne du lait (CCL) a annoncé une hausse de 2,76 % des prix du lait destiné à la fabrication du yogourt, de la crème glacée, du fromage et du beurre, soit environ 2 ¢ le litre. Ce marché ne représente que 43 % du lait vendu par les producteurs aux transformateurs laitiers, le reste de leur production étant destiné au lait de consommation, qui n’est pas visé par la hausse, et à la surtransformation (confiserie, mets préparés, boulangerie, etc.), dont le prix est basé sur les prix mondiaux et américains. Répartie sur l’ensemble de sa production, l’augmentation ne rapportera en moyenne que 1,13 ¢ le litre de plus aux producteurs (environ 1,6 % de hausse) à partir du 1er septembre 2016.

Pour les consommateurs, l’impact sera minime si les autres maillons n’en profitent pas pour augmenter leurs marges bénéficiaires. Par exemple, sur un kilo de fromage, le prix de la matière première augmentera de moins de 20 ¢.

Dans un kilo de fromage fin vendu 40,90 $ à l’épicerie, la part du producteur est actuellement de 7,57 $ (18 %). Dans une pizza vendue au restaurant 15,59 $, la part du producteur est de seulement 62 ¢ (4 %), moins que le pourboire versé au livreur. Les producteurs donneraient entièrement leur lait que la pizza coûterait toujours 15 $.

De juillet 2015 à juillet 2016 au Canada, l’indice du prix des aliments a crû de 1,6 %, ceux des légumes frais de 2,7 %, des fruits frais de 2,3 %, de viande fraîche de 1,1 % alors que celui du prix des produits laitiers a diminué de 1,1 %.

Qu’est-ce que la gestion de l’offre?

La gestion de l’offre est le moyen par lequel les producteurs de lait, de poulets, de dindons, d’œufs de consommation et d’œufs d’incubation établissent le meilleur équilibre possible entre l’offre et la demande de leurs produits au Québec et au Canada. Les producteurs ne produisent ainsi que les volumes nécessaires pour répondre adéquatement aux besoins des consommateurs d’ici et évitent la production de surplus qui devraient être écoulés à perte. Les agriculteurs canadiens sous gestion de l’offre comptent entièrement sur le prix du marché et ne reçoivent aucune subvention gouvernementale pour soutenir leurs revenus. Pour que cette politique agricole fonctionne, la quantité de produits importés doit être prévisible et limitée. Cela évite que les pays exportateurs, dont les plus importants subventionnent lourdement leurs producteurs ou qui jouissent de conditions climatiques impossibles à concurrencer, de règles de qualité et de santé animale (par exemple, l’usage d’hormones pour accroître la production est autorisé aux États-Unis) moins exigeantes et d’une main-d’œuvre bon marché, ne viennent envahir leur marché.

Les avantages de la gestion de l’offre pour les producteurs :

 Ø Des prix stables et prévisibles, basés sur les coûts de production

Ø Un revenu « équitable » sans soutien financier de l’État Pour les transformateurs :

Ø Des garanties d’approvisionnement de grande qualité à des prix stables

 Ø Un approvisionnement prioritaire pour les marchés frais et en croissance (lait, yogourts, fromages)

Ø Un soutien au développement des marchés de créneaux (circuits particuliers bios, races laitières, foin sec, etc.) Pour les citoyens et les gouvernements :

Ø Une stabilité des prix, des produits locaux variés, répondant aux plus hautes normes

 Ø Retombées économiques et fiscales, générées sans subventions Grâce à la gestion de l’offre, le secteur laitier québécois génère 83 000 emplois, ajoute 6,2 milliards de dollars au PIB et verse 1,3 milliard de taxes et impôts, sans coûter un sou aux contribuables.

Source : PLQ

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