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Quel syndicat agricole choisir au Québec ?

NDLR : Dossier spécial – À l’heure où les visions divergent sur la manière de protéger les intérêts et les spécificités de chacun, La Vie Agricole a demandé à différents producteurs d’expliquer l’avantage de faire partie d’une union plutôt que d’une autre.  Chacun, à sa manière, a confié à notre publication pourquoi ils ont leur «syndicat» dans les tripes même si la loi actuelle ne permet officiellement que la syndicalisation à l’Union des producteurs agricoles (UPA) !

 

L'Union des producteurs agricoles (UPA): Travailler ensemble pour aller plus loin

La question de la division des voix pour représenter le monde agricole n’est pas sans irriter l’UPA, un incontournable pour la défense des intérêts des producteurs.

«Il faut être ensemble. Parce qu’à deux ou trois syndicats, on n’ira pas loin avec ça,  souligne Marquis Roy, un producteur laitier de la région de Chaudière-Appalaches. Quel impact ça aura si nous ne sommes plus solidaires face aux grands enjeux mondiaux?»

«Ça me fait penser au temps où nous étions Saint-Georges-Ouest et Saint-Georges-Est, illustre le Beauceron. On était toujours en train de se tirailler pour savoir lequel des deux aurait une subvention. C’était la guerre… Est-ce que c’est ce qu’on veut?»

Celui qui est administrateur au syndicat local de Beauce-Sartigan ne voit que des avantages à faire partie de l’Union des producteurs agricoles avec tous les services qui sont offerts pour aider les entreprises à cheminer.

«Mon 300 piastres, il est très bien investi, assure-t-il. Juste au point de vue fiscal, je suis capable d’aller le chercher amplement, alors qu’avant ça je mangeais de l’argent. Ça nous permet d’aller chercher des gens qui sont très professionnels dans ce qu’ils font et qui viennent nous aider dans toutes les sphères de l’entreprise en nous donnant de l’information.»

Marquis Roy estime aussi que c’est une fausse vision de l’UPA de penser qu’elle protège que les grands producteurs. «Les petits sont respectés autant que les autres et ils ont droit au même accompagnement», plaide-t-il.

Comme dans toute chose, c’est impossible de faire l’unanimité. «On ne pourra jamais avoir 100%, mais il y a tout de même 85% à 90% de satisfaction. C’est bon! Il faut être fier de ça», souligne le producteur de lait.

Il admet tout de même qu’il y a toujours place à l’amélioration. «On peut certainement faire des changements, concède Marquis Roy. Il y a plusieurs jeunes qui arrivent et qui ont de nouvelles idées. Les 20 à 25 ans apportent des choses intéressantes et il faut les écouter. C’est ça qu’il faut pour évoluer en tant qu’organisation.»

Pas de comparaison possible pour les hautes sphères de L’UPA

Dans les hautes sphères de l’UPA, on ne voit visiblement pas d’un bon œil la présence des autres regroupements de producteurs agricoles qui ont vu le jour au cours des dernières années.

«L’UPA est un syndicat agricole avec un membership volontaire d’environ 95 %, avec près de 40 000 producteurs, ce qui en fait l’association légalement accréditée pour représenter tous les producteurs agricoles au Québec, selon la Loi sur les producteurs agricoles. Ce statut n’est remis en question ni chez les producteurs ni au gouvernement du Québec», nous a fait savoir le conseiller aux Affaires publiques et Relations médias, Patrice Juneau, en réponse à un courriel lorsque La Vie agricole lui a demandé de référer un producteur fier de représenter l’UPA.

«L’Union paysanne et le CEA ne sont pas des syndicats. Il s’agit de deux organismes sans but lucratif (OSBL) et sans appuis significatifs chez les producteurs, a-t-il ajouté. Il n’y a pas de comparaison pertinente ou possible entre l’UPA et ces deux OSBL. L’Union ne participera donc pas à cet exercice.»

Nous avons donc dû trouver Marquis Roy, un producteur fier défenseur des valeurs de l’UPA par nous-mêmes.

 

L'Union paysanne: Une agriculture plus petite et plus près de la mise en marché

Apparue au tournant des années 2000, en réaction au monopole de l’UPA, l’Union Paysanne se veut une avenue pour les fermiers qui veulent «vivre décemment et avec dignité de leur métier».

Louis-Antoine Gagné, de la Ferme Canard des Cantons, en sait quelque chose, lui qui n’a pas du tout aimé la façon dont il a été «accueilli» en agriculture. «Quand je suis devenu producteur, je n’avais pas une cenne dans mes poches. J’ai commencé par louer un terrain. Peu à peu, j’ai réussi à devenir propriétaire», raconte celui qui est à la tête d’une ferme familiale située dans les cantons de Saint-Adolphe, à Stoneham-Tewkesbury, dans la région de la Capitale-Nationale.

Au départ, il est allé demander son numéro d’identification ministériel (NIM), comme n’importe quel producteur qui soutire plus de 5 000 $ en revenus de ses activités agricoles. «Tout de suite, le MAPAQ a envoyé ça à l’UPA et j’ai reçu une facture, puis une autre, et une troisième. Je n’avais pas encore commencé que je devais déjà 1 000 $… et je n’avais encore rien eu en retour, déplore-t-il. Quand on commence en agriculture, 1 000 $, c’est une montagne!»

Par la suite, il a voulu avoir plus de 100 poulets pour faire un peu plus d’argent. «Tout de suite, un inspecteur est arrivé chez moi. J’étais pratiquement considéré un criminel parce que j’avais plus de 100 poulets et que je n’avais pas le permis pour ça, continue-t-il. Il m’aurait fallu des frais énormes pour pouvoir les garder et je me retrouvais dans un syndicat qui n’avait pas vraiment d’expertise dans le canard.»

C’est à ce moment-là qu’il a entendu parler de l’Union Paysanne qui réclamait une extension du «hors quota». Après avoir lu sur le sujet, il s’est mis à s’intéresser de plus près à cette organisation qui rejoignait davantage ses valeurs.

«C’est un syndicat qui prône une agriculture plus petite et qui est plus près de la mise en marché. Je trouve que c’est le gros avantage de faire partie de l’Union Paysanne, parce qu’on n’est pas obligé de passer par deux ou trois intermédiaires qui finissent par prendre le profit», soutient le producteur qui offre des produits du canard gavé selon les méthodes artisanales.

Il a donc préféré adhérer à l’Union paysanne, d’autant plus qu’à son sens, le message de l’UPA tend vers l’industrialisation de l’agriculture. «Ça donne des centaines de milliers de dollars qui vont à quelques producteurs plutôt que d’aller pour encourager la relève», lance Louis-Antoine Gagné.

«L’un des problèmes avec le monopole, c’est qu’il y a juste un groupe qui dit «nous», c’est ça que l’on veut, déplore-t-il. Ceux qu’ils représentent, ce sont des fermes qui sont de plus en plus grosses et de plus en plus industrialisées. Dans toutes les productions, que ce soit dans le lait, dans le porcin, partout, il y a de moins en moins de producteurs et ils sont de plus en plus gros.»

 

Le Conseil des entrepreneurs agricoles (CEA): Une vision axée davantage vers les affaires

Fondé en 2010, le Conseil des entrepreneurs agricoles (CEA) a remporté un succès instantané auprès d’un certain nombre de producteurs qui réclamaient plus d’autonomie.

C’est l’avantage qu’y voit René Leblanc, un producteur de grains de Baie-du-Febvre, au Centre-du-Québec, qui a adhéré au CEA il y a quelques années. «C’est une autre organisation avec une pensée différente. Le Conseil a une autre vision qui est plus d’affaires. Ça favorise l’autonomie et l’indépendance des agriculteurs», estime-t-il.

À son avis, l’Union des Producteurs agricoles (UPA) est plus conservatrice et cherche davantage à protéger les acquis qu’à maximiser les bénéfices en agriculture. «Ils ont encore la même mentalité d’il y a 50 ans. Qu’il faut protéger la «veuve et l’orphelin», ou les pauvres agriculteurs qui vivent en campagne, soutient-il. Je trouve que ça fait en sorte de niveler vers le bas plutôt que vers le haut.»

«On gère de bons montants d’argent et à un moment donné, c’est normal de penser à ton entreprise au lieu de penser aux autres, estime-t-il. Surtout nous autres, dans le grain. On est en quelque sorte à la base de l’agriculture. Parce que plusieurs productions animalières dépendent de nous. On se fait souvent regarder de travers, mais on veut vivre nous autres aussi et avoir un maximum de bénéfices.»

Même si c’est une jeune union, le CEA a déjà fait quelques gains pour son entreprise, notamment au niveau du blé, en réclamant un référendum sur la mise en marché.

Les interventions du Conseil ont également l’avantage de correspondre plus efficacement à la spécificité des productions qu’il représente, alors que l’UPA parle «d’une seule voix» au nom de tous.

«Ce sont toujours des propositions globales pour que tout le monde embarque, mais ça ne représente pas nécessairement les intérêts de tout le monde, souligne celui qui est également un producteur de porcs. Ça manque un peu de démocratie quand ce sont des délégués qui votent et qu’ils parlent au nom de tous les membres qu’ils représentent.»

Le CEA continue de faire des représentations devant la Régie des marchés agricoles ou auprès du ministre de l’Agriculture pour présenter certaines politiques.

Le Conseil des entrepreneurs agricoles réclame d’ailleurs une modification de la Loi sur les producteurs agricoles du Québec pour permettre l'accréditation de plusieurs syndicats agricoles, afin de représenter la diversité des courants en agriculture, plutôt que de donner le monopole à l’Union des Producteurs agricoles : le seul qui a le droit d’exiger une contribution et une cotisation.

«On veille au grain pour essayer de modérer les abus qui se font dans différentes productions, observe René Leblanc. C’est certain qu’on n’a pas les mêmes moyens que l’UPA. Actuellement, ça fonctionne avec du bénévolat. Avec plus de moyens, on pourrait être aussi bons pour proposer des choses, mais pour le moment, on agit seulement comme critique en agriculture.»

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