Les ressources gazières et pétrolières abondent chez nous, mais le Québec est mal outillé pour en tirer profit. Des représentants de l’organisme Alberta Enterprise Group (AEG) participaient à une mission commerciale au Québec à la mi-mai. Notre collaborateur également jounaliste au journal Chefs d’entreprises s’est entretenu avec M. André Boisclair, consultant Développement stratégique et affaires publiques, partenaire de cette mission commerciale et conseiller auprès de l’AEG. Voici l’entrevue qu’il a transmise à La Vie agricole.
Si vous avez de la difficulté à faire le lien entre l’Alberta et M. André Boisclair, l’ancien ministre de l’Environnement et ancien chef du Parti Québécois, rassurez-vous : il n’a pas vendu son âme au diable, loin de là. « J’essaie d’aller au-delà des perceptions, nous explique-t-il d’entrée de jeu. Je peux le faire parce que je suis un gars de terrain! Je suis toujours là où je n’étais pas attendu », admet-il en riant. En exergue : ‘’Je crois toujours au développement économique du Québec’’, dit André Boisclair.
M. Boisclair avoue qu’il fait ce travail de consultant auprès des Albertains parce qu’il s’intéresse toujours au développement économique du Québec et parce que l’Alberta est le deuxième plus important partenaire commercial canadien du Québec après l’Ontario. « Je m’emploie à faire connaître le Québec et ses subtilités à mes clients albertains. Je milite en faveur d’une entente entre les gouvernements des deux provinces tant au plan économique que culturel. »
Il ajoute : « Il faut se réjouir par exemple que l’entreprise albertaine WestJet contribue à garnir le carnet de commandes de Bombardier. Tout comme c’est normal que notre Caisse de dépôt et de placement investisse dans l’industrie pétrolière en Alberta et que plusieurs de nos grandes firmes québécoises y fassent des affaires. Comme plusieurs succès albertains ont des impacts positifs chez nous, et c’est tant mieux, je pense que les entrepreneurs albertains sont justifiés de venir voir comment ils peuvent faire des affaires avec nous. »
‘’Le Québec doit entrer dans le parc d’énergie canadienne’’ dit Boisclair. AEG est un OSBL dont les membres emploient 55 000 travailleurs canadiens dans les secteurs manufacturiers, de l’énergie, de la construction et du commerce de détail. AEG, c’est aussi beaucoup de technologies, même parmi les plus vertes : « Notre prétention, c’est que les Québécois peuvent faire partie de la solution, notamment les entreprises et les universités », nous dit M. Boisclair. Le nouveau paradigme mondial en est un où les ressources – dont les ressources énergétiques – sont de la plus haute importance. Il va plus loin : « Le contexte nous oblige à resserrer les rangs, et le Québec doit entrer dans le parc d’énergie canadienne afin de maximiser l’impact de nos ressources naturelles. »
Les Québécois mal informés
Il y a des enjeux très importants dans l’exploitation gazière et pétrolière. Cependant, au Québec, nous sommes très peu outillés. M. Boisclair déplore d’ailleurs le manque de réglementation qui fait mal au Québec : « Malheureusement, malgré la présence de ressources abondantes, il n’y aura pas d’exploitation au Québec tant qu’il n’y aura pas de réglementation appropriée. Il faut informer les Québécois. Par exemple, saviez-vous que 30 % du gaz consommé au Québec provient déjà des procédés non conventionnels? Il est donc extrait par fracturation! Et saviez-vous qu’il en coûte 15 M$ pour creuser un puits au Québec, comparativement à 4 M$ seulement en Alberta. Pourquoi? Parce que nous n’avons pas l’expertise ici et qu’il faut l’importer de l’Alberta. »
Au Québec, on n’a qu’une vague idée de ce que sont les sables bitumineux. Selon M. Boisclair, il faut se rappeler que lorsqu’on parle des sables bitumineux, il n’y a que 20% des émissions de GES qui sont attribuables à l’extraction et à la production, contre 80% qui proviennent de la combustion (les véhicules, le chauffage, etc.). De plus, il importe de savoir que le gouvernement albertain prélève une taxe de 35 $ la tonne sur ce qui est produit.
Comment développer nos richesses ?
M. Boisclair souligne que nous nous rendons maintenant compte qu’il y a beaucoup de gaz et de pétrole chez nous : « Dans le meilleur intérêt des Québécois, je pense qu’il faut maintenant se poser la question : comment développer nos richesses? ». Le développement gazier et pétrolier est au neutre au Québec présentement, et les compagnies pétrolières n’investissent plus dans la prospection au Québec. M. Boisclair y va d’une comparaison savoureuse : « C’est comme si nous avions un saumon de 40 livres au bout de la ligne, mais que nous ne savions pas comment le sortir de l’eau… ».
En bref, le Québec a intérêt à développer ses compétences en ce qui a trait aux ressources gazières et pétrolières. Pour ce faire, l’État québécois aurait tout avantage à régulariser ses liens avec l’Alberta. M. Boisclair rappelle que 62 % des Québécois ont une perception positive de l’Alberta. « Les Québécois sont justifiés de poser des questions, soutient-il, mais mon choix, c’est de bien réglementer le secteur et non pas de bannir l’industrie. Et le gouvernement doit prendre des parts dans cette industrie-là. Je pense que l’autonomie fiscale et énergétique, ce sont des objectifs louables pour le Québec… »
Si la prospection peut ressembler à une loterie, il est important de retenir que nous détenons LE billet gagnant… Il ne faudrait donc pas se surprendre qu’un accord commercial entre le Québec et l'Alberta voit le jour suite à cette première mission albertaine. Après tout, un récent sondage ne démontre-t-il pas que 62 % des Québécois ont une perception positive de l’Alberta?
Roger Martineau
Collaboration spéciale ( Journal Économique Chefs d’entreprises)