Pour faire suite aux accidents mortels au cours des derniers mois sur des fermes la psychologue spécialisée en milieu agricole, Pierrette Desrosiers, s’interroge sur les facteurs qui peuvent contribuer à ce genre de drame ainsi qu’aux enjeux liés à la prévention.
Au Québec, le secteur d’activité le plus dangereux est de loin celui de l’agriculture, avec un taux de décès de 21 travailleurs pour 100 000 travailleurs selon un rapport de la CNESST. Certes les agriculteurs font face à de nombreux dangers dans leur environnement: pièces tranchantes mal protégées, émanations toxiques, etc. “Toutefois, trop souvent l’enjeu humain est laissé pour compte”, précise Pierrette Desrosiers.
Quand le stress et la fatigue tuent
Dans leur métier, les agriculteurs sont généralement plus exposés à des niveaux de stress élevés, à de longues heures de travail, à un manque de sommeil, et à un plus haut niveau de détresse psychologique. Dans bien des cas, ces facteurs contribuent aux accidents sur la ferme. «Il y a beaucoup de prévention face aux dangers reliés aux équipements et produits sur la ferme, mais très peu de sensibilisation sur l’impact du stress en lien avec les accidents», mentionne la psychologue.
« Comme psychologue du travail, mes interventions dans les entreprises depuis 20 ans reposent régulièrement sur des entrepreneurs qui banalisent l'importance du sommeil, d’une alimentation saine, de la gestion de leur stress et de leurs émotions. Ils surestiment leurs capacités physiques à produire sous pression. En contrepartie, ils sous-estiment l'effet du stress et l’impact de celui-ci sur la prise de décisions. Un accident peut arriver même aux producteurs les plus expérimentés», précise Pierrette Desrosiers.
Les vaches mieux traitées que les producteurs
Les agriculteurs passent des heures à bien entretenir leur machinerie, à s’occuper de leur troupeau, mais oublient l’essentiel, « s’occuper d’eux». Ils veulent être toujours plus productifs et rentables. Trop souvent j’ai entendu des agriculteurs m’avouer avec fierté qu’ils sautaient des repas, qu’ils travaillaient 90 heures par semaine. Dans ce milieu, plus tu fais d’heures, plus tu te sens valorisé.’’ indique Pierrette Desrosiers. Elle constate que la situation n'a pas changé depuis 20 ans et qu’il faut davantage former, sensibiliser et outiller le milieu sur l’importance de ces enjeux et leurs répercussions parfois fatales.