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Le prix de la souveraineté alimentaire

NDLR : Sur une idée de La Vie agricole, il a été pensé d’initier un débat dans le monde agricole entre instituts, ce qui se traduit par cette première discussion entre L’institut économique de Montréal et l’institut Jean-Garon. Le premier sujet est :«La souveraineté alimentaire passe-t-elle par l’autosuffisance alimentaire d’un pays, d’une province ou par des accords internationaux assurant l’approvisionnement dudit pays/province ?». Longue vie à cette formule qui permet le véritable débat ! Découvrez ici la vision de l’Institut économique de Montréal

On entend souvent que la souveraineté alimentaire permettrait aux petits agriculteurs de vivre de leurs activités et de protéger les populations avoisinantes contre les aléas du commerce mondial, en plus d’être bénéfique pour l’environnement. Est-ce vraiment le cas?

Une plus grande insécurité alimentaire

Peu importe leur nature, toutes les productions agricoles sont périodiquement victimes des aléas climatiques et des problèmes liés aux insectes et à différentes maladies. Historiquement, les échanges interrégionaux ont permis de répartir les risques inhérents aux productions agricoles en acheminant les surplus de certaines régions vers d’autres où les récoltes ont été mauvaises, prévenant par le fait même une hausse autrement plus rapide des prix dans les régions en difficulté. Paradoxalement, la souveraineté alimentaire entraîne des risques beaucoup plus élevés en plaçant presque tous ses œufs dans le même panier géographique.

L’appauvrissement des populations locales

Bien que d’autres facteurs entrent en compte, la spécialisation régionale des productions agricoles résulte essentiellement des avantages respectifs de différentes régions en matière de qualité des sols et du climat. Promouvoir la consommation de denrées locales non concurrentielles implique donc obligatoirement plus d’intrants (eau, engrais, pesticides, serres chauffées, etc.) et de surfaces agricoles pour pallier des conditions moins favorables, ce qui se traduit par des prix beaucoup plus élevés. Le gain économique de l’agriculteur non concurrentiel se fait donc aux dépens des consommateurs, qui doivent payer plus cher pour un produit similaire, ou le même prix pour un produit de moindre qualité.

La souveraineté alimentaire a aussi pour corollaire l’absence d’exportations, ce qui causerait des pertes économiques importantes. En effet, le Canada est un des plus grands exportateurs de produits agricoles au monde, et la prospérité de la plupart des agriculteurs dépend de leur accès aux marchés mondiaux. Par exemple, les agriculteurs canadiens produisaient près de neuf tonnes de soya pour chaque tonne consommée au Canada. Au total, les exportations canadiennes pour les principaux produits agricoles totalisaient 25 milliards $ en 2016, soit cinq fois plus que les importations.

Les dommages environnementaux

L’argument selon lequel une plus grande production locale réduirait les émissions de gaz à effet de serre (GES) ne tient pas non plus la route, car la production a un impact beaucoup plus important sur ce plan que le transport. Par exemple, aux États-Unis, une étude estime que 4 % des émissions totales de GES associées à la nourriture proviennent du transport sur de longues distances, tandis que la production des aliments en représente 83 %.

Produire autant que possible dans les zones où les conditions sont les plus favorables permettrait donc, malgré de plus grandes distances parcourues, de réduire bien davantage les GES que l’agriculture de proximité. Le prix des aliments, bien qu’imparfait en raison de nombreuses mesures politiques qui encouragent l’inefficacité (subventions, quotas, tarifs, etc.), donne généralement une idée beaucoup plus juste de l’impact environnemental des productions agricoles que leur lieu d’origine, car il tient compte de tous les coûts de production.

Loin d’être bénéfiques, la souveraineté alimentaire et l’agriculture de proximité entraînent au contraire de plus grands dommages environnementaux, un appauvrissement des populations locales et une sécurité dans l’approvisionnement bien moindre que la libéralisation du commerce agricole.  

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