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La spéculation, la base des crises financières

par Yan Turmine
Suite à l’explosion du prix des terres ces dernières années, plusieurs observateurs pensent que l’on assiste à une bulle spéculative sur les terres agricoles. Cette bulle a été alimentée par une augmentation des prix des céréales sur les marchés mondiaux. La correction à la baisse du marché des grains que plusieurs voient à l’automne fera t-elle éclater cette bulle ?
La spéculation a toujours existé, elle fait partie de la nature humaine. Tout peut être prétexte à la spéculation. Le 6 février 1637 les Pays-Bas, puissance économique de l’époque étaient plongés dans une grave crise financière. La raison : les bulbes de tulipes. Le marché des bulbes de tulipe venait de s’écrouler, faisant perdre des sommes colossales aux spéculateurs. Les bulbes de tulipe avaient pris sur une période de trois ans des valeurs hallucinantes (un bulbe pouvait valoir jusqu’à 15 fois le salaire annuel d’un artisan).
Plus près de nous, la crise financière des papiers commerciaux en 2008 aux États-Unis plongea le monde dans une des pires crises financières. Cette crise des papiers commerciaux a mis à jour non seulement la complexité des produits financiers que les spéculateurs avaient mis en place, mais aussi l’étendue de la spéculation. Pratiquement tout le monde avait via ses REER ou ses placements de ces produits hautement spéculatifs. En fin de compte on était tous sans le savoir des spéculateurs, ou du moins au service des spéculateurs.
La finance aujourd’hui est importante. Elle met à la disposition d’entrepreneurs des capitaux pour donner du travail, pour abaisser des coûts de production, pour être plus productifs. Un bon exemple en agriculture, la bourse des grains. Elle permet à un producteur de grains de vendre à un prix connu d’avance son grain, et ainsi de se garantir un prix de vente. Il se met ainsi à l’abri des risques du marché et il peut faire de même pour ces intrants. Le producteur grâce à ces outils peut mieux gérer les risques liés aux marchés. Malheureusement comme en 1637, les tulipes ne s’achetaient pas comptant, on achetait en hiver le bulbe qui était mis en terre en été, dans l’espoir de le revendre à profit. Le problème commença lorsque cet espoir de profit s’étenda au-delà des horticulteurs et des amateurs de tulipes. La tulipe était devenue la façon de faire de l’argent pour tout le monde, On connait le résultat. Aujourd’hui la bourse des grains et les terres agricoles sont devenues les aires de jeux des spéculateurs avec les mêmes produits financiers qui nous ont plongé dans la crise de 2008.
Le manque de réglementation sur des produits financiers comme les papiers commerciaux adossés à des hypothèques ont mené les États-Unis à la crise de 2008. Une meilleure réglementation au Canada nous a permis d’être un des pays qui a le moins souffert. Avons-nous les réglementations appropriées pour protéger notre patrimoine agricole des grands spéculateurs? Ces grands spéculateurs ne sont pas des Chinois qui viennent acheter vos terres, ce sont des fonds d’investissement qui rachètent, vos contrats en bourses, vos hypothèques de terres et qui se mettent à les vendre sur toutes sortes de marché, à travers toutes sortes de produits financiers plus ou moins réglementés.
C’est au gouverenemnt de mettre en place des outils de contrôle moderne pour contrôler ce type de spéculation. À titre d’exemple le 1er aout dernier, La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a limité les garanties offertes aux banques et autres organisations de prêts sur les titres hypothécaires. Le but est de réduire le marché secondaire des titres hypothécaires (papier commercial entre autres) et de limiter la spéculation sur les titres immobiliers.
Cet automne le gouvernement provincial devrait nous revenir sur des modifications à la loi de la protection du territoire agricole. Le péril chinois c’est bien beau, mais il va falloir que le gouvernement mette en place des outils modernes pour surveiller et réglementer les vrais spéculateurs.

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