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À propos des propos de Marc Séguin…

C'est vrai que je suis très heureux qu'un homme intelligent et un artiste réputé, extérieur au milieu agricole, comme le Québécois Marc Séguin, fasse un film sur L'agriculture et son État au Québec, dans lequel il confronte les responsables politiques et syndicaux en agriculture aux problèmes que vivent ceux qui veulent développer un nouveau modèle d'agriculture durable et territorial. Je souhaite  d'ailleurs à son film une carrière aussi marquante que celle de Bacon le film, auquel il fait pendant 15 ans plus tard.

Dans l'entrevue que Marc a donnée à Yannick Patelli pour La vie agricole, je ne suis donc pas étonné que, comme quiconque vient de débarquer dans ce champ de bataille, il tourne un peu les coins ronds sur certains aspects des dossiers agricoles qui sont fort complexes historiquement, juridiquement et politiquement.

 

Je lui pardonne volontiers de me traiter gentiment de « belle-mère » de l'Union paysanne et de « rêveur hippie », un peu moins de qualifier Bacon le film de Hugo Latulippe, auquel j'ai étroitement collaboré, de film-spectacle. Marc n'était visiblement pas là à l'époque de la « guerre des cochons », du moratoire et du BAPE sur l'industrie porcine, auxquels ont donné lieu l'opposition des citoyens, de l'Union paysanne et du film Bacon. Il ne fait aucun doute pour moi que l'immense travail fait à l'époque par l'Union paysanne, Daniel Pinard, Équiterre, Hugo Latulippe, les écologistes et les premiers agriculteurs  biologiques sont allés bien au-delà des « rêveries hippies » et du « spectacle contestataire ». Ces pionniers ont sonné un véritable réveil des Québécois face aux transformations majeures que subissait leur agriculture avec l'invasion du libre-échange et de l'intégration mondiale, et ils ont posé les bases du développement actuel des jeunes producteurs compétents et efficaces qu'a rencontrés Marc Séguin. Et tant mieux si des investisseurs privés viennent compenser l'inconscience des responsables en place.

 

Je pense cependant que Marc sous-estime l'importance du monopole de l'UPA sur la représentation et la mise en marché agricole dans le blocage du développement d'une agriculture durable de proximité. C'est à ce monopole et non à l'existence de l'UPA que tout ce monde s'est opposée, parce que c'est  ce monopole -j'espère bien le démontrer prochainement- qui permet à l'UPA de prendre les politiciens en otage, de pair aujourd'hui avec les multinationales, comme le répète si bien Pierre Paradis. Et pour en témoigner, je conclus avec cette citation tirée du discours d'ouverture que j'ai prononcé au Congrès de fondation de l'Union paysanne le 1er décembre 2001 :

« Que veut l'Union paysanne? Nous ne voulons pas détruire ni remplacer l'UPA: nous voulons rétablir la liberté d'association. Nous ne voulons plus d'un syndicat unique et obligatoire qui pousse tout le monde à la production intensive et standardisée et s'acharne à détruire tous ceux qui veulent s'adonner à une agriculture alimentaire et humaine. Nous ne voulons plus d'un monopole syndical qui se prolonge en monopole sur la zone verte, sur la production (avec les quotas), sur la mise en marché (avec les plans conjoints), sur le financement public (avec la Financière agricole),  ainsi qu'en monopole de représentation dans les instances gouvernementales et municipales. Nous  désirons mettre fin à un monopole qui favorise en quelque sorte le contrôle du territoire rural par un parti unique dirigé par les grands intégrateurs, les grandes coopératives et les grands propriétaires terriens qui sont en train de vassaliser la campagne. 

Nous voulons faire de la place pour une autre agriculture, une agriculture durable, une agriculture paysanne, qui construit  le pays au lieu de le détruire,  qui ramène la bonne nourriture et la santé dans nos maisons, une agriculture qui nous débarrasse des pesticides, des OGM, des hormones de croissance, des farines carnées, des animaux en captivité, des déserts de maïs. Nous voulons offrir une alternative à l'agriculture industrielle et à la malbouffe, et nous voulons réintroduire les citoyens dans la négociation collective visant à déterminer le type d'agriculture, d'alimentation et de campagne qui répondra à nos besoins. »  

Roméo Bouchard, fondateur de l'Union paysanne

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