Santé Canada n’est pas d’humeur à assumer seul les critiques concernant ses évaluations des pesticides. Et à se faire taxer de laxiste, dans ses analyses de leur toxicité. « Du point de vue réglementaire, Santé Canada est reconnu internationalement comme étant un excellent partenaire. Nos analyses de risques sont très similaires à celles de nos pairs», écrit le ministère en réponse à une série de questions posées par La Vie agricole.
Dans la foulée du scandale qui continue à secouer la crédibilité du Centre de recherche sur les grains (CÉROM) et du départ d’une dizaine de chercheurs voulant fuir l’influence que des administrateurs auraient tenté d’exercer sur les travaux, Santé Canada rappelle que le contrôle des pesticides est une responsabilité partagée entre les divers paliers de gouvernements. Et que chaque partie doit faire des suivis adéquats.
« Au Canada, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, ainsi que les administrations municipales, se partagent ces activités conformément aux lois, règlements, lignes directrices, directives et règlements municipaux applicables(…). »
L’industrie fournit ses propres études
La porte-parole du ministère, Maryse Durette, reconnaît toutefois que l’industrie participe activement à instruire Santé Canada dans son travail en fournissant des études qui servent à une homologation des pesticides. Elle s’aligne ainsi sur les méthodes utilisées par la majorité des pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
« Tout comme ses partenaires internationaux comme l’Autorité européenne de sécurité des aliments, Santé Canada accepte les études faites par les manufacturiers ainsi que ceux des chercheurs indépendants en provenance de la recherche universitaire ou de d’autres ministères fédéraux ou provinciaux. Dans le cas des études des manufacturiers, Santé Canada reçoit aussi les données brutes, qui permettent aux scientifiques de contre-vérifier et de valider les résultats.»
Plusieurs scientifiques critiquent notamment que Santé Canada ne se contente que d’analyser les méthodologies de travail, ce qu’il appelle les bonnes pratiques de laboratoire, sans s’investir dans des études totalement indépendantes.
Notamment, en février dernier, l’Alliance pour l’interdiction de pesticides systémiques (AIPS) critiquait Santé Canada et son partenaire l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA), à l’occasion de l‘annonce d’une mise à jour sur les insecticides de la classe des néonicotinoïdes, ceux-là mêmes que le président des Producteurs de grains du Québec, Christian Overbeek, veut garder dans la boîte à outils des céréaliers.
« Ces pesticides sont sous-moratoires ou interdits dans plusieurs pays européens. Dans ces circonstances, on peut se demander sur quelles bases l’ARLA prend-t-elle ses décisions? », dénonce son porte-parole Pascal Priori.
Ce à quoi le ministre réplique : « La science détermine les décisions de Santé Canada, et la protection de l’environnement et de la santé de la population canadienne est le principal objectif que vise Santé Canada dans sa réglementation des pesticides. Tous les pesticides doivent subir un examen scientifique rigoureux avant que leur vente soit permise au Canada. (…) Bien que les données soient en partie générées par les manufacturiers, de nombreuses mesures sont mises en place pour assurer la qualité des données, y compris le fait que les études doivent suivre les normes de l’OCDE(…) »
Crise de confiance
Santé Canada a refusé de répondre aux questions quant au suivi que le fédéral fait des fonds versés pour la recherche réalisée par des laboratoires indépendants. Il n’a pas voulu non plus commenter la présence de représentants du secteur privé sur plusieurs conseils d’administration de laboratoires de recherche, comme cela se produit au CÉROM. Enfin, il s’est cantonné dans le mutisme, lorsqu’il a été questionné sur sa connaissance de la crise interne que vivait le CÉROM au cours des derniers mois.
Conscient des inquiétudes de la population sur la présence de pesticides dans l’alimentation, à cause de leur usage démesuré en agriculture, Santé Canada se contente de dire : « nous examinons constamment nos façons de faire afin d’améliorer la confiance des Canadiens. Par exemple, nous avons récemment simplifié certaines de nos consultations afin de mieux expliquer nos décisions au public. »