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L’UPA crie au loup une fois de plus

L'UPA est passée maître dans l'art de crier au loup au lieu de reconnaître ses torts. On le voit depuis des mois à propos de l'accaparement des terres, qui est la conséquence logique du modèle d'intégration et d'industrialisation qu'elle favorise systématiquement depuis 25 ans dans ses politiques de financement, de mise en marché et de représentation, au détriment d'une agriculture territoriale multifonctionnelle et diversifiée.

Le manège recommence une fois de plus sur le dossier du zonage agricole. Au lieu d'admettre que la façon dont est gérée la zone agricole au cas par cas par la Commission de Protection du Territoire agricole du Québec (CPTAQ) et l'Union des producteurs agricoles (UPA), n'est plus adaptée aux problèmes d'aménagement contemporains aussi bien en périphérie urbaine que dans les campagnes en dépeuplement, le président de l'UPA Marcel Groleau avertit d'emblée : « En ce moment, l'Union exclut toute ouverture ou tout assouplissement de la LPTAA » (La Terre de chez nous, 20 mai 2015). Surtout, ne rien céder aux méchants loups qui en veulent aux activités agricoles ou voudraient "rétrécir le terrain de jeu » (sic) des producteurs agricoles (ibidem). En d'autres mots, la zone agricole est le parc industriel des producteurs agricoles exclusivement. La cohabitation des usages en zone agricole : connais pas! Le Rapport Pronovost, le rapport Ouimet : connais pas! Les municipalités, les MRC et les communautés métropolitaines responsables de l'aménagement du territoire : connais pas! La diversification des activités socio-économiques dans les villages ruraux d'aujourd'hui où les agriculteurs sont de moins en moins nombreux : connais pas! La croissance incontournable des villes et de leurs couronnes : connais pas! Ou plutôt : tous des méchants loups!

Le travers ne vient pas d'hier. Le modèle gestion actuel de la zone agricole est issu d'un bras de fer entre le projet de loi sur la protection du territoire agricole de Jean Garon et le projet de loi sur l'aménagement du territoire et les MRC de Jacques Léonard, dans le premier gouvernement Lévesque, en 1978. Et c'est Garon qui a emporté le morceau. À l'époque, c'était peut-être nécessaire pour casser la spéculation foncière autour des villes. Mais il en est résulté une situation où toute intervention dans la zone agricole est traitée au cas par cas par la CPTAQ. L'avis de l'UPA à titre d'association accréditée y est plus important que celui des instances municipales qui se résume à un avis de conformité; dans le cas des demandes municipales à portée collective en vertu de l'article 59 (seule possibilité pour les municipalités de modifier la zone agricole), l'UPA dispose même d'un droit de veto. Quant à la nomination des membres de la Commission, elle est surveillée et alimentée de près par l'UPA. Quant aux MRC, elles ont la mission de l'aménagement du territoire, mais aucun pouvoir sur la zone agricole qui en couvre souvent 90%.

Les revendications des citoyens, des industriels et des municipalités d'une part,  et les recommandations formulées par le rapport Pronovost (2008) et opérationnalisées par le rapport Ouimet (2010) d'autre part, ne visent pourtant aucunement à démembrer la zone agricole mais simplement à démocratiser et décentraliser sa gestion de façon à tenir compte de l'occupation dynamique du territoire et de la zone agricole, de la cohabitation harmonieuse des usages dans la nouvelle ruralité et de la multifonctionnalité nécessaire de l'agriculture.

Concrètement

-éliminer l'interférence de l'UPA dans la nomination des membres de la Commission;
-réserver à la Commission les demandes de dézonage;
-confier aux MRC et aux Communautés métropolitaines, responsables de l'aménagement du territoire, la gestion des usages en zone agricole, sur la base d'un Plan de développement de la zone agricole (PDZA) approuvé par la Commission;
-établir une liste d'activités admissibles dans la zone agricole à certaines conditions : fermes de petite surface, tables champêtres, fermes pédagogiques, activités complémentaires ou à temps partiel, etc.;
-éliminer de droit de veto de l'UPA sur les demandes à portée collective;
-consulter la population et les agriculteurs dans l'établissement des règles de cohabitation des usages dans la municipalité et la MRC;
-établir une procédure d'évaluation environnementale, avant l'émission du certificat d'autorisation, pour les projets agricoles qui soulèvent des problèmes pour l'environnement et la cohabitation;
-encadrer la production des biocarburants.

Il n'y a pas de méchants loups qui veulent détruire le zonage agricole. Tous sont d'accord pour protéger le territoire agricole sans négliger toutefois la cohabitation des usages tout aussi nécessaires. L'utilisation abusive du critère de« l'homogénéité de la communauté et de l'exploitation agricoles » (a. 62.6) a assez duré. L'homogénéité du milieu rural agricole n'existe plus : les producteurs agricoles et l'UPA n'en sont plus les seuls rois et maîtres; ils doivent apprendre à vivre avec les autres et avec les dirigeants élus. 

Le plus grand danger qui guette la zone agricole quant à moi est bien davantage l'agri-industrie galopante qui n'a plus rien d'une agriculture nourricière à mesure humaine; qui, au contraire, compromet l'avenir des sols, de l'environnement, de la santé collective et des communautés rurales elles-mêmes. Il est temps que le Gouvernement fasse une mise à jour de la LPTAA.

Roméo Bouchard, ex-président-fondateur de l'Union paysanne, St-Germain-de-Kamouraska.

 

 

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