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Maxime Bernier: la libération du lait de poule n’aura pas lieu

Surprise totale, c’est finalement Andrew Scheer qui dirigera les destinées du Parti conservateur du Canada, remplaçant le premier chef de la formation suite à sa création, Stephen Harper. L’emportant à l’arraché au treizième tour et avec 50,9 %, Scheer est très loin de s’installer confortablement et son leadership risque fort d’être fragile. Il est facile de penser que le parti, fondé par et pour l’Ouest, a refusé d’être dirigé par un candidat venu du Québec. Il y en aurait beaucoup à dire là-dessus. (voir: http://www.journaldemontreal.com/2017/05/31/un-referendum-sur-lheritage-harper)

D’aucuns ont cependant fait remarquer que la circonscription de Beauce, château fort de Maxime Bernier, n’a pas suffisamment soutenu son député et que ce non-appui a été crucial dans la défaite de ce dernier. Le comté de Beauce est effectivement très agricole, et l’abolition du système de gestion de l’offre, proposition centrale de Bernier, n’était pas étrangère à l’échec du favori. Ce pauvre Maxime Bernier a fait la même erreur que plusieurs économistes avant lui, celle de croire que de s’en remettre aux « lois du marché » allait garantir son succès.

Blague mise à part, les arguments de Bernier en faveur du « tout au marché » sont révélateurs d’une croyance sans bornes à l’infaillibilité du libre-échange. Le libre-échange se présente comme la libération intégrale du consommateur, à qui on vend les différents accords comme une victoire indéniable pour son portefeuille, assimilant sa liberté à son pouvoir de consommer. Le libre-échange permettrait donc de multiplier ces achats de produits rapidement périmés. On tente ainsi de séduire le consommateur à coup d’images évocatrices, comme celui d’une réduction du prix de la pinte de lait advenant la signature de traités qui entraîneraient l’abolition du système de la gestion de l’offre au Canada.

L’ineffable Maxime Bernier parlait quant à lui de « libérer le lait de poule », en référence aux œufs, au lait et à la crème, tous encadrés par l’État, qui composent ce succulent breuvage du temps des fêtes. Plus qu’un discours démagogique, il faut avant tout y voir une victoire de l’imaginaire du court-terme.

Il semble peu importer que l’agriculture soit un domaine complexe qui n’est pas à traiter à la légère (on parle tout de même de l’alimentation des gens…), que le système de la gestion de l’offre a empêché bien des crises de surproduction en plus de protéger nos producteurs nationaux, et que son abolition mènerait au monopole de transnationales qui finiraient, elles aussi, par augmenter les prix des produits laitiers. L’agriculture ne peut d’aucune manière être traitée comme un secteur produisant des biens de consommation parmi d’autres. L’Europe a tenté le coup et les résultats ne sont pas brillants, si bien qu’en France un agriculteur se suicide par jour. (voir : http://lavieagricole.ca/3969 )

Lors d’un échange radiophonique musclé entre l’auteur de cette chronique et l’animateur Éric Duhaime, (voir: https://www.youtube.com/watch?v=e9jImCcmCGA) ce dernier a affirmé que pour lui le citoyen équivalait au consommateur, et que le fait que les traités de libre-échange restreignent l’« étatisme » était suffisant pour considérer que le « peuple » était gagnant malgré son absence totale de participation dans les différents processus de négociation et de signature. Loin d’être anecdotique, cette pensée est de plus en plus répandue. En plus d’être étroite de point de vue, elle est également pauvre d’ambition.

 

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