L’accusation de Michel Fabry au criminel ne passe pas chez de nombreux producteurs agricoles. Colère, insomnie, sentiment profond d’injustice et désaveu face au geste de l’UPA les rassemblent. Un comité d’appui et un fonds d’aide financier seront lancés dans les premiers jours de juillet.
Il ne manque que les détails : une adresse et un casier postal, un numéro de compte bancaire et une vaste campagne d’informations qui incitera les producteurs, pas juste de lait, de toutes les régions du Québec, à soutenir Michel Fabry. Une conférence de presse et un communiqué annonceront la campagne de financement.
Car, quoiqu’en dise Marcel Groleau, très actif pour défendre sa position sur le groupe Lait’quitable de Facebook, ils sont bien nombreux à dénoncer la position de l’UPA qui dit avoir appuyé la plainte déposée. Et les qualificatifs ne manquent pas : certains producteurs parlent d’un nouvel héros qui mérite leur respect et admiration !
« L’UPA aurait pu laisser faire, car ils savent très bien que plusieurs producteurs auraient eu l’idée de faire pareil », dénonce Sylvain Dénommé, un producteur laitier du Témiscamingue. « Nombreux sont ceux qui supportent M.Fabry dans sa détresse et nombreux sont choqués de la réaction de l'UPA à date. Forts et Unis en a pris un coup dur », renchérit Bruno Saint-Pierre, de la région de l’Outaouais.
« C’est çà le style de leadership de l’UPA. On te fait payer les gestes contre eux. Il y a une forme de harcèlement psychologique qui fait en sorte que de plus en plus de gens ont peur des représailles. C’est certain qu’on va organiser un appui à Michel Fabry, comptez sur moi pour que ça se fasse » complète Lise Beauchamp, productrice de lait et de boeuf dans les Laurentides.
« Démontrez que sans appuyer ce genre de geste, qu’ au moins vous le comprenez. Et l’une des premières choses à faire est de réprimander Charles-Félix Ross(…) pas seulement une petite tape sur les doigts, mais un geste révélateur de la compréhension de la situation, (…) pour démontrer que vous comprenez bien la frustration que la base vit », ajoute Réal Brière de Mirabel.
Ignoré par l’UPA
Michel Fabry et sa famille ont appris en même temps que tout le monde qu’il sera poursuivi au criminel par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) de Longueuil. S’il garde une certaine tranquillité face à cette accusation criminelle, ses proches sont sur le choc. « Ça a rallumé le feu. On n’aime pas çà, car ça sépare les producteurs entre eux. On essaie de ne pas trop s’en faire », avoue sa fille Héloïse.
« Ça augmente d’un cran le stress sur la famille, reconnaît son frère Pierre Fabry. Mais, la majorité des gens qui travaillent en agriculture sont derrière Michel. Des vétérinaires, des nutritionnistes, il y a plus de monde avec lui que contre lui », ajoute-t-il.
Michel Fabry préfère prendre actuellement un jour à la fois. Car, il ne sait pas trop encore en quoi cette poursuite au criminel changera sa vie et celle de sa famille.
Représenté par l’avocat Me Roger Paquin, il attend son retour de vacances pour planifier la suite de sa défense pour l’audition à la Cour prévue le 22 août prochain.
Sans vouloir parler plus qu’il ne faut, Michel Fabry ne cache pas toutefois sa profonde déception du silence de l’UPA, depuis qu’il est allé épandre du lisier à son siège social de Longueuil.
« J’ai fait cela pour attirer leur attention sur les conséquences qui affectent la relève agricole. Mais personne de l’UPA ni du syndical régional n’a pris la peine de m’appeler, de venir jaser. Je comprends qu’ils n’ont absolument rien compris. Ils sont frustrés, parce que j’ai joué dans leur zone de confort », ajoute le producteur laitier d’Henryville, en Montérégie ouest.
Se tirer dans le pied
Ils sont nombreux à croire qu’en laissant le DPCP poursuivre Michel Fabry, l’UPA s’est tirée dans le pied.
« Ça reste qu’un syndicat poursuit l’un de ses membres. (…)Je n accepte pas le geste d’épandre du fumier devant les bureaux de l’UPA et je l’ai toujours dénoncé, mais je comprends Michel Fabry et j’admire son courage. Par contre, l'UPA me fait honte aujourd’hui de refuser de voir la détresse des producteurs de lait et du message derrière son geste. Continuer à agir comme cela et je vous le prédis, le syndical unique disparaîtrait très rapidement au détriment de notre unité et force et vous serez les seuls responsables de ce malheur. Faites preuve de courage et de pardon, retirez votre plainte », a déclaré Sylvain Dénommé, avec l’appui de dizaines d’autres producteurs.