Les faits et gestes de l’Union des producteurs agricoles (UPA) au cours des derniers mois sont des plus néfastes pour l’agriculture du Québec et nous mènent directement vers le chaos. Comme producteur actif et président du Conseil des entrepreneurs agricoles, je suis profondément préoccupé par l’avenir de l’agriculture québécoise et par celui de nos fermes.
Faire preuve d’innovation, d’ouverture et d’entrepreneuriat est aujourd’hui la voie à privilégier pour s’adapter à des marchés de plus en plus diversifiés, ainsi qu’à des consommateurs de plus en plus exigeants. Toutefois, le syndicat unique accrédité de l’UPA privilégie une tout autre approche : celle de l’isolement, du dénigrement, des dénonciations publiques et des menaces judiciaires.
Plus que jamais, tous ceux qui osent remettre en question l’orientation syndicale unique de l’UPA sont nécessairement des ennemis qualifiés de méprisants : les associations d’entrepreneurs agricoles comme la nôtre, les spécialistes externes, les ministres et même ses propres agriculteurs membres jugés subversifs.
Les nombreux écarts de l’UPA sont le résultat direct du pouvoir extrême accordé par la Loi sur les producteurs agricoles qui oblige tous les agriculteurs québécois à financer les opérations syndicales, même si elles sont contraires aux besoins de leur ferme.
Aujourd’hui, l’UPA et ses syndicats affiliés n’hésitent pas à poursuivre un agriculteur plutôt que de le défendre lorsque celui-ci se sent lésé. Ils utilisent également les organismes gouvernementaux et brandissent la menace de faire perdre aux agriculteurs l’accès à des programmes financiers du gouvernement du Québec pourtant essentiels à leur viabilité. On est loin du rôle normal d’un syndicat! Pour les agriculteurs, aucun droit de grief et aucune alternative!
Cette stratégie syndicale dominante s’additionne à un discours tronqué qui entretient les mythes et les craintes chez les producteurs agricoles, pour accroître leur captivité envers l’UPA. La barrière de la langue sépare bon nombre d’agriculteurs du Québec de leurs confrères des autres provinces canadiennes.
Le président de l’UPA, qui est également deuxième vice-président de la Fédération canadienne de l’agriculture, sait pourtant très bien que la gestion de l’offre (lait, œufs, volaille) est un système pancanadien pleinement fonctionnel dans toutes les provinces du Canada. Son maintien n’a donc rien à voir avec la présence d’un syndicat unique accrédité au Québec puisque l’on retrouve plusieurs syndicats reconnus dans chacune des autres provinces.
Les plans conjoints et la mise en marché collective dans certaines productions ne sont pas non plus la panacée du Québec et de l’UPA. Il en existe dans les autres provinces canadiennes et même dans d’autres pays. Pourtant, le monopole syndical n’existe qu’au Québec, nulle part ailleurs dans le monde occidental on ne retrouve une telle aberration. La gestion des plans conjoints n’a pas à être sous l’emprise d’un syndicat unique !
Si l’agriculture du Québec est l’une des plus performantes du Canada, comment se fait-il par exemple que les producteurs horticoles québécois soulignent sans cesse qu’ils prennent du retard vis-à-vis la production horticole ontarienne, leur principale compétitrice ?
L’Ouest canadien et l’Ontario sont par ailleurs les berceaux du secteur céréalier au Canada. Le Québec suit loin derrière!
Sauver la structure corporative avant tout !
Sous le discours de l’UPA se cache donc un autre objectif que celui de l’intérêt des agriculteurs et du développement de l’agriculture : l’objectif du syndicat unique qui souhaite conserver son contrôle des cotisations et de sa structure corporative!
L’appui sans réserve de l’UPA au projet de loi déposé par le Parti québécois pour retirer aux agriculteurs d’ici le droit d’acheter et de vendre librement des terres agricoles est l’exemple le plus récent. À titre de personne intéressée au sens de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, l’UPA sait très bien qu’en octroyant à la Commission de protection du territoire agricole le pouvoir d’encadrer les transactions de terres, elle obtient par le fait même le contrôle tant souhaité sur le foncier agricole québécois
En associant le concept de l’intérêt général des agriculteurs à l’unique intérêt corporatif de l’UPA, tout en galvaudant la notion d’actions collectives qui sont pourtant aussi observées ailleurs dans un contexte de pluralisme syndical, l’UPA démontre que son avenir corporatif le préoccupe beaucoup plus que celui de l’agriculture québécoise.
Pas étonnant d’ailleurs que ses principaux dirigeants désirent que tous les débats en agriculture n’aient lieu qu’au sein de l’UPA, afin que la vision unique demeure soumise à un contrôle extrême. La réalité, c’est qu’à vouloir nous isoler en maintenant un dôme étanche sur notre agriculture, on finit nécessairement par manquer d’air. L’agriculture du Québec en arrive à ce point.
Devant tant de fermeture, il est temps de se dire la vérité entre entrepreneurs agricoles québécois. Ne pas remettre en question le système agricole en place et son modèle de syndicat unique accrédité équivaut à accepter la stagnation de notre agriculture.
Voilà pourquoi une association comme la nôtre est non seulement légitime, mais elle mérite pleinement une reconnaissance officielle ainsi que le soutien financier qui doit nous être fourni par la Loi sur les producteurs agricoles du Québec, tout comme en bénéficie actuellement l’association unique accréditée de l’UPA.
Jacques Cartier, président du Conseil des entrepreneurs agricoles (CEA)