Reconnaître et supporter une agriculture durable et innovante

Tous sont d'accord, producteurs, chercheurs et experts : les plantes fourragères pérennes dans la rotation assurent des sols productifs et en santé,  autant en regard de l'érosion que de la qualité et de la productivité à court terme et dans la durée.  Il y a plus, la dégradation des sols et l'apport de sédiments dans les cours d'eau hypothèquent le patrimoine de l'ensemble de la société. Plusieurs conférenciers au congrès de l'ACPF en novembre ont étayé les impacts positifs des plantes fourragères pérennes sur les sols et l'environnement (2). Alors, avec une telle évidence et un tel agrément sur la valeur des plantes pérennes dans la durabilité du patrimoine, pourquoi les boude-t-on? 

En Montérégie, les cultures annuelles occupent 80% des surfaces cultivées. Dans la province, c'est maintenant plus de 50%. Les plantes pérennes disparaissent comme peau de chagrin. Bien sûr, il y a l’attrait de la nouveauté. Le chanvre, l'asclépiade, le lin…wow, on innove. Les plantes fourragères, c'est vieillot, c'est le passé. Et, il faut bien le dire, tout le système est bâtit sur les grains. On ne peut pas blâmer le producteur. Rien n'est fait pour sortir du paradigme des cultures annuelles. Des programmes gouvernementaux aux organisations de producteurs en passant par les fournisseurs : Hors des grains point de salut!  Même la FPCCQ, pour être bien certaine que des plantes pérennes ne viendront pas se glisser dans le vocable <commercial>, s’appelle dorénavant les Producteurs de grains du Québec…faut le faire. N'est-ce pas la responsabilité des dirigeants d'avoir de la vision? Si le discours sur la durabilité veut dire quelque chose, il faut agir pour le long terme.

 

 De Pigou (3 ) à Godbout (4)

Les externalités, comme les décrit Pigou, sont les effets collatéraux positifs ou négatifs des actions des entreprises ou des individus sur les tiers. Selon cet économiste keynésien du début du 20 ième siècle, de telles externalités peuvent se solder par un déficit ou un bénéfice pour la société. Ce rendement social doit être pris en considération si l'on vise un maximum de bien être pour l'ensemble de la société. Aussi, il considère que de tels effets, certains positifs d'autres négatifs, doivent être inclus dans le calcul du bénéfice social net découlant de l'emploi de cette ressource. Pigou rajoute : Il est possible pour l'État d'enlever les divergences dans tout domaine, par des incitations extraordinaires ou des restrictions extraordinaires. On pense bien sûr à des taxes ou subventions….l'exemple type des externalités négatives est celui des dommages environnementaux causés par l'exploitation  des ressources…

Pas de doute, les rotations avec les plantes fourragères pérennes entraînent des externalités positives. Autant pour la qualité de la ressource eau que pour la conservation et productivité des sols.

Sans faire référence à Pigou, Godbout emprunte la même logique dans l'étude qui vient d'être déposée au gouvernement Couillard. Godbout suggère une réforme Écofiscale. Il est évidemment question de taxer les externalités négatives…Taxes qui viseraient à mieux refléter les véritables coûts économiques, environnementaux et humains….Il ajoute : Que l'écofiscalité comporte des avantages pour corriger les imperfections du marché en permettant, entre autre, d'incorporer dans les prix les coûts des externalités négatives. Godbout serait certainement d'accord pour supporter les externalités positives.

J'imagine fort bien que l'on incorpore la valeur des externalités positives dans les différents programmes  Agri– offerts aux producteurs de cultures commerciales qui consacreraient disons 15 ou 20% de leurs superficies en plantes fourragères pérennes.  D'ailleurs, Pigou le suggérait : Le gouvernement devrait donc subventionner des individus ou entreprises s'adonnant à des activités qui bien qu'elles leurs occasionnent des frais ou d'autres inconvénients produisent des bénéfices pour la communauté sans que celle-ci ait à débourser quoique ce soit pour les obtenir. J'ajouterais, dans le cas qui nous concerne, des bénéfices pour la préservation du patrimoine eau et sols.

Les plans agro-environnementaux de fertilisation, bilan phosphore et autres REA, sont imposés aux producteurs pour gérer des externalités négatives. Le paysage agricole a changé. La connaissance des effets environnementaux des cultures annuelles également.  L'immense valeur des plantes fourragères pérennes a des assises scientifiques solides. Il est temps d'adapter nos programmes et reconnaître aux producteurs de cultures commerciales qui feront l'effort d'inclure les plantes fourragères dans leur rotation, la valeur des externalités positives. Ce serait une belle manière de concrétiser la signification de l'année internationale des sols. Dans la même logique, n'est-il pas également temps de reconnaître que les plantes fourragères, lorsque produites pour le commerce, sont des cultures commerciales?

 

Germain Lefebvre, Agr

 

(1)Écho fourrager 2013 #1et  2014# 1

(2)http://www.canadianfga.ca/events/event-proceedings-2/2014-event-proceedings-bromont-quebec/

(3)LeDevoir 14-15 juin 2014 PPB6 – Extraits textuel : texte de Jean-Claude Cloutier

(4)LeDevoir 25 mars 2015 PPB1     – Extraits textuel : texte de Éric Desrosiers

 

 

 

 

 

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