Il n’y a pas un jour qui se passe sur la planète sans que les médias nous rapportent les nombreuses difficultés auxquelles font face les milieux agricoles et agroalimentaires. L’exemple le plus frappant est celui de la France où, malgré les milliards de dollars investis et les réformes effectuées par le gouvernement au cours de la dernière année, on ne réussit pas à tarir la colère des agriculteurs. Surprenante situation puisque plusieurs amateurs de la pensée magique croient qu’en injectant de l’argent un gouvernement peut tout régler. Le malaise est plus profond et, à l’instar des autres pays, nous y sommes confrontés.
Le milieu agricole français vit notamment des problématiques de rentabilité de leurs exploitations comparables à celles de plusieurs producteurs québécois. Les causes de cette situation sont certes liées à l’accroissement de la concurrence étrangère en raison de la signature d’accords internationaux. Mais il y a également les coûts d’exploitation inférieurs chez les concurrents, l’incapacité des agriculteurs surendettés d’investir des sommes pour moderniser leur équipement de production, l’obligation de se conformer aux normes environnementales plus strictes au Québec et au Canada comparativement à nos voisins du Sud, de l’Europe ou des onze partenaires du Transpacifique.
Aux difficultés financières s’ajoutent également la problématique liée aux changements climatiques et à la variation des températures ainsi que celle de générer des conditions favorables et propices pour que la relève agricole soit susceptible de poursuivre le travail amorcé par les aïeuls.
Revenir à une forme plus simplifiée du mode de production
Ces difficultés des milieux agricoles et agroalimentaires, elles ne datent pas d’hier et se sont amplifiées au fil des ans. Chez nous, on n’a qu’à penser à la baisse marquée du nombre de nos fermes laitières en l’espace de vingt ans seulement. Les difficultés sont nombreuses et elles représentent un défi de taille qui exige de la part d’un gouvernement de l’écoute, de la détermination et de la volonté à transformer rapidement ces milieux. L’intervention gouvernementale de ces dernières années a considérablement complexifié les conditions de production des agriculteurs; il faudrait revenir à une forme plus simplifiée du mode de production.
Les événements qui se passent actuellement en Europe démontrent que le statu quo du milieu agricole tel qu’on l’a connu n’est plus possible. Deux raisons m’incitent à croire que le statu quo n’est plus envisageable.
Le milieu des affaires (incluant l’agriculture et l’agroalimentaire) évolue rapidement et les façons de faire et de développer son entreprise et son marché changent rapidement. Pensons au phénomène récent de l’économie collaborative qui repose sur de nouvelles formes d'organisation du travail. Ce type d'économie s'inscrit dans une mouvance de défiance des acteurs institutionnels du système traditionnel, de crise économique, mais aussi d'éthique environnementale. Le Québec et le Canada ne pourront y échapper. À titre d’exemple, de nombreux acériculteurs remettent en question le mode de commercialisation de leur fédération et souhaiteraient procéder eux-mêmes à la mise en marché de leurs produits en utilisant les nouvelles technologies. Le phénomène de l’ubérisation – basé sur l'utilisation de plateformes technologiques permettant à des professionnels et à des clients de se mettre en contact direct, de manière quasi instantanée – touchera, à terme, tous les secteurs économiques, incluant les productions agricoles et agroalimentaire.
UPA, Union paysanne et CEA : leurs visions sont-elles si différentes ?
Au Québec, trois visions de développement agricole s’affrontent : celle de l’UPA, celle de l’Union paysanne et celle du Conseil des Entrepreneurs agricoles. À première vue, elles apparaissent tellement différentes, mais, à y regarder de près à l’échelle planétaire, le sont-elles vraiment?
Demain, nous serons confrontés à l’entrée en vigueur de partenariats commerciaux conclus avec la Communauté européenne ou des onze autres pays membres du Partenariat transpacifique! Sommes-nous prêts à y faire face et comment s’inscrirons-nous dans cette mouvance?
Les enjeux auxquels nos producteurs feront face dans le contexte de ces accords nécessitent une réflexion sur l’organisation du travail, sur la commercialisation, mais également sur l’obligation d’association. Notre société et bien évidemment le milieu agricole doivent être ouverts à en discuter, sans toutefois, perdre de vue que l’union de toutes les forces vives du milieu est préférable à une division qui profitera uniquement à nos concurrents.
Toutes les parties en présence – gouvernements, associations, fédérations, unions syndicales, producteurs et entreprises de transformation – ne peuvent plus compter ni penser sur les acquis de la génération précédente et sur l’intervention gouvernementale pour remédier à leurs problèmes.
Il m’apparaît judicieux de se regrouper, le plus tôt possible, autour d’une vision de développement partagée par toutes les trois mouvances en présence et basée sur l’ouverture de pensée, le dialogue, la diversité, la liberté, l’innovation et le développement durable. Ces valeurs ne peuvent être l’apanage d’un seul groupe ou d’une seule mouvance; elles doivent nous souder plutôt que nous diviser.
L’avenir de notre agriculture, de nos producteurs et de leur famille en dépend largement, mais également l’avenir de nos régions et de nos territoires ruraux.