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Paradis, une nouvelle ère basée sur le libre choix !

?La Vie Agricole a pu obtenir une rencontre éditoriale exclusive avec le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation. L’occasion de prendre le pouls des intentions du tout nouveau ministre de ce ministère majeur dans le développement de l’économie du Québec. Pour sa première sortie publique sur les grands enjeux qui attendent l’agriculture, le ministre a choisi de parler à La Vie Agricole. Pierre Paradis est un expert en politique, lui qui a eu comme il dit, plusieurs vies dans ce domaine. Il a entre autres été au cours de sa longue carrière politique ministre du Travail, ministre de l’Environnement et de la Faune et ministre des Affaires municipales.

YP : Vous avez confié à un autre média récemment que pour vous en terme d’alimentation, “Le contenu est plus important que la cane“. Certains politiciens parlent de souveraineté alimentaire d’autres d’autosuffisance alimentaire. Pour le ministre Paradis c’est quoi le plus important ?

PP : Le plus important c’est ce qu’il y a dans la cane comme on vient de dire !  Lorsqu’on travaille l’étiquette comme telle, le terme “souveraineté alimentaire“ a une connotation politique. Moi je tente d’éviter les connotations politiques. Je suis plus enclin à parler de sécurité alimentaire. Ça fait appel à une quantité de notions incontournables la sécurité alimentaire. Ce sont des aliments de qualité qui garantissent une saine alimentation qui constitue la base pour nourrir ta population mais ça ne veut pas dire que tout est produit au Québec. On en produit le maximum mais des bananes, on n’a pas encore trouvé la recette.

YP : L’autosuffisance alimentaire a diminué beaucoup. De 80 % dans les années 80 à environ 40 % aujourd’hui. Que ferez-vous pour contrer cela ?

PP : Les diminutions les plus importantes sont survenues dans la production porcine parce que le marché n’était pas là et la financière agricole n’a pas réagi assez rapidement à des corrections de marché. Mais dans l’année qui vient de se terminer on a exporté en valeur autant de viande porcine que d’Hydro-électricité, ce qui est majeur comme secteur de développement  économique et de création d’emplois au Québec

YP-Le gouvernement Couillard communique depuis son élection sur les coupures nécessaires, quelles seront celles qui concerneront le secteur de l’agriculture? Croyez-vous que certaines subventions sont exagérées ? Lesquelles ?

PP : Des coupures ? Plus des compressions ! Les compressions sont contenues dans le livre des crédits mais je vais être prudent car à ce jour elles ne sont pas encore adoptées par l’Assemblée nationale du Québec. Cela sera étudié le 2 juillet (confirmé depuis par sa directrice de cabinet Valérie Roy). Si on compare les argents déboursés l’an dernier et l’argent qu’on demande de voter aux députés pour l’année en cours c’est environ 1,3 % de différence. Je pense qu’on peut atteindre des gains de productivité dans l’appareil administratif autant au niveau de la Financière agricole, que des organismes qui dépendent du ministère, ou, du ministère lui-même…Dans les programmes comme  tels, je n’anticipe pas de coupures draconiennes.

YP : Donc les compressions devraient se limiter juste au MAPAQ ?

PP : Oui, les compressions devraient se maintenir au MAPAQ et quand on compare aux autres ministères c’est quelque chose d’équilibré et généralement les agriculteurs sont des gens qui comprennent la situation financière du Québec et ce sont toujours les premiers à faire des gains de productivité et d’efficacité. Et maintenant ce sont eux qui demandent au ministère d’en faire. Si le ministère répond au même niveau que ce qui a été demandé aux producteurs on va être correct !

YP : Vous avez vu dans le dernier numéro de La Vie Agricole, Jean Garon vous accuse dans sa dernière entrevue d’avoir été financé dans le passé par les intégrateurs. Quelle est votre situation par rapport à l’intégration ? Vous êtes pour ou vous êtes contre ?

PP : Moi je suis pour le libre-choix de l’agriculteur. Traditionnellement, en intégration (notamment en production porcine) vous aviez un tiers des producteurs sous intégration, un tiers dans le régime coopératif, un tiers indépendant et ça consacrait un équilibre et une liberté de choix. La dernière crise économique qui a duré longtemps dans le porc a fait en sorte que ce choix-là ne s’est pas manifesté autant. Des producteurs indépendants même parmi les plus efficaces sont tombés au front. C’est pourquoi la Commission parlementaire de l’agriculture a été réunie et qu’il y a eu sans partisanerie politique une union pour rappeler la Financière agricole à l’ordre.

On se retrouve aujourd’hui dans un système où cette proportion un tiers, un tiers, un tiers n’est plus là.

Le régime coopératif s’est davantage accès vers l’intégration comme telle. Il faut assurer le libre choix du producteur agricole et c’est ce que les mesures visent car certains préfèrent être intégrés, d’autres coopérateurs et d’autres indépendants. Il faut respecter ce choix-là.

YP : Le retour à la ferme familiale est-ce possible et est-ce souhaitable ?

PP : Le retour à la ferme familiale ? Dans l’intégration, vous avez beaucoup de fermes familiales. Les intégrateurs n’ont pas nécessairement de grosses unités. Ils font affaires avec des producteurs intégrés qui sont des fermes à dimension familiale. L’important c’est que le producteur soit dans une situation où il peut exercer librement son  choix.

Si je commençais demain matin, je voudrais être intégré, apprendre mon métier, avoir les services conseils requis, apprendre comment ça fonctionne à tous les niveaux. Après je voudrais peut -être devenir indépendant ou je me dirais, je suis bien, L’important c’est que le producteur ait le choix.

YP : Concernant le monopole syndical. Vous avez sûrement lu dans les médias généralistes que des blogueurs ont attaqué celui-ci notamment, la chroniqueuse Lise Rivary, du Journal de Montréal puis Benoit Girouard. Mettant en cause le contexte du monopole et dénonçant que seul l’UPA détienne la liste officielle des producteurs. Est-ce que ça vous parait normal ?

PP : J’ai eu une réaction très normale et j’ai demandé à tous ceux qui sont intervenus d’adresser des demandes au ministère. Et la liste sera traitée conformément.

YP : Vous savez que des demandes ont déjà été faites par L’Union paysanne, La Vie Agricole… ?

PP : Pas depuis que je suis arrivé.

YP : On comprend que ça pourrait changer ?

PP : J’ai simplement dit si je reçois une demande elle va être traitée correctement.

YP : Concernant le monopole La Vie Agricole reçoit beaucoup d’informations de toutes parts de gens qui questionnent l’idée même du monopole syndical. Vous vous situez où par rapport à cela. Vous voulez plus de pluralisme ou vous êtes très à l’aise avec le monopole syndical ?

PP : Moi je suis un ancien ministre du travail. J’ai eu à négocier avec plusieurs centrales syndicales dans une autre vie. Le monopole syndical a des avantages et des inconvénients. Quand vous détenez un monopole ça crée… des obligations. Et votre obligation c’est de vous assurer que vous représentez tout le monde. Il y a présentement sur le terrain des gens qui ne se sentent pas représentés par l’Union des producteurs agricoles. Moi j’ai fait le message à L’UPA. Le monopole, ça confère des avantages mais aussi des responsabilités et des obligations. A titre d’exemple, moi chez nous, dans le comté, j’ai beaucoup de petits producteurs maraîchers qui sont obligés de contribuer mais qui  se demandent quels services ils reçoivent. J’en ai d’autres dans d’autres productions qui ne sont pas satisfaits des services donc y’a un rapprochement de clientèles qui doit se faire sinon le mouvement que vous mentionnez va prendre de l’ampleur.

YP : Certains mouvements comme le Conseil des Entrepreneurs Agricoles (CEA) nous disent détenir 2500 membres. Est-ce qu’on peut maintenir en permanence le couvercle sur cette situation ?

PP : Moi je n’ai pas la solution. Il faut tout évaluer. Vous avez le monopole de représentation mais également toute la gestion des plans conjoints, tout ce qui est sous gestion de l’offre. Quand on regarde les autres provinces, vous vous retrouvez en situation de monopole aussi. Quand vous avez un plan conjoint, vous ne pouvez pas avoir deux administrateurs pour les quotas dans la production laitière par exemple. Vous ne pouvez pas avoir deux administrateurs dans la volaille. C’est pas simple de se sortir de ce modèle-là et quand on dit que seul le Québec l’a, c’est pas vrai. Tout ce qui est sous gestion de l’offre est en situation de monopole dans chaque juridiction à travers le pays. Personne n’a trouvé la recette magique pour dire, il va y avoir deux ou trois ou quatre (syndicats). Un pluralisme syndical, qui va gérer un plan conjoint ! Si vous l’avez (la recette) donnez-moi là !

YP : Vous vous attendez donc à plus d’ouverture de l’UPA ?

PP : Oui pour le moment, c’est le défi que j’ai demandé aux gens de l’UPA. Je ne veux pas recevoir à mon bureau de comté, des gens qui viennent me dire : “Vous êtes responsable de la législation. Je suis obligé d’appartenir à un syndicat pis le syndicat m’envoie une facture et puis j’ai pas de service“.

YP : Dans la loi de 1972, il y a des annexes qui permettent de revenir poser la question sur le maintien du monopole devant les producteurs

PP : Oui c’est toujours possible. C’est une décision des marchés agricoles. Quelqu’un qui se sent représentatif peut présenter une requête devant la régie des marchés agricoles et demander à la régie de revérifier le niveau d’appartenance mais la personne doit comprendre que si c’est revérifié ça peut créer un problème au niveau de tes plans conjoints et là au Québec au moment où on se parle, on a environ 40 % de la production sous gestion de l’offre. Je ne pense pas qu’on soit en train de remettre la gestion de l’offre en question.

YP : Justement en parlant de gestion de l’offre, à propos de l’entente de libre-échange Canada-Europe, beaucoup de fromagers sont inquiets. Allez- vous demander des aides au Fédéral ? Allez-vous soutenir les petits fromagers ?

PP : Moi j’ai pris le dossier dans l’état où il m’a été donné. Ce que l’on sait, c’est que l’entente Canada- Europe est signée. Et que le gouvernement Harper n’aurait pas signé sans le consentement du gouvernement Marois donc ce consentement-là a été donné. Je ne suis pas capable  de remettre la pâte à dents dans le tube, je n’ai pas la recette. Donc à partir de ce qui a été signé de quelle façon on peut protéger au maximum nos producteurs laitiers ? L’appliquer tel quel sans mesure de compensation et de réciprocité, c’est la perte de 300 fermes laitières familiales au Québec. J’ai été surpris d’apprendre que le gouvernement n’avait pas signé de mesure de réciprocité, simplement des mesures de compensation.

YP : On ne connait pas encore les détenteurs des quotas d’importation ?

PP : Les petits producteurs de fromages devraient être ceux qui sont compensés par la détention ou l’obtention de permis d’importation. Mais le producteur artisan est un passionné qui n’aime pas forcément les formulaires gouvernementaux et la paperasse qui va avec les permis d’importations. Je vais voir de quelle façon on peut les regrouper sous forme d’associations, de coopératives de manière à ce qu’ils détiennent ces permis d’importations-là collectivement et qu’ils se les répartissent puisque ce sont eux  qui vont subir le maximum de dommages.

YP : Il y a eu du temps du ministre Gendron un débat sur l’accaparement des terres. Votre constat : Y-a-t-il un accaparement par des fonds d’investissements ou juste par des agriculteurs riches ? Quelle est votre opinion sur cette situation et quelles seront vos actions à venir en aide à la relève ?

PP : L’accaparement existe dépendamment des régions. Mais il existe de façon minoritaire. Plus de 80 % de nos terres sont propriétés d’individus québécois. C’est un problème à la marge. Le ministre Gendron a fait adopter une nouvelle législation l’automne passé, c’est un pas en avant dans la bonne direction. Maintenant, on  a annoncé en campagne électorale un programme pour soutenir la relève agricole et c’est en lien direct avec l’accaparement des terres. On a plus de 50 % de nos agriculteurs qui ont 50 ans et plus. Donc il y a  un mouvement de transfert qui va se dessiner. On  a proposé que celui qui vend, son premier million de gain de capital, soit exclu de taxation. Si vous êtes l’acheteur, si vous êtes un fils ou un employé de plus d’un an d’ancienneté sur la ferme, vous pouvez mettre de côté 15 000 $ par année sous forme de CELI non taxable. Ça fait un petit pécule que vous pouvez accumuler pour vous porter acquéreur de la terre et ça peut aider à garder nos terres dans les mains des familles terriennes.

YP : Pour terminer dans le dernier numéro de la vie agricole, vous avez constaté que notre média est ambassadeur des Jeux Équestres Mondiaux Alltech FEI 2014 pour le Canada et que nous sommes aussi Fiers partenaires d’International Bromont. On vous sait un amoureux du cheval. Vous voyez ça comment l’arrivée des Jeux Équestres Mondiaux en 2018 au Québec ?

PP : En terme équestre c’est plus important que les Jeux Olympiques comme tels en nombre de disciplines, de chevaux, d’impacts économiques. C’est un dossier majeur pour le Québec, le Canada et même l’Amérique. On va avoir besoin de l’expertise des américains qui ont vécu la même chose au Kentucky en 2010. On va être très vigilants pour voir ce que les français font en 2014. Simplement dans la demande d’approbation il fallait garantir un nombre de chambres assez imposant. Il fallait répertorier tout ce qui existe entre Sherbrooke et Laval, Montréal, Burlington au Vermont et Drummondville. Ça vous donne une idée de l’ampleur de l’évènement et de ses retombées économiques. On parle d’un investissement important. 75 millions de dollars à peu près mais des retombées économiques minimum de 350 millions de dollars. C’est majeur. C’est plus important que la Formule 1. Le plus gros projet à venir au Québec pour les quatre prochaines années. Une belle vitrine pour le Québec pour rayonner à l’international.

 

Après l’entrevue, nous en avons profité pour remettre au ministre actuel de l’Agriculture le livre de Jean Garon, Pour tout vous dire.

Garon, sénateur !

Lors de la remise du livre de Jean Garon, Pour tout vous dire, Paradis a confié à La Vie Agricole.“ Avec Jean, on est en désaccord sur plusieurs points politiques mais il faut reconnaitre qu’il connait son domaine. Il faut savoir prendre les idées de tous. Garon c’est un peu comme un sénateur de l’agriculture“. Un hommage d’autant plus honorable que c’était une quinzaine de jours avant le décès de M.Garon.

Les expos financées !

Hors camera il confiera aussi dès le 19 juin à La Vie Agricole que cette année les expos agricoles pourront compter sur le même budget que l’année précédente plus indexation.

Paradis, favorable au débat

Informé du projet de débat sur les grands enjeux de l’agriculture qui pourrait être programmé à l’expo provinciale à Montmagny le 22 aout prochain, pour lequel l’ancien ministre Jean Garon avait été officieusement approché pour le moment, le ministre Paradis s’est dit très intéressé à connaître les différentes avenues d’un tel processus. En convenant que le débat sera d’autant plus productif s’il représente tous les courants de pensée qui œuvrent dans l’agriculture. Verrons-nous enfin une table de discussion entre L’UPA, l’Union Paysanne et le Conseil des Entrepreneurs Agricoles, pour que chacun exprime la philosophie de chaque courant de pensée. Ce serait une première au Québec et un bon coup pour l’Expo Provinciale de Montmagny !

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