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À Saint-Paul-de-Montminy, un projet agricole est saboté

par Jean-Pierre Lemieux

« Notre rêve est devenu un cauchemar, notre projet est saboté ». Sylvie Lavoie établie à Saint-Paul-de-Montminy depuis 2008 pour y élever des chèvres de boucherie avait aussi des projets de développement de son entreprise : les petits arbres fruitiers (bleuet en corymbe, cerisier, camerisier) et la possibilité d’en faire de l’agro-tourisme. La terre est grande, 33 hectares dont 20 en culture, le décor est magnifique, le sol est parfait pour les petits fruits, la ferme est très facile d’accès pour l’éventuel visiteur.

Elle n’est pas fille d’agriculteur mais son rêve était de vivre sur une ferme, vivre des revenus d’une entreprise agricole. Mme Lavoie n’est pas propriétaire d’une ferme par loisir ou comme projet de retraite, elle n’a même pas 50 ans. Elle veut en vivre et son fils est là pour l’aider.

Eaux usées

Bien des rêves en agriculture tournent au cauchemar à cause de difficultés financières mais ce n’est pas le cas ici. C’est un projet d’aménagement d’infrastructures de traitement des eaux usées évalué à plus de 6M$ dont il est question. Ce projet avait, en 1995, obtenu l’autorisation de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ)

Lorsqu’elle a acheté la ferme, personne (vendeur, notaire), n’a parlé de cette autorisation. Il y avait déjà une usine de traitement des eaux mais cela n’était pas une nuisance. Quand le projet de 95 a été réactivé il y a quelques années, elle a compris qu’il était question de « mise aux normes » donc pour elle rien d’inquiétant. C’est lorsqu’elle a vu les plans que l’ampleur de l’impact est apparu : si elle veut promouvoir l’auto-cueillette des petites fruits elle devra faire passer ses clients devant des champs d’épuration, elle ne trouve pas cela « très vendeur ».

Déménager ou rester là? L’impact sur sa ferme est catastrophique mais Mme Lavoie fait aussi remarquer que toute la population du village sera touchée par les hausses de taxes (entre 500$ et 600$) comme cela a été annoncé lors d’une réunion publique le 8 mai.

Urgence

Le règlement d’emprunt pour une « dépense n’excédant pas 6 687 056$ » a été adopté par le conseil municipal le 4 juillet 2011. Le 4 mars 2013 la municipalité adoptait une résolution pour « l’acquisition de gré à gré ou par expropriation » des lots concernés.

En rentrant chez-elle un soir, elle a trouvé, entre les deux portes, un avis d’expropriation. Le 16 mai elle ne sera plus propriétaire d’une partie de sa terre. Cela ne respecte pas les délais légaux. Qu’est-ce qui presse tant?

En Cour supérieure le 24 avril dernier la municipalité a demandé de procéder au transfert de propriété avant l’expiration du délai de 90 jours en raison de l’urgence. La municipalité est allée en appel d’offre en décembre 2012. L’ouverture des soumissions s’est effectuée le 16 janvier 2013 et le plus bas soumissionnaire conforme est G.P.C. Excavation inc. Pour un montant de 5 121 257.73$. La municipalité a demandé une soumission pour effectuer des travaux sur un terrain dont elle n’était pas encore propriétaire.

« Cette soumission n’est valable que pour cent vingt jours, soit jusqu’au 16 mai 2013 ». La municipalité a plaidé que si les travaux ne commencent pas à cette date elle devra confier les travaux au deuxième plus bas soumissionnaire ce qui voudrait dire une dépense supplémentaire de 370 000$ selon les arguments soumis à la cour.

Même si toutes les étapes n’ont pas été franchies, la juge Johanne April a autorisé le transfert de propriété comme le voulait la municipalité.

Aide

L’agricultrice a lancé plusieurs appels à l’aide. Elle a le support de l’UPA, elle est membre en règle, mais l’UPA Côte-du-Sud est en transition dans le cadre des changements occasionnés par le projet de l’UPA du futur.

Elle a bien sûr fait appel à son député, M. Norbert Morin. « Sans effet » dit-elle. Elle a aussi parlé à Mme Claire Bolduc de Solidarité rurale lors de son passage dans Bellechasse en mars pour le lancement de la Contrée en montagne. Toujours pas de réponse. Mme Lavoie presse Mme Bolduc de « cesser de se taire ».

Chèvres

Où sont les chèvres? Mme Lavoie a dû en vendre quelques-unes pour payer les frais encourus pour se défendre. Elle a envoyé le reste du troupeau en « pension » chez des amis éleveurs car tout le temps est présentement consacré au combat.

De plus, quand les travaux vont commencés le 16, il sera impossible pour eux de continuer à circuler librement sur leur terre devenue un chantier.

CPTAQ

Mme Lavoie s’est rendu compte, en examinant les plans, que certains points n’étaient pas conforme à l’autorisation de la CPTAQ émise en 95. Son avocat en a fait part à l’avocat de la municipalité avant l’audience en Cour supérieure. Le plan a été modifié pour rester conforme et pour ne pas à avoir à retourner devant la CPTAQ. Cependant en Cour supérieure cela a été perçu comme une « approbation » du plan par Mme Lavoie.

Mme Lavoie ne s’explique pas qu’une autorisation émise en 95, il y a presque 20 ans, soit encore valide, les normes environnementales, entre autres, sont tellement plus sévères. Il sera peut-être possible d’avoir des explications car l’ingénieur impliqué en 95 pour la CPTAQ est toujours au dossier mais cette fois à l’emploi de la firme Roche.

Le 2 mai elle s’est présentée devant la CPTAQ. Elle attend toujours une réponse sur la « recevabilité » de la demande de révision de la décision de 1995.

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