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Si les politiciens disaient la vérité !

Et si personne ne sauvait la gestion de l’offre ? Si les politiciens disaient la vérité, peut-être devraient-ils avouer que ni le parti conservateur, ni le parti libéral, ni le NPD, ni le Bloc ne sauveront la gestion de l’offre ! Et pour une bonne raison : La brèche créée par l’importation de protéines laitières est déjà béante. Ces protéines laitières importées légalement par les transformateurs canadiens n’ont fait qu’augmenter au fil des dix dernières années. Comment ce ferait-il que les politiciens au fédéral ou au provincial, que L’UPA ou la Fédération des producteurs de lait du Québec ne s’en seraient rendus compte que le mois dernier ? La vérité c’est plutôt que tout le monde savait et que cela fait l’affaire de pas mal de monde. L’objectif final est-il de permettre à ces transformateurs de créer une filière laitière intégrée comme cela s’est fait dans le porc ?

L’intégration, l’avenir de la production laitière ?

Les transformateurs canadiens ne deviendront-ils pas au final des intégrateurs responsables des quelques milliers de troupeaux qui resteront au Québec, de la transformation du lait, de leur transport et de leur distribution. Un système de chaine de production bien connu dans le domaine porcin !

Certains producteurs rencontrés ces derniers temps commencent à se dire que dans quelques années, les politiciens qui disent défendre la gestion de l’offre leur diront qu’ils sont chanceux qu’au Québec et au Canada d’avoir des transformateurs qui permettent de maintenir des entreprises et des jobs dans les régions même s’il reste moins de troupeaux et de fermes familiales que dans les années précédentes.

Et si la pièce de théâtre du porc se rejouait pour la vache laitière !

Qu’aurait dit Jean Garon, le ministre de l’agriculture encore vénéré dans les champs,  à voir tous ces hommes politiques et tous ces représentants officiels de la structure syndicale sur une même tribune défendre ce qu’ils savent avoir déjà perdu ! Aurait-il fait le même constat que pour la production porcine ? Il écrivait dans ses mémoires :

“ N’oublions jamais que l’UPA a manifesté au milieu des années 1980 pour que le gouvernement du Québec, qui n’assurait que la ferme familiale indépendante depuis le début de l’Assurance-stabilisation des producteurs de porcs, assure la production intégrée au même titre que la production porcine! Aujourd’hui des fermes indépendantes bâties  par des familles sur plusieurs générations qui ont tout pour être performantes se font pousser dans les bras de l’intégration par tout le système : les coopératives, les meuniers, les banques, la Financière agricole et même les conseillers financiers payés par le gouvernement!(…) C’est proprement scandaleux!“

Le plan B que certains préparent serait-il qu’un jour les troupeaux laitiers seront intégrés dans une filière comme le sont les troupeaux porcins ?

L’ambiguïté des coopératives ne date pas d’hier

Actuellement bien des producteurs laitiers se demandent pourquoi ils se réveillent après quelques années de désinformation avec une situation kafkaïenne où l’un des transformateurs canadiens profitant de la baisse du coût du lait à l’hectolitre leur appartient et joue donc indirectement contre eux. Pourtant des sonnettes d’alarme ont été tirées. Yan Turmine, chroniqueur à La Vie agricole écrivait il y a un an en octobre 2014 :

“L’industrie du lait va bien au Canada ou plutôt ça semble bien aller pour les industriels laitiers canadiens. Leur expansion en dehors des frontières canadiennes depuis quelques années semble très bien leur réussir. Saputo est devenu un joueur international, dans le top trois des fabricants de fromage aux États-Unis. Agropur, avec l’achat de Davisco cet été, est aussi devenu un joueur majeur dans la transformation de fromage chez nos voisins du sud. La gestion de l’offre est en danger. Autre menace potentielle, la grogne que suscite chez les transformateurs américains les acquisitions faites par des laiteries canadiennes aux États-Unis. Ceux-ci se plaignent que le système de gestion de l’offre au Canada permet aux entreprises canadiennes d’engranger année après année des profits, un système qu’il qualifie de déloyal et de communiste. Ce privilège permet aux entreprises canadiennes d’être en meilleure position que leurs concurrents américains pour acheter des entreprises de transformation laitière en territoire américain. Les laiteries américaines contrairement aux laiteries canadiennes évoluent dans un marché beaucoup moins stable et moins profitable. Cette grogne risque de se traduire politiquement par des attaques sur notre système de gestion de l’offre.“

Garon écrivait quant à lui sur les coopératives dans ses mémoires Pour tout vous dire quelques propos qui permettent de douter du double-rôle qu’elles joueraient auprès des agriculteurs :“ La Coopérative Fédérée (…). Son discours était encore plus ambigu que celui de l’UPA. D’un côté, elle encensait le producteur indépendant, pierre d’assise de tout le mouvement, et de l’autre, en tant qu’entreprise de production agricole, elle réclamait que tous les producteurs coopératifs intégrés soient traités comme les producteurs indépendants (…). Pour elle, un producteur intégré par une coopérative n’est pas véritablement intégré parce que la coopérative lui appartient“

Comme dirait Garon, un grand sommet est nécessaire !

Jean Garon, ancien ministre de l’agriculture et chroniqueur à La Vie agricole écrivait dans ses mémoires l’importance d’organiser des grands sommets où tous les acteurs peuvent s’exprimer pour amener à des consensus. Rares sont les ministres de l’agriculture qui ont marché dans ses pas. Il est très surprenant d’entendre aujourd’hui l’ex-président de l’UPA, Jacques Proulx, vu par Jean Garon comme l’un des acteurs traitres* envers les agriculteurs  reprendre une idée “garonienne“ pour une grande messe sur l’agriculture. ( détail à venir dans l'entrevue de Jacques Proulx à paraitre en novembre)

Si aujourd’hui elle en aurait bien besoin, l’industrie laitière a eu sa conférence réunissant tous les acteurs du secteur sous la gouverne de Jean Garon en mars 1980 à Rimouski. Jean Garon écrivait d’ailleurs dans ses mémoires :

“ L’industrie laitière (…) avait besoin d’une conférence de haut niveau pour examiner ses forces et ses faiblesses et tracer la voie de son développement pour les années 1980. (…) Les enjeux étaient celui du maintien de la place du Québec dans l’ensemble canadien face aux pressions des autres provinces pour accroître leurs parts de marché et surtout, celui de la valorisation de nos immenses ressources en lait de transformation. (…) Il faut dire que les usines de beurre et de poudre étaient surtout coopératives et celles qui produisaient du fromage, plus souvent privées. Même si les coopératives faisaient d’immenses surplus de beurre qui ne se vendaient pas, le mot d’ordre était; “Touche pas à mon lait!“. Le problème ne s’est pas réglé du jour au lendemain mais la conférence a certainement contribué au rapprochement des parties et à la mise en place, quelques années plus tard, d’un régime plus rationnel de gestion des approvisionnements des usines de transformation et à terme, à la fusion des “deux laits“.“

 

*voir p.199 du chapitre : Une espèce menacée : la ferme familiale indépendante dans ses mémoires Pour tout vous dire (coédition La Vie agricole/VLB)

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