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Le Québec est-il devenu ingérable ?

La manière dont s’est conclue en février dernier la réforme avortée du Programme de crédit de taxes foncières agricoles m’a laissé perplexe. Perplexité car je suis porté à croire que le milieu agricole vit depuis trop longtemps une situation problématique. Je demeure toutefois persuadé qu’un changement s’imposait. Aux dires du fiscaliste Luc Godbout qui s’est penché sur la question, le programme est devenu, au fil des années, trop complexe et lourd à gérer en raison de ses modalités d’application et des méthodes de calcul trop compliquées à utiliser. 

Un régime dont certains avantages datent de 1939 et que quatre réformes ont réussi à transformer en un véritable labyrinthe de calculs savants assorti d’une chronologie abracadabrante nécessaire pour déterminer le crédit de taxes et d’effectuer les ajustements subséquents.

Cette réforme avortée n’est-elle pas un bel exemple illustrant où en est rendue l’administration bureaucratique québécoise ? Aujourd’hui, rien de la gestion publique n’est simple. Comme bien d’autres, il me semble que la compréhension et l’administration des deniers publics sont totalement réservées à des spécialistes, voire des technocrates de la complexité!

Connaissant une seule vitesse, celle du reculons, le gouvernement s’est résigné à abandonner la  réforme du programme. Mis à part les agriculteurs et les municipalités qui en sortent meurtris, à première vue, le citoyen ne gagne ni ne perd rien. Mais ceci dit, quelle est la véritable conséquence pour notre société?

Aucun changement ne semble possible !

Malgré ce qu’en pensent plusieurs, ce nouveau repli du gouvernement m’invite à penser, sans doute, qu’aucun changement ne semble possible. Le Québec est-il devenu ingérable et fermé à tout changement susceptible d’améliorer l’environnement social et économique de ses citoyens et de ses entrepreneurs ? Est-ce l’effet de nos institutions vieillissantes qui explique cette attitude réfractaire à tout changement ou, a contrario, est-ce la faiblesse de nos dirigeants politiques incapables de nous amener dans leur sillon du changement?

Aucune organisation ne veut véritablement que les choses changent. Pourtant le Québec, outre durant la Révolution tranquille, a fait face à des situations problématiques  demandant des actions immédiates. Je pense à la période de 1972 où trois chefs syndicaux sont allés en prison pour avoir défié une loi rétablissant la paix sociale, ou encore la crise économique de 1982 où la montée fulgurante des taux d’intérêt a suscité la création du régime d’épargne action et du Fonds de solidarité, ou finalement de la poussée dans les câbles en 1998 par les bailleurs de fonds qui ont convié le premier ministre à New-York et ont exigé de son gouvernement le fameux déficit zéro.

Chaque fois, la franche discussion entre le gouvernement et les organisations patronales, syndicales et socio-économiques a fourni l’occasion de trouver le consensus convenable et profitable pour tous. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’aucune organisation ne veut véritablement que les choses changent à moins que ça se fasse dans la cour du voisin et que l’impact soit nul pour elle.

Rapport Godbout: Le gouvernement a failli sur deux points !

Comme le souligne le rapport de Luc Godbout dans ses conclusions, le gouvernement a failli sur deux points: dans sa compréhension des deux visions à l’opposé, celle du milieu municipal versus celle du milieu agricole, et dans sa capacité à communiquer les véritables enjeux de sa réforme. Le rapport constate que le Programme de crédit de taxes foncières agricoles est un véritable compromis entre ces deux visions et notamment du rôle d’interface qu’il joue. Alors pourquoi n’a-t-on pas mis les énergies à le simplifier plutôt que de le réformer complètement? J’allais oublier de souligner que, pour avoir accès au programme de crédit de taxes foncières agricoles, l’agriculteur doit cotiser à l’UPA !

Plus qu’hier, notre société a besoin d’une autre Révolution tranquille pour faire face aux défis et aux enjeux du 21e siècle. Redonner au Québec sa capacité de transformation et de modernité, telle devrait être le leitmotiv de nos dirigeants politiques actuels, de nos leaders syndicaux, des chefs de file de nos institutions économiques, sociales et régionales. 

Reculer, on l’a trop fait ces dernières années, ne croyez-vous pas!

 

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