La Vie agricole a rencontré David Boissonneault pour parler de l'avenir du porc au Québec !
Yannick Patelli : Quel est l’avenir du porc au Québec ?
David Boissonneault : En général le défi est très très grand. 2014 a donné une bouffée d’air. Vous êtes au courant qu’avant 2014 on a été longtemps en difficulté. C’est là que beaucoup de producteurs nous ont quittés. 2014 nous a permis de diminuer la dette, mais pas de réinvestir. 2015 a été une année ordinaire. 2016, tous les producteurs étaient très encouragés. On s’en allait vers une année rentable. Et l’automne a été catastrophique. On avait cette information-là du risque de rupture d’équilibre avec les États-Unis. Pour 2017, les perspectives c’est que le marché de la viande devrait être au rendez-vous. La demande mondiale est bonne.
YP : Les tendances politiques avec l’arrivée de Trump c’est vécu comment dans votre filière ?
DB : Je comprends que l’ALENA il veut peut-être le requestionner, mais avant qu’il revoie tous les canaux de commercialisation, il y a plein d’entreprises dans d’autres domaines qui sont intégrés qui vont vivre aussi un impact. Il y a plus que le porc dans cette donne-là. Ça s’est développé dans le secteur automobile, dans le secteur technologique, dans la santé dans les dernières années avec une intégration en Amérique du Nord de haut en bas.
YP : Avec un porc moins rentable, on va donc revivre des périodes de subvention à l’élevage y compris pour les intégrateurs ?
DB : L’assurance stabilisation c’est un outil qui est encore là, mais il faut se rappeler qu’en 2009 les règles du jeu ont changé. La manière de faire les coûts de production n’est plus la même. La manière de payer la cotisation pour financer le fonds n’est plus la même. On finance maintenant le programme sur une base plus ponctuelle. Depuis 2009, pour les petites entreprises, celles qui sont en bas de trois fois le modèle c’est un tiers/deux tiers et pour les grandes entreprises qui font trois fois le modèle, elles payent la tarification 50/50.
YP : Est-ce qu’on risque de revivre le débat concernant la subvention à l’intégrateur ?
DB : C’est toujours un enjeu qui est sensible. Il y a un enjeu d’acceptabilité sociale là-dedans. Il faut faire en sorte que l’argent de l’État soit le mieux investi possible et qu’il serve le mieux possible à la communauté. On est un secteur d’activités important. L’assurance stabilisation n’est pas non responsable de cela. Elle est un des éléments qui a ramené de l’investissement. Si l’assurance n’est pas présente, il n’y aura pas d’investissement. Juste les changements depuis 2009, on voit la décroissance et il n’y a pas d’investissement majeur fait dans notre secteur.
YP : Les contrats européens sont-ils signés par les intégrateurs en euro et payés aux producteurs en dollars ?
DB : Oui comme quand les intégrateurs vendent au Japon, ils vendent en yen et reconvertissent en dollars US. Tous nos marchés d’exportation fonctionnent comme ça. Des fois le Japon a été plus ou moins profitable en fonction de la valeur du yen. Quand notre dollar est déprécié, ça aide le producteur.
YP : Concernant l’entente de Canada -Europe signée, mais pas ratifiée, quel est votre espoir sur l’Europe quand certains experts français comme Vincent Chatellier ne sont pas très flatteurs envers le porc québécois ?
DB : Quand tu mets en perspective le volume qu’ils font et le nôtre, c’est sûr, mais Chatellier dit aussi que la France est le plus grand exportateur de vin au monde, mais malgré ça les Français importent du vin. Parce que les Français sont friands d’expériences, ça va être là-dessus que le porc du Canada et du Québec devra se démarquer. Qu’il offre une expérience diverse. Avec le petit marché que l’on a, on est condamné à la distinction. Je pense qu’on va être capable dans l’entente Canada-Europe d’en bénéficier, mais ça ne sera pas sans effort !
YP : Y a-t-il un regret de l’époque du contingentement dans le porc ?
DB : Je peux comprendre les personnes qui pourraient se questionner, mais moi c’est sûr que je ne serai pas en production s’il y avait encore du contingentement. J’ai regardé pour partir dans le lait à l’époque, ça aurait été possible, mais pas mal moins accessible que de démarrer dans le porc. On reculerait en 1995, à la même époque, et je reprendrai la même décision. J’ai été capable de bâtir mon entreprise et d’élever mes enfants jusqu’à maintenant.
YP : Vu le contexte difficile qui s’annonce attendez-vous des bonnes nouvelles du ministre de l’Agriculture?
DB : C’est son agenda à lui. C’est lui le patron de l’agriculture au Québec. Il est bien conscient de nos enjeux. Il est bien au fait des éléments qui pourraient aider, pour sécuriser la relève. La balle est dans son camp. Il a mentionné au congrès que les deux premières années l’équipe du gouvernement était focussée sur l’équilibre budgétaire et qu’on s’en va en mode investissement. Nous, on pense que le secteur du porc, c’est le secteur qui en a besoin, entre autres parce qu’il génère beaucoup d’activités économiques. Ça serait gagnant-gagnant que l’État nous en donne un peu plus.