Monsieur Legault, dans votre discours inaugural, vous appelez les Québécois à faire preuve de fierté et d’audace, et nous serons tous d’accord sur cette proposition. Encore faut-il savoir à quoi cet appel peut s’appliquer.
Vous avez parlé de vos trois priorités : éducation, économie, santé, dans un contexte de croissance tous azimuts, en vue d’augmenter la richesse du Québec et de mettre de l’argent dans les poches des Québécois, tout cela par le développement de l’entreprise privée.
Vous nous mettez aussi en garde contre un mal qui pourrait nous ronger : la peur. Mais quelle peur? La peur qui empêche d’agir, de prendre des initiatives, de chercher à s’enrichir – une mauvaise peur qui vient d’un manque de confiance en soi. Contre cette peur, vive la fierté et l’audace!
Mais il est une autre peur, objective celle-là, qui ronge une proportion grandissante des citoyens, ici et ailleurs : celle de la crise climatique, annoncée depuis 30 ou 40 ans, et qui est maintenant au détour du chemin. Cette peur-là est saine; elle est fondée sur des études scientifiques irréfutables, et partout dans le monde des voix s’élèvent pour appeler citoyens et élus à faire preuve de fierté et d’audace!
Fierté et audace pour agir sans attendre, rigoureusement, dans tous les secteurs de la société, car les effets des dérèglements climatiques vont se faire sentir partout. Oui, nous devons nous occuper d’éducation, d’économie et de santé, mais dans un cadre général : nous devons repenser notre modèle de croissance, qui nous mène dans le mur à l’échelle planétaire – et il ne s’agit pas d’idéologie!
Monsieur Legault, vendre de l’électricité à nos voisins, comptabiliser nos émissions de GES (pour réviser à la baisse nos objectifs?), c’est de la poudre aux yeux.
Au Québec, nous sommes privilégiés par l’ampleur et la richesse de notre territoire, mais nous sommes aussi parmi les plus gros émetteurs de GES. Notre responsabilité à l’égard du reste de l’humanité est énorme. Vous craignez un excès d’immigrants? Que se passera-t-il quand des millions de réfugiés climatiques nous demanderont l’asile, pauvres gens chassés de chez eux par la destruction de leur milieu de vie?
Alors faisons preuve de fierté et d’audace, n’ayons pas peur d’agir chez nous, sur tous les fronts économiques et sociaux, pour changer nos mentalités et nos modes de fonctionnement et assurer l’avenir de nos enfants et de ceux du reste du monde.
Monsieur Legault, vous venez de rater une belle occasion de prendre, et de donner au Québec, une position de leader. Vous auriez pu parler vrai à vos concitoyens et nous engager, collectivement, dans la voie de l’avenir. Il faudrait pour cela lancer un grand chantier pour la transition énergétique et économique.
Votre programme, Monsieur Legault, en est loin. Vous allez manquer le bateau, et nous avec!
Denise Campillo, Roxton Falls