Voilà dix ans qu’on fait un effort de l’ignorer parmi les élus afin de survivre politiquement. Avec la grogne de l’UPA face au rapport, il importait de ne pas y être associé. Laurent Lessard, le ministre de l’époque et encore en poste au MAPAQ aujourd’hui, a déclaré récemment qu’il allait le lire. Imaginez, dix ans plus tard. Souhaitons que son sous-ministre de l’époque et encore en poste aujourd’hui lui donne un « avant-goût » de son contenu. Le rapport faisait miroiter des changements pour l’avenir, mais la vieille garde, toujours en place, veille au statu quo. Évidemment, on protège des privilèges aussi…et du pouvoir.
À l’exception de la recommandation de mettre fin au monopole de l’UPA, peu se rappellent des autres suggestions. Les auteurs souhaitaient y intéresser la jeunesse avec des idées nouvelles pour l’avenir, mais cette dernière ne connaît pas son contenu. Peut-être que ça manquait de nouveauté pour elle. Le rapport nous a fait découvrir que la pluralité existait chez nous, même si leurs voix étaient étouffées. En dépit de sa fraîcheur, sa trop grande concentration sur les marchés minoritaires laissait la majorité sur sa faim. Depuis 2008, l’UPA aurait pu stratégiquement répondre un par un à ces besoins « pluriels » à l’interne tout en maintenant son monopole. Et aujourd’hui on en parlerait plus, ni du rapport ni du monopole.
Une lecture dix ans plus tard donne l’impression que rien ne bouge dans l’industrie. La vieille garde règne toujours et partout. La plupart des responsables sont encore en place et ceux qui ont quitté ont été remplacés par les numéros deux des mêmes institutions et formés par eux. Dans l’industrie, on a l’impression de voir un tableau où les personnages sont fixes alors que les cours d’eau, la montagne et les granges bougent. Avec L’AECG (en France on écrit CETA), le PTP qui renaît de ses cendres et l’avenir incertain de l’ALENA, les ouvertures possibles avec la Chine et celles qu’on devrait avoir avec l’Inde si on est intelligent, le paysage environnemental a tellement bougé qu’il me représente rien de moins qu’une révolution.
Le rapport Pronovost était frais et intelligent, mais pas excitant, ni dynamique. Il reflète maintenant un paysage révolu.
Dans l'industrie et au MAPAQ on protège encore ses arrières avec des vieilles rengaines protectionnistes alors que le train de l’avenir bourré de potentiel file à toute vitesse. On manque d’imagination. La Chine et l’Inde représentent 2.8 milliards de consommateurs qui vivent dans la pollution, les contaminants, l’eau infecte sinon inutilisable pour la fabrication alimentaire, des produits pharmaceutiques indésirables se retrouvent dans leurs eaux internes, dans les mers avoisinantes et dans l’environnement et avec des normes sanitaires déficientes à tous les niveaux. Imaginez la quantité de contaminants que doit contenir le lait maternel dans ces pays. Devant cette réalité, comment ne pas imaginer la valeur intrinsèque exceptionnelle d’un produit alimentaire élevé ou fabriqué au Canada (air pur, eau cristalline et grands espaces verts, etc.).
Un rapport sur l’avenir de l’agriculture en 2018 devrait créer de l’enthousiasme et stimuler ses lecteurs pour l’avenir. Il devrait étaler les possibilités infinies pour l’agroalimentaire d’ici, aider à percer ces marchés, augmenter nos exigences et normes sanitaires pour être reconnu comme ayant les produits les plus sains au monde et proposer un plan stratégique long terme pour atteindre au moins 1% de ces consommateurs si on n’est pas très ambitieux, soit 28 millions de nouveaux consommateurs. Rien de moins s’il vous plaît. Il faudrait exiger du leadership et du courage. Sinon, comment ne pas y voir le même parcours qu’a connu notre industrie vestimentaire dans les années ’80, celle qu’on surnomme de façon appropriée l’industrie de la guenille.