La Vie agricole vous parlait dans son éditorial du mois de septembre d’une fonctionnaire du MAPAQ qui a reçu une lettre de mise à pied de 5 jours et de potentiel licenciement pour avoir critiqué l’UPA et le système de mise en marché de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec comme citoyenne. Elle y répond par une lettre où elle se dit intimidée et harcelée. Elle vient également de dévoiler publiquement son identité dans un article publié dans le Journal de Montréal et le Journal de Québec. Elle est soutenue dans sa démarche par plusieurs personnalités du monde agricole.Le MAPAQ a signifié ne pas vouloir commenter.
Dans la lettre envoyée par le MAPAQ, La Vie agricole était directement ciblée puisqu’on demandait à la fonctionnaire en question d’effacer de notre site internet (!) les entrevues qu’elle avait données il y a quelques mois à notre média. Chose impossible pour elle d’une part et intolérable pour nous.
Nous nous sommes alors offusqués de cette pratique de la part d’un ministère qui à notre sens ne devrait jamais brimer la liberté de presse. La fonctionnaire en question vient de dévoiler son identité au Journal de Montréal. Il s’agit de Mme Nathalie Bombardier. Elle a également fait parvenir à plusieurs médias une lettre qu’elle a aussi fait suivre à tous les chefs de partis dans laquelle elle demande que cessent l’intimidation et le harcèlement dans le monde agricole.
Sa lettre est appuyée par plusieurs personnalités très en vue du milieu agricole :Jean Pronovost, auteur du rapport Pronovost et ancien sous-ministre, Simon Bégin, président de l'Institut Jean-Garon, Roméo Bouchard, cofondateur de l'Union paysanne, Maxime Laplante, président de l'Union paysanne, Yvon Picotte, ancien ministre de l'Agriculture, Florent Gagné, auteur du Rapport Gagné et ancien sous-ministre, Jacques Proulx, ancien président de L'UPA.
Nous publions l’intégralité de la lettre en question et les commentaires des personnalités qui la soutiennent!
À l’attention du Premier ministre Phillipe Couillard,
Et de : Mme Manon Massé QS, M. François Legault CAQ, M. Jean-François Lisée PQ, M. Stéphane Blais Citoyens au pouvoir, M. Adrien D. Pouliot PCQ
J’ai toujours pensé que la LIBERTÉ D’EXPRESSION était un droit fondamental qui assurait à chaque individu la possibilité d’exprimer une opinion sans crainte ni peur, dans les limites permises par la loi. Je pense également que l’intimidation sous quelques formes que ce soit ne devrait pas être un moyen de pression pour limiter cette liberté.
Sur ces principes, j’ai décidé de me tenir debout avec mon conjoint et de faire connaître notre point de vue par l’intermédiaire des médias, concernant la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ).
Nous avons subi les foudres de la FPAQ et avons reçu un traitement très particulier de sa part : pénalités de près de 600 000$, saisies de notre sirop d’érable qui est notre gagne-pain, et ce, parfois, avec présence de forces policières, gardiens de GARDA dans notre cabane à sucre, ouverture de nos comptes bancaires, appels à nos clients, dépôts de procédures judiciaires nous obligeant à investir des sommes astronomiques pour nous défendre contre notre propre syndicat.
Cette situation a créé une pression énorme sur ma famille dont la sécurité financière précaire sera maintenant assurée en partie par mon salaire de fonctionnaire. Et oui! J’ai osé critiquer une fédération de l’UPA tout en étant à l’emploi du Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ).
Parce que ce combat de David contre Goliath s’est avéré très médiatisé, mon employeur, m’ordonne de choisir, dans une lettre officielle jointe datée de juillet 2018, entre mon emploi et ce débat sur l’agriculture, en invoquant une question d’éthique et de loyauté!!! Pourtant sous le règne de l’ancien ministre de l’Agriculture en 2015 j’ai débattu publiquement mes opinions et je n’ai jamais été suspendue pour cela!! Existe-t-il deux poids deux mesures au gouvernement?
Après avoir épluché LA Loi sur la fonction publique (F-3.1.1) je ne vois rien qui m’empêche d’émettre des opinions politiques en tant que citoyenne ou de faire un débat contre un syndicat privé.
10. Le fonctionnaire doit faire preuve de neutralité politique dans l’exercice de ses fonctions.
De plus il est même inscrit dans le guide sur l’Éthique dans la fonction publique que l’on ne doit pas nécessairement renoncer à notre liberté d’expression.
Page 11 1er par. : Elle ne signifie pas pour autant que le fonctionnaire, puisqu’il demeure un citoyen à part entière, doive garder le silence complet ou renoncer à sa liberté d’expression ou à l’exercice de ses droits politiques.
Pourquoi ai-je droit à ce traitement alors?
Jamais en aucun temps, lors de mon litige qui s’est avéré public, je n’ai mentionné mon rôle de fonctionnaire ayant toujours fait ce débat en tant qu’acéricultrice. Jamais je n’ai abusé de mon titre pour obtenir des passes droits ou des faveurs. Jamais je n’ai fait d’interventions agressives à l’endroit de mon employeur en vue de lui causer du tort. J’ai simplement utilisé un droit fondamental accordé à tout citoyen, celui de s’exprimer librement, et ce, en toute bonne foi.
Ce débat légitime implique un syndicat privé et mon entreprise acéricole et non le MAPAQ. Où ai-je fait erreur? Est-ce que le MAPAQ et la FPAQ c’est la même chose???
La réalité est que nous sommes une famille ordinaire prise en étau entre un gros syndicat et une grosse machine administrative.
Lorsque les infirmiers et infirmières et même plusieurs médecins sont sortis médiatiquement en critiquant très personnellement le ministre Barrette, ont-ils été menacés de perdre leur emploi? Ont-ils été suspendus pour leurs gestes publics ??
Est-ce normal que mon employeur dans une lettre officielle m’oblige à retirer des ‘’likes’’ sur des commentaires d’ordres politiques et/ou agricoles sur Facebook?? Extrait de ma lettre de suspension du 25 juillet 2018 : Nous réitérons notre demande indiquant que vous retiriez tous les commentaires, publications, vidéos, entrevues vidéo et effaciez tous les ‘’likes’’ et les partages pouvant causer préjudice à votre employeur, et ce, contenus sur votre site personnel Facebook et sur le site du groupe ‘’ J’exige l’arrêt des procédures contre les acériculteurs!’’, ainsi que sur le site de La Vie agricole.
Est-ce normal que mon employeur cible un média en particulier tel que la Vie agricole et que l’on m’ordonne de faire retirer mes commentaires et articles sur ce dernier?? Comment le puis-je ? La liberté de presse existe-t-elle encore dans le monde agricole Est-ce normal de museler un citoyen parce qu’il exerce un droit fondamental celui de s’exprimer librement?
Suite à tous ces évènements, j’ai fait beaucoup d’appels et des rencontres très enrichissantes de gens de tout horizon qui ont comme point commun le monde agricole. Un constat est mis en évidence à chaque discussion : l’intimidation est omniprésente dans le monde agricole. La loi du silence est forte. Une chose est certaine cela doit changer. Ces gens qui ont choisi d’endosser cette lettre ont un point en commun : ils dénoncent l’intimidation et, ce faisant, défendent la liberté d’expression et de presse. J’ose espérer que cette lettre amènera d’autres gens à dénoncer ce type d’intimidation.
Pour remédier à cela je demande que cette lettre soit prise en considération et qu’une enquête par un organisme indépendant soit faite dès la mise en place du nouveau gouvernement pour s’assurer que de telles sanctions ne puissent être appliquées allégrement, car elles portent atteinte à des droits fondamentaux et peuvent avoir des répercussions terribles sur la vie des personnes visées, c’est du moins notre cas.
Dans l’attente d’une réponse de votre part, je me tiens à votre disposition pour une rencontre éventuelle.
Nathalie Bombardier
Acéricultrice et Fonctionnaire
225 chemin Victoria ouest Scotstown
JOB 3B0
819-657-4528
Les mots de soutien des personnalités du monde agricole à Nathalie Bombardier
« La liberté d’expression ne se limite surtout pas aux idées qui nous conviennent »- Jean Pronovost Fondateur de l’Institut Jean Garon, Président de la commission sur l’agriculture, Sous-Ministre et auteur du Rapport Pronovost…
«La Liberté d’expression est la première garantie de la démocratie»- Jacques Proulx Président de l’UPA 1981 à 1993 et Président de Solidarité rurale de 1991 à 2008.
«Une liberté de parole pleine et entière est essentielle au vrai dialogue et le vrai dialogue est essentiel au grand virage dont l’agriculture québécoise a tellement besoin» – Simon Bégin, président de l’Institut Jean-Garon
«Nous avons la chance de vivre dans une société de droit, sous la protection de la loi, où nos libertés fondamentales sont protégées. Et parmi celles-ci, le droit d'exprimer librement son opinion sur des questions publiques est probablement le plus important.»- Florent Gagné auteur du rapport Gagné sur l’acériculture, Président du Groupe de travail sur l’éthique en milieu municipal, Ministère du Conseil exécutif Administrateur d’État, Sûreté du Québec Directeur général, Ministère de la Sécurité publique Sous-ministre, Ministère des Affaires municipales Sous-ministre, Sous-ministre adjoint Ministère des Affaires intergouvernementales ,Directeur général des affaires canadiennes
«J'estime inacceptable, au nom de la liberté d'expression, que Mme Bombardier soit pénalisée par le MAPAQ pour avoir critiqué le plan conjoint de mise en marché de son syndicat de producteurs acéricoles. Rien ne justifie que le MAPAQ se sente visé comme employeur par des critiques d'une de ses employés qui s'adressent à la Fédération de producteurs acéricoles affiliée à l'UPA. Cette proximité entre le MAPAQ et un syndicat de l'UPA est malsaine et peut être assimilée, selon moi, à de l'intimidation et à une violation injustifiée de la liberté d'expression, d'autant plus que le travail de Mme Bombardier au MAPAQ s'effectue dans un secteur autre qu'acéricole, à savoir le contrôle du bien-être animal» – Roméo Bouchard, ex-agriculteur et cofondateur de l'Union paysanne, auteur de «L'UPA, un monopole qui a fait son temps».
«Nous avons pris connaissance des mesures de sanction envers Mme Nathalie Bombardier de la part de son employeur et nous en indignons. Bien que nous comprenions le devoir de loyauté d'un employé face à son employeur, nous estimons que le MAPAQ outrepasse largement les règles. Il s'agit clairement d'un litige entre une productrice de sirop et un syndicat en situation de monopole, le tout sous la supervision de la Régie des marchés agricoles, ces deux organisations étant supposément indépendantes du MAPAQ. Devons-nous comprendre que le MAPAQ soutient une confusion entre ces différentes organisations? Devons-nous comprendre que le MAPAQ interdit désormais à tous ses employés toute forme de critique du modèle agricole en place? Nous demandons au MAPAQ de retirer les sanctions prévues». – Maxime Laplante, agronome, président de l'Union paysanne
«Notre démocratie a besoin d’une UPA qui suscite, ou du moins, permet l’éclosion de nouveaux modèles de production et qui appuie, de tout son poids, les personnes ou les groupes qui les mettent de l’avant. On n’a pas besoin d’une UPA qui bâillonne ou intimide les personnes qui ne sont pas d’accord avec elle. Notre démocratie repose sur la diversité d’opinion et la liberté de l’exprimer. À nouveau, je persiste et signe : l’agriculture au pluriel a bien meilleur goût!»-Yvon Picotte ancien ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, ministre du Tourisme, ministre délégué aux pêcheries, ministre des Affaires municipales, ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et ministre des Affaires régionales.