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La quête des saveurs

Apparemment, les Québécois raffolent des marchés publics. Ils s’y jettent dès qu’ils en voient un. Simple mode? Peut-être bien, diront les cyniques. Mais, pour l’essentiel, ils auront tort, encore une fois. Car il y a à travers cette passion nouvelle une quête assez profonde, bien que plus ou moins consciente, qui s’exprime: celle d’un retour à une forme d’authenticité et de vérité des goûts. On se rend au marché pour bien manger, mais aussi parce qu’on y voit une résistance à l’aseptisation du monde. Chacun cultive l’art de vivre pour reprendre possession de sa vie.

C’est aussi une manière de renouer avec le producteur, et plus généralement, avec le petit producteur qui représente pour le commun des mortels une agriculture à échelle humaine. Dans un restaurant où j’ai mes habitudes, on nous sert les légumes de la ferme de «Monsieur Bertrand». La formule m’amusait jusqu’à ce que j’en comprenne le sens. C’était simplement une manière de nous dire que nous étions ici en contact avec des produits de qualité, des produits personnalisés, qui n’ont rien d’anonymes.

C’est une réponse, en quelque sorte, à l’industrialisation des saveurs qui représente une des sombres facettes de notre temps. On le sait, nous vivons dans un univers terriblement aseptisé. Dans chaque métropole, on retrouve les mêmes grandes enseignes américaines. Elles sont probablement rassurantes pour les touristes que nous sommes, toujours à la recherche de nouveaux décors, sans être trop dépaysés. C’est l’exotisme à rabais qui ose se présenter comme la meilleure part de la mondialisation.

Logique de la mondialisation: les plus beaux paysages comme les plus beaux endroits sont peu à peu intégrés dans le circuit du tourisme international. Dans les villes, les populations locales ont été évacuées peu à peu des plus beaux quartiers. Ces derniers servent désormais de décors pour accueillir les visiteurs de passage. De même, souvent, les restaurants qui conservent et cultivent les meilleurs saveurs du pays sont pratiquement réservés aux voyageurs fortunés. On rencontrera les gens du pays dans le service aux tables. Chic!  

Évidemment, dans les familles, les traditions gastronomiques des pays se maintiennent. Mais ici encore, il faut faire des nuances. Dans les pays occidentaux, elles ont tendance à s’effacer. Si dans les quartiers branchés, on redécouvre la cuisine comme un art et une passion, on constate plutôt la soumission croissante des classes moyennes aux produits surgelés, comme si le temps manquait pour préparer un véritable repas. À terme, nous sentons un grand vide. Nous traversons l’existence comme des robots qu’il faut seulement gaver afin qu’ils demeurent productifs.

Et pourtant, je l’ai dit, la «résistance» s’organise. On va au marché public. On redécouvre l’achat local. On se laisse tenter par le bio. Autrement dit, on se demande s’il n’y a pas une alternative à la société déracinée. On notera d’ailleurs la popularité des recettes redécouvertes de nos grands-mères. Elles ont la cote. Ce n’est pas une simple nostalgie, bien que cette dernière soit une formidable école d’humanité. On sent qu’il y a dans le passé un trésor à retrouver. Et on ne se trompe certainement pas. 

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