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Lettre ouverte: Les fermes disparaissent, et c’est tant mieux !

Les fermes au Canada disparaissent, par centaine. Selon le plus récent rapport de Statistiques Canada, plus de 23 000 fermes sont vendues, léguées à des pratiques non commerciales ou tout simplement abandonnées. C’est une tendance qui s’inscrit à une mouvance de regroupement et d’adaptation dans le secteur canadien de l’agriculture au pays. Les provinces des prairies ont vu plus de 15 % des agriculteurs quitter l’industrie au cours des 5 dernières années. Bien que moins prononcé, le même phénomène a été observé au Québec puisque le nombre de fermes dans la Belle Province a diminué de 4 %. Bien sûr, certains urbains seront alarmés en réalisant que les jours de la fermette du fermier à chapeau de paille et à la pipe sont comptés. Par contre, en considérant les superpuissances agricoles émergentes telles que la Chine et le Brésil, une restructuration du secteur s’impose et ainsi d’autres fermes subiront vraisemblablement le même sort.

Selon une étude publiée récemment, une ferme dont les ventes annuelles dépassent le million de dollars nécessite 2,31 $ d’actif pour générer chaque dollar de revenu. Dans le cas des plus petites fermes, il faut 18 $ d’actif pour générer un seul dollar de revenu. C’est tout simplement une question d’efficacité opérationnelle et financière. Les contribuables ont aussi intérêt à voir nos fermes augmenter leur productivité. L’an dernier, pour chaque dollar généré par l’agriculture canadienne, les différents paliers gouvernementaux investissaient 3,53 $ dans des programmes de toutes sortes liés à l’agriculture et au domaine agroalimentaire. Au-delà des programmes qui permettent de gérer les contrecoups de dame nature, nous avons des politiques agroalimentaires qui coûtent très cher. Puisque l’ensemble des fonds publics doit absorber les coûts du réseau de la santé qui gonflent chaque année, les autorités publiques doivent progressivement se désinvestir de l’agriculture.

Rassurante nouvelle : le nombre d’exploitations certifiées biologiques a augmenté de 4,4 % depuis les 5 dernières années. L’augmentation est moindre que certains s’attendaient. Le Canada compte maintenant plus de 3 000 fermes biologiques. C’est en Saskatchewan et en Colombie-Britannique que l’on retrouve le plus grand nombre de fermes biologiques. Puisque le Canada dépend principalement des produits importés pour suffire à sa demande domestique de produits biologiques, une telle augmentation démontre que l’agriculture peut s’adapter à une demande qui se fragmente de plus en plus. Pour mieux comprendre à quel point le phénomène « bio » a une influence sur la mosaïque agricole canadienne, le rapport de 2017 sera particulièrement intéressant.

Moins rassurants, comme le restant de la population, les fermiers vieillissent. La majorité des exploitants agricoles ont plus de 55 ans. D’ores et déjà, la relève est certes une priorité pour plusieurs groupes d’intérêt liés à l’agriculture. Il n’en demeure pas moins que le rapport démontre que les programmes en place pour garder nos jeunes intéressés à l’agriculture peinent à offrir des dividendes. En contrepartie, des opérations de plus grande envergure sollicitent une expertise pointue et à l’affût des tendances de consommation. Les pratiques agricoles misent davantage sur la performance et le partage des connaissances. Forcément, de plus jeunes agriculteurs ayant une vision plus différente de notre monde sans frontière seront vraisemblablement attirés par ce genre de défis.

Bref, le rapport de Statistiques Canada nous indique que l’agriculture se dirige vers un modèle plus concurrentiel, plus moderne. Reste à savoir si la cadence est suffisamment rapide pour permettre à notre agriculture de suivre le rythme des autres économies agricoles. Notre souveraineté alimentaire sera assurée uniquement si nous avons l’audace de miser sur une stratégie qui choisit des secteurs agricoles dont l’avantage concurrentiel est porteur d’un avenir meilleur. Ceci veut donc dire que nous avons toujours trop de fermes, et certaines doivent disparaître.

Source:

Dr. Sylvain Charlebois
Chercheur en distribution et politiques alimentaires
Collège en Management et Études Économiques
Université de Guelph
sylvain.charlebois@uoguelph.ca

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