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Harper abandonnera la gestion de l’offre

La Vie agricole a rencontré au cours du mois d’avril le chef du NPD qui s’attend avec les conservateurs au pouvoir à la fin de la gestion de l’offre.

Yannick Patelli-Depuis la signature de l’entente de libre-échange Canada-Europe on avance de toute évidence plus en plus vers un libre-marché total. Les politiciens au gouvernement sont-ils en train de mettre  fin à la gestion de l’offre et, est-ce pour vous, la bonne solution pour que le marché laitier accède à l’exportation ?

Thomas Mulcair – Nous ne faisons pas confiance au gouvernement Harper en ce qui concerne le dossier de la gestion de l’offre. Vous vous souvenez que Harper a annoncé au public canadien qu’il augmenterait l’âge de la retraite de 65 à 67 ans, évidemment,non il ne l’avait pas annoncé. Il se garde bien de nous dire que dans le cadre de l’entente TransPacifique que la gestion de l’offre est sur la table et pourtant il y a des craintes réelles. Il manque de vision à long terme en agriculture.“

YP-Va-t-on vers la fin de la gestion de l’offre ? Peut-on la sauver ?

TM– Elle est tout à fait défendable. Les américains et européens aiment bien nous faire des leçons là-dessus mais ils font exactement la même chose à un autre niveau avec des subventions. Si nous on traite en aval, eux ils traitent en amont mais la quantité d’argent public qui est impliqué dans la production agricole en Europe et aux États-Unis est tout à fait équivalente. Les américains vont vous montrer un gallon de lait sur l’étagère en vous disant c’est moins cher. Ils ont raison parce que ça a été subventionné tandis qu’ici au Canada on a un système de gestion de l’offre qui fait que le producteur n’est pas soumis aux aléas des hauts et des bas d’un marché et des cycles qui font que ce sont toujours les mêmes grandes compagnies qui s’accaparent les fermes aux États-Unis à chaque fois qu’il y a des difficultés. Nous, on a créé un système qui est bon pour les agriculteurs et tout à fait juste pour le consommateur et on va le défendre bec et ongles. Pour ce qui est des conservateurs, je n’ai pas confiance dans ces dossiers là parce que dès que c’est un a priori théorique économique, ils vont toujours aller vers la théorie alors que moi je suis en train de parler de la réalité de dizaine de familles canadiennes qui gagnent honnêtement leur vie sur les fermes de ce pays.

YP-Des inquiétudes persistent dans le cadre de l’entente Canada-Europe suite à l’importation de 17 000 tonnes de fromages. Le gouvernement a promis des compensations mais on n’en a pas encore vu la couleur. Que feriez-vous si vous étiez au pouvoir ?

TM-Moi, je dirais aux producteurs laitiers de faire très attention et de ne pas se laisser embobiner dans cette histoire-là.  La preuve, les conservateurs ont fait une promesse identique dans le domaine spécifique de la pêche à Terre-Neuve/Labrador. Si vous vous rappelez qu’au terme de la négociation avec l’Europe, il avait été promis que s’ils acceptaient d’enlever l’obligation de faire la transformation d’une certaine partie de la prise qu’il y aurait une compensation à hauteur de plusieurs centaines de millions de dollars. Pour l’instant, que dalle, zéro, rien ! Et le gouvernement là-bas est furieux, parce que c’est un gouvernement conservateur en plus, parce que le gouvernement Harper a complètement renié sa promesse. Pour l’instant au Québec on nous parle d’une compensation pour les fromagers : Ruth Helen Brousseau, notre critique en matière agricole a présenté une motion à la chambre pour obtenir une compensation. Tout le monde a voté pour ça mais on n’a pas vu un sou d’engagement clair du gouvernement. Pour ce qui est des intentions réelles du gouvernement, regardez un discours que Stephen Harper a prononcé en Saskatchewan, il y a quelques semaines, lorsqu’il a parlé des armes pour se défendre en milieu rural. Ça c’était assez saugrenu en soi mais le même discours ouvrait tout droit sur l’abandon du système de gestion de l’offre. Pour ce qui est des terminologies comme quoi il faut le rafraichir et tout ça, moi je dis, si on a décidé de tuer son chien on va dire qu’il a la rage. Si on devait commencer à démanteler le système ça sera avec des bons mots pour dire qu’il faut le moderniser. Le système fonctionne et il est juste, il faut le maintenir. “

YP-Au Québec on parle de problème d’accaparement des terres. Croyez-vous au problème de l’accaparement des terres et êtes-vous pour ou contre le rôle que veulent jouer certaines compagnies d’investissements avec les agriculteurs pour les aider à développer ?

TM– C’est un débat qui n’est pas exclusif au Québec. On a vu dans d’autres provinces le débat avoir lieu. Parce que des gens arrivant de l’étranger veulent s’accaparer des terres agricoles. On ne peut que se baser sur des preuves. On n’a pas eu encore une étude assez détaillée mais de notre point de vue le Fédéral devra travailler avec les provinces parce que fatalement il va y avoir des questions de commerce international qui vont se poser là-dedans. Il faut faire attention avec les dispositions qui protègent l’État investisseur et les gens dans les pays étrangers quand ils viennent ici parce que s’ils ont une protection au terme d’une entente comme celle proposée dans le cas du libre-échange avec l’Europe, il faut faire très attention que cela n’ouvre pas la porte à ce que des gens s’accaparent des terres pour les mettre en friche et nous mettent en danger d’avoir notre autonomie alimentaire.

YP– Bernard Drainville a déclaré à La Vie agricole récemment que sur le total des subventions fédérales à l’agriculture 10 % parviennent au Québec alors que le Québec finance 20 % des dépenses fédérales. Que pensez-vous de cela ?

TM-C’est pour ça qu’il faut avoir une forte présence québécoise au gouvernement grâce au NPD. Il faut s’assurer qu’on a toujours notre part là-dedans. Le Québec avec une succession de gouvernements libéraux et conservateurs n’était jamais considéré. Quand les libéraux étaient là, ils prenaient le Québec pour acquis. Le début du problème avec le système des quotas dans le domaine laitier, c’était sous les libéraux et ça a continué de plus belle. M. Harper a eu comme slogan en 2011 : “ Nos régions au pouvoir“. La réalité c’est que depuis 2011, c’est “Nos régions oubliées“.

YP– Le Québec a voté en 1972 une accréditation unique syndicale. Elle est de plus en plus contestée par des agriculteurs et des syndicats non reconnus se sont créés au fil des ans dont L’Union paysanne et Le Conseil des Entrepreneurs Agricoles. À l’image du reste du Canada qui permet dans d’autres provinces plusieurs syndicats, croyez-vous que le Québec devra reconnaitre le pluralisme ou considérez-vous que l’accréditation est un atout que le Québec devrait conserver ?

TM-La liberté d’expression et d’association continue d’exister pour tous et chacun. Les gens sont libres de s’exprimer et de s’associer s’ils n’ont pas le même point de vue que L’UPA. Mais d’avoir un guichet unique pour la négociation, il me semble que ça va de soi. L’existence même de l’Union paysanne est la preuve qu’on n’a pas besoin d’avoir une reconnaissance au terme de la loi. Moi comme ministre de l’environnement, j’ai traité souvent avec L’UPA, avec Laurent Pellerin à l’époque, mais ça ne m’empêchait pas de rencontrer  un éventail d’autres groupes avec d’autres points de vue. Mais quant à la reconnaissance d’autres groupes c’est un choix qui revient à la province. Le monopole n’existe pas ailleurs. Est-ce un problème en soit ? C’est un débat qui doit avoir lieu à l’assemblée nationale du Québec.

YP-Nous avons réalisé récemment un dossier sur le projet de pipeline de TransCanada qui passerait par ici. Le débat est vif. Vous êtes pour la protection de l’environnement mais pas fermé à l’idée du transport du pétrole par pipeline plutôt que par bateaux. Quels choix feriez-vous si vous étiez au pouvoir ?

TM– Ce serait erroné de faire un choix en l’absence d’une analyse environnementale complète et crédible. Je connais intimement l’importance de bien protéger le golfe du Saint-Laurent. Mais un projet par une compagnie, je ne me suis jamais exprimé là-dessus et je ne suis pas à veille de le faire. Ce que je dis c’est qu’on ne peut pas approuver quelconque de ces projets-là à défaut d’un système crédible et complet. En ce moment on n’a même pas le droit de contre-interroger les témoins de la compagnie ce qui est contraire à toutes les règles naturelles d’une société. Les porte-paroles du gouvernement parlent d’un projet d’approbation environnementale comme si le résultat était décidé d’avance et avec eux, ça l’est. Alors que nous, on dit que le développement de nos richesses en ajoutant des emplois ici comme principe de développement durable c’est ça qui est souhaitable plutôt que d’avoir l’exploitation d’une ressource brute. Mais ce qui manque c’est qu’on n’a pas mesuré les effets sur les changements climatiques.

 YP-Comment jugez-vous le rôle de L’ONE ?

TM-Moi je trouve que l’ONE manque complètement de crédibilité dans ce dossier-là. Au Québec, refuser que l’ensemble des documents soient disponibles en français c’est manquer complètement de compréhension de la réalité.

YP– Mais l’UPA siège aussi à l’ONE, comment analysez-vous cela ?

TM-Je n’en ai pas contre les individus qui siègent ou les associations dont ils peuvent dépendre. Moi je parle de la loi que Stephen Harper a éviscéré et que c’est gens-là sont en train d’appliquer maintenant. Je dis que la structure mise en place par les conservateurs est singulièrement défaillante.

 

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