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Pour une agriculture qui nous ressemble

J’ai accepté de collaborer à l’Institut Jean-Garon pour rendre hommage à Jean Garon, bien sûr, mais aussi et surtout parce que je partage avec lui sa vision de l’agriculture et du Québec agroalimentaire

L’agriculture est le premier et le plus important des grands changements qui ont marqué l’histoire de l’humanité. Les analystes contemporains accordent beaucoup d’attention aux technologies et innovations qui font basculer nos façons de faire et transforment en profondeur notre quotidien. L’heure est à la discussion et au débat ! Il est grand temps de réunir les deux solitudes : producteurs et consommateurs !

L’innovation est de tous les temps !

L’histoire montre que la première et sans doute la plus importante de ces innovations de rupture est celle qui a transformé nos ancêtres, chasseurs-cueilleurs nomades, en agriculteurs sédentaires qui ont appris graduellement à contrôler la nature et à la modifier.

Ce faisant, nos ancêtres ont dû réinventer leurs façons de vivre. C’est avec l’agriculture que, pour l’humanité, la civilisation telle que nous la connaissons s’est implantée. Avec l’apparition de l’agriculture, les campements se sont faits permanents. On a fait reculer la forêt, construit des ouvrages d’irrigation, et bâti des structures durables. Disposant d’une nourriture plus abondante, la population a augmenté, et s’est  organisée en villages. Les besoins  de ces collectivités plus complexes ont aussi favorisé la mise en place de structures hiérarchisées et l’émergence de lieux de pouvoir. La nécessité de maîtriser des techniques de plus en plus sophistiquées a favorisé une meilleure spécialisation des tâches.  La division du travail et les difficultés inhérentes au troc ont favorisé l’essor de la monnaie. Tout comme les échanges commerciaux ont provoqué l’apparition des premiers caractères cunéiformes. Et ainsi de suite. Nous vivons dans un univers qui a largement été façonné par l’agriculture.

L’agriculture, un secteur toujours au centre de préoccupations majeures

D’autres secteurs sont apparus ou se sont graduellement affirmés depuis l’époque où nos ancêtres ont choisi la sédentarité et l’agriculture. Pensons aux secteurs manufacturiers, aux transports maritimes et aériens, au  développement  d’outils économiques et financiers,  aux progrès de la médecine, des communications et du transport. Mais l’agriculture reste toujours au centre d’enjeux majeurs qui touchent directement chacun d’entre nous. Source de notre nourriture et responsable de notre sécurité alimentaire, elle est aussi une partie importante de notre système de santé. Partie intégrante de notre patrimoine, ses valeurs ont profondément coloré notre culture. Source majeure d’emplois et de richesse, elle est essentielle à l’occupation du territoire et au développement des régions. Elle est aussi la gardienne privilégiée de notre environnement et doit respecter les exigences du développement durable.

L’agroalimentaire vit dans la turbulence

Conséquence de son rôle névralgique, le secteur agroalimentaire est secoué au quotidien par de multiples courants souvent incohérents ou franchement contradictoires. Les économistes classiques lui conseillent de privilégier la voie de la productivité, des économies d’échelle et de la compétitivité. D’autres, qui s’appuient sur la multiplicité de ses rôles, plaident pour l’exception agricole et une approche économique qui intègre aussi d’autres impératifs.Plusieurs prônent  la souveraineté alimentaire. Mais les centres de décision qui affectent l’agroalimentaire québécois sont très souvent logés ailleurs et obéissent à des accords de commerce, des marchés mondiaux  ou des considérations géopolitiques.Plusieurs ont un préjugé favorable aux petites fermes et se méfient d’entreprises à plus grand volume qui sont souvent les seules à pouvoir garantir la qualité, la quantité et le prix des denrées de base.

Une gouvernance qui confie l’intérêt public à des intérêts particuliers !

On érige la ferme familiale en modèle, mais sans trop la définir. Nos politiques ont un peu de mal à configurer un système où les artisans offrant des produits de niche peuvent confortablement coexister avec des producteurs spécialisés. Et comment devrions-nous encadrer tous ces lieux de gouvernance qui confient l’intérêt public à des personnes ou organisations dont les intérêts particuliers sont évidents ?

 Des débats qui doivent s’asseoir à la même table

Ces questions qui interpellent tous les Québécois n’occupent pourtant pas dans le débat public toute la place qui devrait leur appartenir. Parce qu’ils sont complexes et que les non-initiés n’en mesurent pas toutes les dimensions, les citoyens-consommateurs parlent souvent haut et fort, mais sans trop connaître le contenu des « boîtes  noires » qui régissent les conditions d’exercice de la profession agricole. Et sans doute parce que les citoyens-consommateurs n’y connaissent pas grand-chose, les agriculteurs et les acteurs spécialisés ont, pour leur part, nettement tendance à régler entre eux, loin des débats publics, les principaux problèmes qui les affectent. Il faut rapprocher ces deux solitudes et leur donner les moyens d’entretenir un dialogue durable.

Travailler ensemble grâce à l’Institut Jean-Garon

J’ai consacré beaucoup de temps et de passion à réfléchir sur l’avenir de l’agriculture. L’agriculture a façonné histoire et porte plusieurs de nos enjeux sociaux les plus essentiels. Il faut, pour la guider vers les bons choix, forger entre les Québécois les consensus nécessaires. Ce qui ne peut se faire que par de larges débats.  La création de l’Institut Jean-Garon répond à un besoin de fond. Sa mission est ambitieuse et interpelle tous les Québécois qui veulent contribuer à définir pour l’agriculture un projet de société qui leur ressemble.

Ma participation aux travaux de l’institut veut simplement, dans toute la mesure de mon possible, les appuyer et les aider. Les objectifs de l’institut et le nom de Jean Garon ont déjà créé une dynamique très positive, encouragé le soutien explicite d’un groupe imposant de parrains d’honneur.et la contribution financière d’un éventail d’amis fondateurs qui ne cesse d’augmenter.

Ce dont je suis très fier.

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