« Le traité dans son ensemble est bénéfique pour le Canada, mais comme dans n'importe quelle négociation il y a des gagnants et des perdants. Je pense qu'ils ont accepté de sacrifier une poignée de fromagers », a déclaré Pascal-André Bisson à La Vie agricole. Et il semble craindre plus la compétition américaine qu’européenne dans l’importation de fromages.
Lors d'une entrevue à La Vie agricole sur sa ferme de la Fromagerie Le Mouton blanc, à La Pocatière, le propriétaire, M. Pascal-André Bisson, en avait long à dire sur ce qui n'a pas été fait : « Je trouve ça triste qu'on parle de ça maintenant parce qu'il y avait plein de travail à faire avant et ça n'a pas été fait ». Il ajoute : « agir avant aurait demandé moins d'investissement que ce qu'il faudrait maintenant investir. Aurait fallu aider par des programmes pour se mettre à la page pour être plus compétitif, aider à connaître les prix de revient, mieux connaître le lait ».
L'artisan voit l'ampleur du défi : comparer des entreprises en production depuis 25 ou 30 ans à des gens qui font du fromage depuis plus de 400 ans. « On ne part pas sur la même longueur d'onde en termes d'efficacité ».
« Je n'ai rien contre le fait qu'ils viennent “essayer“ d'envahir le marché canadien. Il faut calculer: on va ajouter 17 500 tonnes de fromage sur le marché. Je me pose la question : qui va les manger? »
L’industrie du fromage n’est pas mature
Le fromager Bisson ne s'en prend pas à la compensation qui viendra peut-être, mais il estime que: « Aliments Québec a tous les outils et Paradis (l'ex-ministre de l'Agriculture) aurait dû demander à Aliments Québec de faire une campagne de sensibilisation à l'appartenance des fromages québécois ». L'appellation « Fromage fermier » ce ne sera pas avant 2018 ».
Depuis 30 ans les Québécois ont adopté les fromages d'artisans d'ici, M. Bisson le reconnaît, mais… « les fromagers européens maîtrisent leur production nous on essaie de comprendre notre production ». « L'industrie n'est pas mature » ajoute-t-il. « La majorité des fromagers artisans ne connaissent pas de façon pointue, leur prix de revient ».
« Si on s'était préparé convenablement il y a trois ans on ne serait pas dans la même situation aujourd'hui. Là on va faire du rattrapage qu'on n’aurait pas été obligé de faire ».
Comme les petites fromageries représentent beaucoup d'emplois en région « c'est donc important d'investir sur la formation, l'équipement, la connaissance et le savoir fromager » M. Bisson parle en connaissance de cause, il est le président du centre d'expertise fromagère du Québec. M. Bisson résume : « L'industrie fromagère au Québec a besoin d'appui technique, mais le gouvernement n’est plus leader comme au temps de Jean Garon».
Attention aux très bons fromages américains !
M. Bisson voit que les états américains limitrophes du Québec (New Hampshire, Vermont, Main) commencent à faire mal « Ils commencent à faire des très bons fromages. On pense que ce sont les Européens (Français, Italiens, Suisses) qui vont nous faire mal, mais ce sont peut-être les Américains qui sont à craindre ». M. Bisson ne croit pas que le protectionnisme américain va faire mal : « la valeur du dollar aura plus d'impact ».
Quand M. Bisson pense aux importations de fromages, il pense aux règlements et aux critères de salubrité. « Jusqu'à maintenant je n'ai jamais entendu le gouvernement du Québec demander à son grand frère à Ottawa “vous allez gérer ça comment la qualité des produits“. Comment va-t-on faire pour être à armes égales avec nos règlements d'ici et des fromages qui vont entrer ? ».
Selon M. Bisson « la recherche portera sur les quatre pathogènes les plus remarqués, mais la recherche se fera de façon aléatoire sur des lots de palettes aux douanes. Il y en a un “mausus“ de paquet qui vont passer tout droit sans que nous puissions dire un mot ». M. Bisson fait remarquer que ce n'est pas la réalité des fromagers d'ici. « Nous, ce sont des analyses strictes et régulières ».
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