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Sherlock Holmes à l’étable

Il est une qualité parmi les nombreux talents des producteurs agricoles qui mérite d’être soulignée. C’est leur sens inné de l’observation et leur potentiel d’être d’excellents détectives.Depuis quelques temps, Jean a remarqué que ses vaches, même après un vêlage sans histoire, perdent l’appétit au bout de trois jours. Leur production de lait en début de lactation en souffre évidemment. Pourtant, avant le vêlage, la consommation de fourrages en balles rondes est étonnamment élevée chez ses vaches taries. Fait inhabituel chez celles-ci, la texture du fumier est foncée, grumeleuse et molle. « On dirait de l’acidose, se dit-il ».

Les coupables habituels sont d’abord suspectés : des vaches grasses, des mycotoxines, une mauvaise qualité de l’eau, un distributeur de concentrés mal calibré, etc…  Mais, déjà, un doute s’installe dans son esprit. Se pourrait-il que les nouvelles balles rondes soient en cause? Pourtant, l’enrobage est de qualité, la conservation est excellente et la valeur alimentaire élevée.

Prenant en exemple la balle qu’il vient d’entamer, Jean déroule un pan du fourrage demi-sec riche en luzerne. Et voilà, sous ses yeux, l’explication qui semble d’une évidence presque déconcertante. Ce fourrage est bel et bien le suspect numéro un! En fait,  c’est un mélange de tiges grossières et rigides et de feuilles de luzerne réduites en farine, que Jean prend à pleine poignée dans sa main.

Grâce à son intuition, le producteur a porté son attention sur la cause directe de son problème. Les vaches évitent d’abord les tiges pour ne manger que la farine de feuilles, triant avec énergie ce fourrage pourtant d’excellente qualité sur papier. Il n’en faut pas plus pour créer une situation parfaite d’acidose sous-clinique, même si seulement 3-4 kg de concentrés complètent la ration des vaches en préparation au vêlage.

Les feuilles de luzerne se digèrent presqu’au même rythme que les concentrés dans le rumen. Cela stimule la consommation des vaches taries au-delà des attentes du producteur, qui n’en finit plus de servir des fourrages et de ramasser des refus de tiges. Qui dit digestion rapide, dit production élevée d’acide et baisse du pH ruminal, avec ramollissement des fumiers et quantité de fibres non digérées.

Finalement, après le vêlage, lorsque l’appétit remonte naturellement, et que plus de fourrages et de concentrés sont servis, le rumen envoie un message clair : Trop d’acidité ralentit la cadence de digestion des microorganismes, diminue l’appétit. Il en résulte un rumen visiblement moins rempli et l’apparition de rougeurs aux dessus des sabots.

Quelques leçons à tirer de cette investigation 

D’abord, tous les modes de conservation et de distribution ne conviennent pas à tous les types de fourrages. Jean s’est empressé de servir un fourrage différent, plus humide et plus riche en graminées. La texture du fumier des vaches s’est corrigée après quelques jours.

Ensuite, faites confiance à votre sens de l’observation et communiquez vos impressions à vos conseillers.

Finalement, plus d’une cause peut être responsable de la  situation observée. Malgré cela, il faut revenir à l’essence même de la vache laitière et ne pas oublier que les explications les plus simples se trouvent sous nos yeux. Élémentaire, mon cher Watson! 

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