La Vie agricole dévoilera le 9 novembre prochain à Québec, le livre dont nous vous parlons depuis des mois sur la gestion de l’offre et l’industrie laitière. Tout en présentant les bienfaits de la gestion de l’offre, ce livre sera aussi une présentation des travers qu’elle a suscités au cours des dernières années en raison de sa gestion dont plusieurs aspects sont discutables. Ce livre est le résultat d’un travail collectif de notre équipe : Simon Bégin, ancien attaché politique de Jean Garon, Yan Turmine, agronome et chroniqueur et Yannick Patelli, éditeur.
La préface sera signée par le nouveau président de l’Institut Jean-Garon, Jean Pronovost. C’est aussi cet automne que ce nouvel organisme, créé en 2016 pour réfléchir à un Québec agricole moderne, inspiré des principes qui animaient le célèbre ministre de l’Agriculture Jean Garon, dévoilera sa mission et les nombreuses personnalités du Québec qui ont accepté de devenir parrains et marraines d’honneur de cette nouvelle organisation.Sur la photo : On peut apercevoir les trois auteurs, Simon Bégin, Yann Turmine et Yannick Patelli- Ci-joint également la page couverture du livre et des extraits en exclusivité. Le livre sera en vente dès le 9 novembre prochain dans toutes les librairies du Québec.
Quelques extraits:
La fin du vrai lait
Nous risquons de briser bien des illusions dans ce livre, notamment celles des consommateurs qui croient que le lait qu’ils boivent provient directement de la vache et que le yogourt et le fromage qu’ils mangent sont fabriqués à partir de lait qu’on dit « nature » parce que peu ou pas transformé. C’est faux. Sauf exception, les produits laitiers qui sortent des grandes usines de transformation sont en fait des produits reconstitués dans lesquels des substances laitières modifiées ont remplacé le « vrai lait » dans des proportions dont on ne sait plus aujourd’hui si elles sont adéquatement contrôlées.
Cette « artificialisation » du lait et des produits laitiers est en cours depuis des décennies partout dans le monde, portée par des avancées technologiques et le désir tout capitaliste des grandes entreprises de faire toujours plus de profits, même au détriment de la qualité, du goût et de la variété. La gestion de l’offre a permis aux producteurs d’obtenir de haute lutte, en 2007, l’imposition de normes très précises quant à la proportion des « substances laitières modifiées » qui entrent dans la composition de nos yogourts et fromages, mais ces normes sont bafouées par les importations massives de lait diafiltré américain.
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Une gestion de l’offre pervertie
Le triste constat est que la gestion de l’offre a largement perdu son âme, à travers l’évolution de la technologie et la complexification à outrance de ses
règles. Les choix technologiques ne sont jamais neutres. Ceux qui ont été faits dans l’industrie laitière au cours des trente dernières années ont été beaucoup plus en faveur des transformateurs, maîtres du jeu à ce chapitre, que des producteurs et des consommateurs. La gestion de l’offre avait pourtant été conçue pour garantir aux producteurs un revenu décent, et aux consommateurs, un approvisionnement stable en produits de qualité à un prix raisonnable. Force est de constater que les grands transformateurs ont imposé leurs desiderata à toute la filière lait, notamment par leurs choix technologiques, présentés comme inéluctables. Parallèlement, la gestion de la gestion de l’offre est devenue un monstre de complexité, un système kafkaïen dont peu de producteurs réussissent à comprendre toutes les règles. La technocratie a pris une ampleur à la mesure de cette enflure réglementaire.De fait, il y a aujourd’hui au siège social de l’UPA plus d’employés qui gèrent les « vraies affaires », dont la gestion de l’offre, qu’il n’y en a au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation. Cette bureaucratie est compétente, mais on peut se demander si ses intérêts coïncident toujours avec ceux des consommateurs et des producteurs – d’où le divorce de plus en plus apparent entre la base et le leadership syndical.
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D’ici à l’automne 2017, le Québec sera convoqué par étapes successives à un grand Sommet sur l’alimentation, devant déboucher sur une nouvelle politique bioalimentaire en 2018. Ce sera dix ans après le rapport de la commission Pronovost qui, pendant deux ans, a tourné et retourné toutes les pierres possibles de ce vaste domaine, et après bien d’autres livres blancs ou verts sur la question sans que tout cela ne se traduise sur le terrain en changements significatifs. Ce nouveau grand dialogue sur l’agriculture est sans doute nécessaire pour déterminer l’agriculture que le Québec veut se donner : une agriculture calquée sur le modèle de l’agrobusiness à l’américaine, une agriculture qui demeurerait régionale et familiale ou une agriculture qui se situerait quelque part entre les deux. Mais, comme le titrait déjà la Vie Agricole en mai 2015, « le feu est pris dans l’étable » ! Il est impossible d’imaginer que les producteurs laitiers en détresse attendront 2017 pour se faire entendre, et 2018 pour qu’on leur propose des solutions. Le temps presse, et la raison d’être de ce livre est essentiellement d’alerter l’opinion sur la crise en cours dans le plus important secteur de notre agriculture et, si possible, d’apporter une contribution au grand dialogue qui s’amorce.
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Un manque de transparence flagrant
Mais le plus grand problème avec cette entente, c’est son manque de transparence. On nous dit qu’elle est le fruit d’années de négociations entre les transformateurs et les producteurs, négociations avortées et reprises à maintes reprises. Ces discussions ont toujours été entourées de plus grand secret et, au moment d’écrire ces lignes, les textes signés en juillet étaient encore dévoilés à la pièce. Personne ne semble capable ou désireux d’expliquer simplement aux producteurs de la base les tenants et aboutissants de cet « accord historique ».
Tout cela est complexe : une nouvelle classe de lait en remplace une autre, mais pas complètement; les transformateurs s’occuperont des surplus à l’avenir, mais pas des milliers de tonnes que les producteurs ont déjà sur les bras; des usines seront modernisées mais lesquelles, quand et comment ? On ne le dit pas. Produire à plus bas prix, soit, mais pour vendre à qui donc, dans un marché mondial saturé ?