Les québécois sont beaucoup plus préoccupés par la contrefaçon ou la falsification des produits alimentaires qu'ils consomment que l'ensemble des canadiens. Un écart significatif de 21 points existe en effet entre le niveau d'inquiétude à cet égard observé au Québec (84%) et celui existant au Canada (63%).
Il s'agit d'une des principales constatations d'une étude réalisée par l'équipe du docteur Sylvain Charlebois, doyen de la faculté de Management de l'université Dalhousie à Halifax et expert des enjeux agro-alimentaires reconnu mondialement. Le volet québécois de cette étude est rendu public par l'Institut Jean-Garon, en collaboration avec le Dr Charlebois, en même temps que les résultats pancanadiens. Rappelons que M. Charlebois fait partie des parrains d'honneur de l'Institut.
Selon M. Charlebois, cet écart peut s'expliquer par l'intérêt plus fort que partout ailleurs en Amérique du nord que les québécois portent à l'alimentation. «Alors que les américains consacrent à peine 6% de leur budget à l'alimentation, cette proportion atteint environ 14% au Québec», a déclaré récemment le professeur Charlebois alors qu'il était conférencier invité à une rencontre préparatoire au Sommet de l'alimentation qui doit avoir lieu au Québec l'automne prochain. Il s'agit selon lui d'une force sur laquelle les québécois devraient miser davantage pour partir à la conquête des marchés nord-américains.
Par ailleurs, l'étude révèle que 40% des consommateurs, tant au Canada qu'au Québec, estiment avoir été victime d'une fraude alimentaire au moins une fois. Les personnes qui disent avoir acheté des produits mal identifiés ou frelatées citent le plus souvent les poissons et produits marins (28%), les produits liquides tels les huiles et le vin (21%), les fruits et légumes (14%) et les charcuteries (11,6%).
Enfin, un certain degré de confusion quant aux instances à la fois responsables et les plus compétentes pour protéger le public contre de telles fraudes. Au Québec comme dans l'ensemble du Canada, environ 55% des répondants croient que les pouvoirs publics, tant fédéral, provincial que municipal, sont les mieux placés pour jouer ce rôle, entre 23% (Québec) et 28% (Canada) attribuent la responsabilité principale à l'industrie alimentaire, tandis qu'un peu plus de 30% croient que c'est au consommateur lui-même de se protéger.
Une soif d'information
«Cette étude révèle à quel point les québécois ont soif d'information sur les aliments qu'ils consomment», a indiqué le président de l'Institut Jean-Garon, M. Jean Pronovost. Ils sont à mettre en parallèle avec les résultats d'un autre sondage réalisé celui-là par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et rendus publics dans le cadre des rencontres préparatoires au Sommet de l'alimentation. Cette étude démontre que 78% des québécois souhaitent être mieux informés sur la qualité, la provenance et la composition des aliments de même que sur la façon dont ces différents éléments sont inspectés par les instances gouvernementales.
Selon M. Pronovost, ces données sont extrêmement importantes au moment où la proportion d'aliments transformés ou sur transformés dans la diète des québécois est en hausse et où les chaînes d'approvisionnement se complexifient constamment avec des ramifications dans une multitude de pays. Parallèlement, les instances chargées d'inspecter les aliments n'ont pas vu leurs moyens d'intervention augmenter de la même façon et ont même décru dans bien des cas.
''Alors qu'à peine 1,5% des produits qui se retrouvent dans notre panier d'épicerie ont été inspectés, il est clair que la possibilité que le consommateur paie pour une qualité, une origine ou une composition qui ne sont pas vraies est de plus en plus grande, sans compter les risques que cela comporte pour la santé'', estime M. Pronovost. Ce dernier s'est dit particulièrement préoccupé par le fait que 40% des consommateurs ont été victimes d'une telle fraude au moins une fois, tel que révélé par l'étude de l'université Dalhousie, tandis que d'autres recherches montrent que la proportion de produits dans un panier d'épicerie moyen comportant une erreur d'identification volontaire ou non pourrait se situer entre 10% et 15%.[1]
Globalement, l'étude de l'université Dalhousie révèle que le lien de confiance entre le consommateur, la chaîne d'approvisionnement et les agences d'inspection des aliments est à tout le moins fragile. Elle soulève ainsi la question de la sécurité alimentaire des québécois, sujet dont l'Institut Jean-Garon entend faire un de ses chevaux de bataille, a rappelé M. Pronovost.
Dans cette perspective, ce dernier a dit souhaiter que cette étude marque le début d'une prise de conscience et d'un débat plus larges au sein de la société. ''Il est réjouissant de voir que les québécois sont très sensibles aux risques de falsification mais, en même temps, le fait qu'ils se perçoivent relativement peu responsables de leur propre protection est préoccupant. Quoiqu'il en soit, il s'agit d'autant d'indices de la nécessité de mieux informer et éduquer le public, ce qui fait justement partie de la mission que s'est donnée l'Institut Jean-Garon'', a indiqué M. Pronovost.
En terminant, M. Pronovost a tenu à remercier le Dr Charlebois pour son offre de collaboration en acceptant de s'associer à l’Institut Jean-Garon pour la diffusion des résultats québécois de cette importante étude.
[1]Étude la firme Environex en prévision de la conférence internationale sur la fraude alimentaire.