Le Figaro dévoilait ces derniers mois que la société Hongyang a acquis discrètement plusieurs terres agricoles dans le département de l'Indre en France. Ses réelles intentions, qui demeurent floues, suscitent l'incompréhension des exploitants locaux de préciser le quotidien français. Le Québec de son côté semble beaucoup mieux protégé face à ce phénomène de l’accaparement par des étrangers.
Si les investisseurs chinois n'ont jamais caché leur attrait pour les vignobles français, leur penchant soudain pour les exploitations agricoles était, lui, moins prévisible, écrit Le Figaro. Des transactions foncières équivalentes à 1700 hectares ont été récemment effectuées dans le plus grand secret par une société connue en Chine à l’origine pour opérer des stations-services. Mais la FNSEA ( premier syndicat agricole français) s’inquiète de l’intention réelle des Chinois.
Une méthode astucieuse de la part des Chinois
Pour acquérir ces terres, le groupe chinois a utilisé une méthode étonnante et pourtant parfaitement légale. «Les investisseurs sont allés voir les exploitants qui tiennent une structure individuelle, leur ont demandé de se mettre en société agricole avant de racheter 98% des parts sociales», détaille Hervé Coupeau de la FDSEI (Fédération départementale du syndicat des exploitants de l’Indre). Puisque la cession des parts de société agricole n'atteint pas les 100%, les actionnaires ne sont pas obligés de se manifester et la transaction peut dès lors échapper à tout contrôle de spécifier l’enquête du quotidien Le Figaro.
Pourtant dans la pratique, les SAFER (sociétés pour l'aménagement foncier rural), sont censées être informées de toute cession et elles sont également prioritaires dans l'acquisition et la revente des terres agricoles mais il est impossible pour elles d’agir si la transaction ne représente pas 100 % des actions. Évidemment ces terres ont été achetées à un coût supérieur à celui du marché ce qui nuit à la compétitivité de l'agriculture française ainsi que l'installation des jeunes agriculteurs fait-on savoir en France.
Demande de contrôle des SAFER au moment où les compagnies envahissent le monde rural !
Les SAFER exigent alors plus de transparence lors des transactions avec des personnes morales. Les exploitants agricoles se disent inquiets: de plus en plus de personnes morales étrangères, mais aussi nationales, investissent dans l'achat de terres agricoles, qui échappent ainsi à leur contrôle. Entre 2010 et 2013, «la part des personnes morales propriétaires de terres agricoles en France a augmenté de 10%», a souligné pour sa part Robert Levesque, directeur général de Terres d'Europe-Scafr, bureau d'études de la FNSafer.
Selon la Safer, en deux décennies, entre 1995 et 2015, les parts de marché des personnes morales (sociétés) dans les terres agricoles ont été multipliées par 4 en nombre, par 2,5 en surface, et 2,5 en valeur. En 2015, des sociétés ont ainsi réalisé 10% des transactions du foncier agricole, acquis 13% des surfaces vendues et pour 26% de la valeur.
Les fonds privés nécessaires au système productif
Ce qui n'est pas forcément négatif, souligne Robert Levesque de la FNSafer, puisque l'agriculture, comme tout système productif, a besoin de capitaux et que la grande majorité des terres agricoles appartient encore aux agriculteurs. Ce qui l'inquiète, c'est la progression rapide des sociétés civiles d'exploitation (SCEA) et autres sociétés anonymes, qui permettent de contourner la loi pour passer sous le radar de la SAFER. Elles détiennent 2,7 millions d'hectares de terres en France et ont augmenté de 10,6% en surface d'exploitation entre 2010 et 2013, illustrant ce phénomène de concentration.
Au Québec la loi est clair, toute personne non résidente ne peut acheter une terre agricole
Malgré ce qu’on entend souvent au Québec, il semble que la loi qui protège les terres agricoles soit parmi les plus protectrices. Il est dit au chapitre A-4.1 de la Loi sur l’acquisition des terres agricoles par des non-résidents :
«Une personne physique réside au Québec aux fins de la présente loi si elle est citoyen canadien ou résident permanent au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, c. 27) et si elle a séjourné au Québec durant au moins 1 095 jours au cours des 48 mois précédant immédiatement la date de l’acquisition d’une terre agricole.
Lorsqu’une personne a acquis une terre agricole en contravention des articles 8 à 11, la commission peut par ordonnance, dans la mesure où le droit d’action visé dans l’article 27 n’est pas exercé, enjoindre à cette personne de se départir de cette terre agricole dans les six mois de la signification de cette ordonnance Une personne qui ne réside pas au Québec ne peut, sans l’autorisation de la commission, faire directement ou indirectement l’acquisition d’une terre agricole.»
Mais la loi dit aussi : «L’acquisition d’un lot ayant pour effet de rendre une personne qui ne réside pas au Québec propriétaire d’une terre agricole est réputée être l’acquisition d’une terre agricole. Une personne qui ne réside pas au Québec est réputée faire l’acquisition d’une terre agricole si elle acquiert des actions d’une société par actions dont le principal actif consiste en une terre agricole et si du fait de ce transfert d’actions, cette société par actions devient une personne morale qui ne réside pas au Québec (…) Une personne qui réside au Québec ne peut, sans l’autorisation de la commission, faire l’acquisition d’une terre agricole au nom ou pour le compte d’une personne qui ne réside pas au Québec.»
Donc si l’on doit un jour parler d’accaparement des terres au Québec, cela ne pourra être que l’affaire de Québécois !