Par Sébastien Lacroix
Des propriétaires agricoles et forestiers de la région de Sorel se retrouvent inondés bien malgré eux. Résultat, des producteurs ne peuvent plus cultiver plusieurs hectares de terres agricoles parce qu’ils ne savent jamais quand l’eau va déborder des cours d’eaux et leur faire perdre leur récolte. L’UPA du Bas-Richelieu estime à près de 1000 hectares de terres agricoles qui ont été inondées au cours des dernières années.
Une situation qui perdure
À certains endroits, étant donné que la situation perdure depuis bientôt 10 ans, les producteurs ne peuvent même plus recevoir d’indemnités, puisqu’ils ne sont plus assurables. Des plantes aquatiques nuisibles pour l’agriculture, telles que le phragmite, y trouvent les conditions idéales de croissance. Après la crue printanière, le sol imbibé d’eau et boueux complique l’utilisation de la machinerie agricole indispensable à la grande culture. Les boisés subissent de graves conséquences lorsque les décharges débordent. À certains endroits, c’est tout le milieu forestier qui subit un stress hydrique.
«Quand c’est rendu que ce ne sont plus des fougères qui poussent dans les sous-bois, mais des quenouilles…», observe Benoît Paul, l’un des producteurs les plus durement touchés.
Pertes importantes dans la végétation
Les inondations à répétitions dans les boisés ont tué plusieurs dizaines de milliers d’arbres. Chaque année, plusieurs pourrissent sur place et l’eau fait mourir les repousses qui devaient assurer la régénération. «Je n’ai même pas besoin de bûcher. Juste en ramassant le bois mort, j’ai ce qu’il me faut en bois de chauffage pour ma cabane à sucre», indique Georges Dutil, à qui les inondations ont fait perdre plus de 600 sapins de Noël sur sa plantation, seulement en 2011.
«Certains disent que c’est l’agriculture intensive qui est à l’origine de la sédimentation dans la Baie Lavallière, poursuit Georges Dutil, qui est bien impliqué dans le dossier. Personne ne parle du fait que lorsque l’eau inonde les boisés, elle vient chercher les feuilles mortes qui sont riches en phosphore».
Sédimentation et manque d’entretien
La sédimentation et le manque d’entretien des cours d’eau sont les grands responsables des refoulements sur les terres agricoles et les boisés entourant la Baie Lavallière. La présence d’un barrage de Canards illimités Canada (CIC) est aussi au cœur des problèmes. «Ils ont érigés un type de barrage qui demandait un entretien continu, mais ils ne l’ont pas entretenu. Quand ils l’ont nettoyé, vingt ans plus tard, ils ont sorti environ 90 camions de dix roues remplis de sédiments», déplore M. Dutil.
L’accumulation de sédiments est aussi problématique à la rivière du Pot-au-Beurre, où se déverse la grande majorité des décharges supposées égoutter les terres et les boisés de la Baie. À certains endroits, la largeur de la rivière est réduite de 70 pieds à 15 ou 20 pieds, sans compter la profondeur qui est aussi affectée. «Elle n’a pas été creusée depuis environ 30 ans, déplore le président du syndicat de l’UPA local, Martin Cournoyer. La demande a été faite en 2009. On nous parle de l’année prochaine parce qu’il faudrait faire des études environnementales. Il faut que ça commence au plus vite. Il y a urgence».
Pressions d’agriculteurs
L’automne dernier, devant les pressions des agriculteurs, la MRC de Pierre De-Saurel a fait creuser de toute urgence les cours d’eau du Marais et de la Quarante qui se jettent dans la rivière du Pot-au-Beurre. Par la suite, ils ont procédé au nettoyage du barrage.
Les agriculteurs avaient aussi obtenu qu’une passerelle installée par la Société d’aménagement de la Baie Lavallière, à proximité du barrage, soit démantelée de façon à assurer le libre écoulement de l’eau en tout temps. Le tout a permis d’améliorer quelque peu la situation pour les agriculteurs, surtout pour ceux qui se trouvent en amont. Par contre, ceux dont les terres se trouvent en aval reçoivent l’eau plus rapidement parce qu’elle refoule à la rivière du Pot- au-Beurre.
Résultat, une pluie abondante et soutenue risque d’inonder les champs et les boisés sur une grande distance. «Comme c’était la mer de Champlain à l’époque, le relief est très plat. Tellement que si le niveau d’eau augmente de quelques pieds, ça peut inonder sur une distance de plusieurs kilomètres», explique Georges Dutil. «Lorsque Canards Illimités a construit son barrage, l’eau a monté de quelques pieds, se souvient-il. L’entente était que le niveau de l’eau ne devait pas dépasser la cote de 17 pieds au-dessus du niveau de la mer. C’est notarié pour tous les propriétaires faisant partie de la servitude, même pour les futurs acheteurs. Ça n’a pas été respecté depuis au moins 10 ans», ajoute-t-il.