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Exclusif: Marine Le Pen en toute liberté !

Alors que tous les leaders politiques du Québec et du Canada ont refusé de rencontrer Marine Le Pen, présidente du Front national (mouvement d’extrême droite défenseur d’une totale souveraineté française Outre-Atlantique), celle-ci a largement profité de sa semaine au Québec pour rencontrer de nombreux médias, faire valoir son option et critiquer les politiciens québécois et canadiens qu’elle voit évoluer “ dans un monde de bisounours*“ dit-elle. Le 24 mars dernier, elle recevait La Vie agricole, au 37e étage du Centre Sheraton à Montréal. Nous étions ainsi la seule publication spécialisée au Québec sur les enjeux économiques et politiques en agriculture à entendre Marine Le Pen.

 

“ Je suis contre le libre-échange“

C’est en feuilletant notre journal du mois de mars, avec l’ancien Premier ministre du Québec Jean Charest à la Une, que Marine Le Pen s’est d’emblée exprimée sur le libre-échange : “Je suis opposée par principe au libre-échange car il remet en cause certains principes démocratiques auxquels je suis attachée. Je n’admets pas que des multinationales puissent faire condamner des États! “ dit-elle.

“Pour l’anecdote, j’étais hier en rencontre avec Pierre-Marc Johnson, le négociateur en chef pour les ententes de libre-échange Canada-Europe, qui pense que ceux qui sont contre le libre-échange s’informent juste sur twitter. Je lui ai répondu: on nous a déjà fait le coup avec la Commission européenne quand on nous a dit que le peuple n’était pas susceptible de comprendre. Il s’est saisi de la Constitution européenne, il a parfaitement compris ce qu’il y avait dedans et il a dit non !“ nous a-t-elle précisé, rappelant l’époque du traité de Maastricht en 1992 où la population française s’est divisée sur la constitution de l’Europe.

“Les ententes de libre-échange sont une folie“

Quand nous lui rappelons que Jean Charest voit des aspects très positifs au libre-échange qui permettra à terme un accès à 70 % de l’économie mondiale, elle rétorque : “Ça n’a pas de sens. Les nations ont toujours commercé même avant les accords de libre-échange. La multiplication des ententes de libre-échange est une folie pour créer un marché mondial unique. Plus nous en signons, plus notre économie va mal ! Moins il y a de croissance et plus des secteurs essentiels à notre bien-être, à notre souveraineté, à notre indépendance disparaissent“

Sa crainte: l’immigration !

Concernant la position de Jean Charest lorsqu’il explique que l’essentiel est de s’assurer de l’harmonisation des normes entre les différents pays impliqués, elle juge : “ Ils savent bien que ce n’est pas possible. Ce sont des idéologues. Et en même temps que le libre-échange on a l’immigration“

Marine Le Pen se lance ensuite dans une explication politique des totalitarismes qui s’imposent selon les siècles : “ Au 20e siècle, on a vécu deux totalitarismes, le nazisme et le communisme. Au 21e siècle, on a l’islamisme, le totalitarisme du “tout religieux“ et le mondialisme qui est le totalitarisme du “tout commerce“. La mondialisation, elle, a démarré depuis que l’Homme est Homme, depuis qu’il a traversé la rivière pour échanger une peau de bête contre une poignée de baies. Le mondialisme c’est l’idée que le commerce est l’alpha et l’oméga **de tout fonctionnement humain et que rien ne doit être fait pour mettre le moindre obstacle à cette loi du commerce qui doit être toute puissante“ .

Pas la faute des migrants, mais une responsabilité politique face au terrorisme !

Sur l’immigration, alors que nous lui rappelons que la situation européenne doit être analysée différemment de celle du Canada, notamment en raison du modèle d’immigration choisie qui prévaut au Canada, Marine Le Pen répond : “ Il y a un phénomène différent qui est géographique mais aussi parce que vous avez des frontières et on n’en a pas. Maintenant si on accueille 25 000 personnes est-ce qu’on peut encore parler d’immigration choisie ? Je suis pas sûre“. Elle rappellera au cours de l’entretien que des menaces spécifiques existent liées à l’infiltration de terroristes parmi les migrants. On sent alors que sur ce thème, elle ne peut pas complètement renier l’image de dureté qu’elle et son parti se sont forgés. “ L’immigration se fait sur un modèle communautariste qui est le terreau du fondamentalisme islamiste. Il ne s’agit pas de mettre la faute sur les migrants, ça n’aurait pas de sens. Ils n’y sont pour rien mais quand on est un responsable politique, il faut tenir compte des différentes formes de menaces et, risquer de laisser venir un terroriste parmi les migrants serait irresponsable“.  Elle nous répétera que combattre l’islamisme radical n’est pas faire preuve d’islamophobie. “ Chaque fois que l’on combat le fondamentalisme islamiste, on vous répond islamophobe. Je ne vois pas le rapport moi. Je ne combats pas des musulmans, je combats le fondamentalisme islamiste. Mais ils ont tout mis dans le même sac et ils ont interdit la réaction nécessaire“

L’immigration au profit de l’économie

La conclusion de Marine Le Pen est que les pays qui ouvrent actuellement leurs frontières aux migrants ne le font que par intérêt économique : “Le Canada a peut-être des règles pour le salaire minimum contrairement à l’Allemagne, mais le principe est le même. Ces pays veulent de la nouvelle main-d’œuvre au salaire minimum“.

“Trudeau n’est pas un humaniste !“

“Est-ce que vous pensez que M.Trudeau a accepté les migrants par élan humaniste ? Moi, je ne le crois pas. Il s’agit là comme l’a fait Mme Merkel de trouver de la chair fraîche et de la main-d’œuvre à bas coût qui va viser à faire peser à la baisse les salaires pour acquérir un surcroît de leur fameuse compétitivité ! Ils ont une utilisation économique de l’immigration!“,  nous confie Marine Le Pen.

“Complètement en faveur du retour des quotas laitiers en France“

Sur la crise agricole en France, elle nous dira : “ Je suis bien sûr pour le retour des quotas laitiers. On voit bien que la tendance naturelle des instances qui nous dirigent est de lutter contre toute régulation à cause de cette croyance folle dans la loi du marché. Quand il s’agit d’un secteur économique essentiel à l’équilibre de mon pays, à sa souveraineté et à sa sécurité alimentaire je n’ai aucun problème à ce que l’État est un rôle de régulateur, d’arbitre. Ça ne me pose aucun souci. Et c’est d’ailleurs ce que les gens veulent!“

“C’est un choix de société derrière ça ! Qu’est-ce qu’on mange ? Où met-on le niveau de sécurité alimentaire ? Est-ce qu’on retire ces choix aux peuples ? C’est anti-démocratique et dévastateur. L’agriculture française est en voie de disparition. Les accords qui sont négociés en ce moment marqueront la fin de l’élevage, du moins des filières. On est confronté à une classe politique d’une hypocrisie absolument inouïe. Je les ai vues les politiciens actuels aller taper le cul des vaches au salon de l’agriculture à Paris alors que deux jours avant, ils votaient l’ouverture des négociations avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande alors que ce sont des géants face auxquels on ne peut pas tenir“, dit-elle.

“Des syndicats complices de la situation“

Et elle nous expliquera en quoi les syndicats agricoles sont complices de la situation malgré la situation de pluralisme  syndical agricole en France : “ Je suis plutôt pour la liberté syndicale, mais en France le principal syndicat (FNSEA) est la courroie de transmission du gouvernement. C’est le syndicat institutionnel qui a accompagné tout ce qui a tué les agriculteurs et les a mis dans la situation où ils sont. Le patron de la FNSEA, Beulin, accompagne le processus de dérégulation et de mondialisation. Ici, il y a des choses intéressantes. Par exemple, en France on a travaillé sur l’un de vos modèles, la filière lait et sur la tripartisation des contrats distribution/transformation/production. Car il faut savoir qu’en Europe on est volé par la grande distribution. Elle a tous les pouvoirs car les gouvernements ne veulent pas les ramener dans leurs 22 mètres**. Le producteur est assis sur un tabouret avec la corde au cou. La corde c’est le libre-échange et le tabouret les subventions dont on scie les pieds chaque année un peu plus“ déclare-t-elle.

Le Front national proche du monde rural et pour une sortie de l’Europe

“Vous savez, on a fait des cartons dans la ruralité. On y explose des records parce que les paysans qui croyaient encore il y a quelques années que la Commission européenne pouvait les aider savent maintenant que ce n’est pas le cas“.  

Si Marine Le Pen prend un jour le pouvoir en France, elle veut abandonner la politique agricole commune européenne pour une politique agricole française. “ Il y a 4 ans, je disais déjà le discours actuel de la Grande-Bretagne. Si je suis élue à la présidence, on engage un processus de négociation sur six mois et on va négocier 4 éléments essentiels de notre souveraineté.  Soit on nous les rend et on peut rester dans cette nouvelle version européenne, soit on ne nous les rend pas et on demandera aux Français de sortir de l’Union européenne. Je vais demander 4 éléments : le législatif, la monnaie, l’économie et la territorialité.Un pays! Je ne céderai pas comme a fait la Grèce. Mais L’Europe peut-elle redonner à la France son indépendance ?, dit-elle. C’est comme si on voulait intégrer le droit à la propriété privée, le pluralisme politique, la liberté de la presse dans l’Union soviétique, ce ne serait plus L’URSS ! “

“Péladeau subit du terrorisme intellectuel“

Plusieurs éléments du Front national et du parti québécois ont une proximité de par leur souci commun à défendre une souveraineté nationale sur le plan alimentaire, d’où l’étonnement de Marine Le Pen de  ne pas avoir réussi à rencontrer Pierre-Karl Péladeau. Elle ne comprend pas bien ce rejet : “ J’ai l’impression de voir ce que je voyais en France il y a 20 ans : du terrorisme intellectuel ! On essaye de me discréditer et de me traiter de raciste. Pourtant il m’apparaît qu’on se rejoint sur plusieurs points avec le Parti Québécois : la souveraineté, la défense de la francophonie et du français. Ils ont peur d’être diabolisés et se soumettent à la pression médiatique. Mais vous avez vu Péladeau, il avance un truc, il se retrouve face au mur au lieu de tenir bon, il recule toujours. C’est comme ça qu’ils ont maîtrisés L’UMP*** en France pendant des années, c’est un choix“.

Le passé sulfureux de son père ?

Quand nous tentons d’expliquer l’attitude de Pierre-Karl Péladeau et des autres politiciens en lien possiblement avec le passé sulfureux de son père, elle dira : “ Ça a servi de véhicule depuis 30 ans, mais un type comme M. Péladeau devrait être le premier à dire, Jean-Marie Le Pen c’est Jean-Marie Le Pen mais en l’occurrence il y a eu une rupture extrêmement claire avec sa fille. Il n’a aucune raison de ne pas engager la discussion avec le premier parti de France! Il y a une forme de manque de courage. On ne peut pas être un dirigeant politique d’avenir si on est pas capable de tenir face à une forme de terrorisme intellectuel comme ça ! “

“Je reconnaîtrai la souveraineté et rencontrerai avec plaisir M.Péladeau!“

Quand nous évoquons de Gaulle qui du balcon de la mairie de Montréal avait lancé le  célèbre “ Vive le Québec libre“ et que nous lui demandons si elle ferait la même chose, elle répond :“ Il s’est fait sacrément mal recevoir. Je ne voudrai pas donner le sentiment de copier de Gaulle, même s’il a été traité à peu près de la même manière que moi par les élites politiques et médiatiques quand il est venu au Québec. Ce qui est sûr c’est que si demain les  Québécois par l’intermédiaire d’un référendum votent pour leur souveraineté je reconnaîtrai la souveraineté du Québec si je suis en situation de le faire !“

“Non je ne l’ai pas rencontré ( évoquant Pierre-Karl Péladeau)  ni ici, ni avant en France, mais je le ferai avec plaisir. Il a la chance d’avoir le premier parti de France qui soutient la souveraineté. C’est un peu dommage d’insulter l’avenir de traiter la présidente du Front avec mépris comme une paria parce que je pense que demain si le succès couronne nos entreprises respectives, il y a de grandes choses à faire !“

Le choix des élites rejeté par les peuples !

Marine Le Pen nous a confié qu’elle sera comme nous nous en doutions de la prochaine course à la présidence de la République française en 2017 : “ Je ne connais pas le résultat de 2017, mais je sais que le Front national sera au pouvoir avant dix ans. Le monde a des choix à faire et le choix du modèle imposé par les élites sera rejeté par les peuples“.

On lui a demandé comment elle allait alors “ dealer“ sa personnalité internationale si elle se retrouve à l'Élysée, si personne ne veut la voir : “ Il se peut que la tonalité soit légèrement différente. Ils auront alors une justification : elle est élue, on peut pas faire autrement même si au fond d’eux il se disent, elle dit ce que nous on aimerait bien pouvoir dire mais qu’on pense tout bas. . Il y a des points communs notamment autour de la francophonie entre le Québec et la France. On doit créer une dynamique économique autour des pays francophones. On doit être les interlocuteurs naturels des pays francophones d’Afrique. Il faut avoir du courage. On ne peut pas considérer que 30 % des Français sont des xénophobes. La démocratie nécessite des débats et des rencontres“ a-t-elle conclu.

Elle ajoutera en ramassant ses documents pour se préparer pour son départ pour Saint-Pierre et Miquelon, archipel français d’Amérique du Nord quelques heures après : “ Vous avez bien fait de venir à Montréal me rencontrer. À Québec on a été empêché de s’exprimer par quelques bolchos****“.

Peut-être une provocation de plus de la part de la présidente du Front national qui pourtant par certaines de ses propositions politiques puisent dans des valeurs liées à l’extrême gauche ? Une chose est sûre Marine Le Pen se veut la représentante de l’anti-système !

Un retour au Québec à la rencontre des producteurs agricoles ?

Marine Le Pen, célèbre figure du nationalisme en France, souvent critiquée sur son propre terrain pour des propos d’extrême-droite qu’elle a évoqué ou soutenu tout au long de sa carrière a tenté de promouvoir la semaine dernière son image internationale en venant au Québec, porte d’entrée de l’Amérique du Nord. Elle n’a pas été rencontrée par les élites politiques, a subi la pression des manifestants dans plusieurs lieux, mais a trouvé de nombreuses tribunes médiatiques où elle a tenté de faire valoir ses arguments. Elle est repartie mercredi dernier avec la conviction que le Québec et la France ont de nombreux points en commun notamment dans la défense de sa spécificité sur le plan agricole et elle s’est promise de revenir au Québec à la rencontre des producteurs agricoles.

 

 

Bisounours : Les Bisounours, ou les Calinours au Québec, the Care Bears en anglais, sont une ligne américaine de jouets en peluche populaires dans les années 1980 qui évoluaient dans les dessins animés dans un monde où “tout le monde est beau, tout le monde est gentil“ dixit Marine Le Pen
Alpha et Oméga : intégralité.
Se faire renvoyer dans les 22 mètres : expression qui vient du rugby où la ligne des 22 mètres est la dernière avant les buts.
UMP : L'Union pour un mouvement populaire  est un ancien parti politique français de droite, actif de 2002 à 2015, date à laquelle il est renommé Les Républicains dont le président est l’ancien président Nicolas Sarkozy
Bolchos : Abréviation de bolchevique, communiste russe maximaliste – Les bolcheviques sont les membres d'une fraction du Parti ouvrier social-démocrate de Russie, créée en 1903 sous la direction de Lénine, devenue un parti indépendant en 1912. La bolchévisation a marqué la prise en main complète des partis nationaux par Moscou, et a été le prétexte à de nombreuses exclusions.

 

 

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