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La France doit sauver la Politique Agricole Commune !

L’agriculture est aujourd’hui au coeur de nombre de nos préoccupations : l’alimentation et la santé, l’environnement et le climat, le cadre de vie. L’alimentation prend une dimension géostratégique de plus en plus importante notamment, à nos portes, en Afrique. C’est donc une question politique et géostratégique de premier plan pour l’Europe.

La Politique Agricole Commune (PAC) a été conçue en 1962, à six pays, dans une logique de marché protégé et de prix garantis. Elle a constitué un des ciments de la construction européenne, étant la première et toujours la seule politique intégrée au niveau européen. Soixante ans après, elle a beaucoup de mal à s’adapter à la fois à la mondialisation de l’économie mais aussi, avec les élargissements successifs, à une diversité croissante de ses agricultures.

Elle est donc aujourd’hui à bout de souffle, de moins en moins commune et quasiment illisible. Elle ne satisfait plus ni les agriculteurs ni les consommateurs.

Lorsqu’une politique devient discréditée, son avenir est compromis. Le risque est sa déliquescence progressive. Sa perte programmée de substance. De plus adapter une politique sans vraiment la modifier pourrait s’avérer économiquement coûteux avec la gestion de crises à répétition mais aussi socialement par l’importance des pertes d’emploi. Une réforme en profondeur est donc nécessaire et la PAC se trouve à la croisée des chemins.

Une PAC à la croisée des chemins.

L’Europe peut choisir la voie la plus facile, celle d’une subsidiarité accrue laissant de plus en plus de décisions à chaque pays, glissant ainsi, comme elle a commencé à le faire depuis une quinzaine d’années, d’une politique agricole commune à une politique agricole simplement coordonnée voir demain insidieusement renationalisée.

La France a été l’inspiratrice et un soutien majeur de la PAC depuis soixante ans, sa voix est déterminante. Elle met, aujourd’hui comme priorité pour la construction européenne les nouvelles politiques notamment le numérique, la défense et la sécurité. Serait-elle prête pour cela à de nombreuses concessions sur la PAC, et donc favorable à cette solution ?

L’Europe peut au contraire choisir de s’orienter vers une ambition agricole commune rénovée et adaptée aux besoins modernes des transitions écologiques et agricoles. Cela concerne en particulier l’accompagnement des exploitations s’engageant dans une transition agroécologique, la gestion du changement climatique, l’accompagnement à la modernisation des entreprises, l’appui à la structuration de filières modernes à même de mieux organiser la production et surtout la fondation d’une politique véritablement commune de gestion des risques agricoles.

C’est une voie exigeante nécessitant la redéfinition des objectifs et le passage par une revue de l’existant. Cela demande une ambition politique et du temps de négociation, un peu comme l’on fait les fondateurs de la PAC en 1958 à la conférence de Stresa.

Le choix entre ces deux voies est donc une responsabilité extrêmement importante pour l’avenir des agricultures européennes mais aussi, tout simplement, pour l’Europe. La PAC doit être revue en même temps que le cadre financier pluriannuel échu en 2020. Or la commission et le parlement arrivent en fin de mandat en 2019. Une nouvelle commission sera mise en place pour la période 2019-2024.

Le BREXIT est en cours de négociation, et ses conséquences budgétaires ne sont pas encore bien cadrées, d’autant que le plan de sortie du Royaume-Uni, s’il a finalement bien lieu, s’étendra sans doute de 2020 à 2025.

Le contexte n’est donc pas du tout favorable à une réforme d’envergure pourtant nécessaire.

La PAC mérite mieux qu’une simplification technocratique

La première communication du commissaire européen à l’agriculture, Phil Hogan en novembre dernier n’envisageait aucune évolution du contenu de la PAC. Par contre, au prétexte de simplification, il proposait un changement complet dans l’administration et la mise en œuvre de la PAC qui seraient entièrement confiées aux États membres.

Dans le cadre d’objectifs définis au niveau communautaire, chaque pays devrait définir ses propres actions et sa propre stratégie, puis les soumettre pour validation à Bruxelles. Il s’inscrit ainsi clairement dans la solution de facilité évoquée plus haut, avec le risque de conduire progressivement à la fin pure et simple de la PAC, par déliquescence progressive.

La PAC mérite mieux qu’une simple adaptation technocratique précipitée. On pourrait souhaiter à l’horizon 2020 une réforme « a minima », n’engageant pas l’avenir. La vraie réforme pourrait être la priorité de la prochaine commission issue des élections européennes de 2019.

Si pour 2020, le commissaire Hogan poursuivait dans son projet de renvoyer la définition opérationnelle de la PAC dans chaque Etat-Membre, si la PAC était administrativement renationalisée, sans redéfinir ses objectifs, il serait ensuite quasiment impossible de la réorienter politiquement.

Premier bénéficiaire de la PAC qu’elle a toujours défendue, il est important que la France se positionne clairement contre une renationalisation, même rampante, de la PAC et ne tombe pas dans le piège, agité actuellement, d’une baisse du budget, véritable chiffon rouge qui occulte les vrais débats.

 

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