La Ferme Drapeau souhaite traire 1600 vaches en stabulation libre. Un ambitieux projet pourrait faire de la ferme Drapeau, à Sainte-Françoise-de-Lotbinière, au Centre-du-Québec, l’une des plus importantes productions laitières au Québec.
En effet, selon ce qu’indiquent les Producteurs de lait du Québec, il n’y actuellement que trois fermes laitières qui comptent plus de 1000 vaches dans leurs troupeaux. Le projet serait encore plus gros que celui de la Ferme Roulante, à Tingwick, qui a obtenu les autorisations nécessaires pour atteindre le cap des 1400 vaches d’ici une dizaine d’années.
Vu l’ampleur du projet, la ferme Drapeau est actuellement en période de consultation devant le Bureau d’audience publique en environnement (BAPE) pour augmenter son cheptel actuel de 600 à 2500 unités animales en stabulation libre. C’est-à-dire de 400 vaches laitières et 394 veaux à 1600 vaches en lactation et 1600 animaux de remplacement.
Cette ferme de quatrième génération a pris son erre d’aller au début des années 2000 avec l’installation d’un carrousel de 38 places qui pourrait facilement traire 1000 vaches. D’où la justification du projet qui vise à optimiser les équipements.
Le projet, qui s’échelonnerait en trois phases, ferait d’abord passer le troupeau à 1500 bêtes, de 2019 à 2023, puis à 2000, de 2024 à 2028, et enfin à 2500, entre 2029 et 2035. Le tout pourrait aller plus rapidement ou plus lentement selon la disponibilité du quota.
Au total, 18,6 millions $ seront nécessaires pour installer les infrastructures nécessaires, dont une deuxième salle de traite, un second bassin refroidisseur, trois autres bâtiments d’élevage – dont un est déjà commencé – trois structures d’entreposage du lisier, de plus grands silo-fosses.
Le projet de 37,4 millions $ prévoit également 16,8 millions $ en acquisition de quota. Déjà, 2,4 millions $ ont été avancés pour l’achat de terres. Si bien que la ferme possède 1820 hectares. Ce qui sera suffisamment pour nourrir tout ce bétail.
Un décret sera nécessaire
Le projet est si important qu’il a besoin d’un décret gouvernemental pour pouvoir abriter autant d’animaux sur un même site. C’est qu’actuellement, la loi sur la qualité de l’environnement stipule qu’il ne peut y avoir plus de 800 unités animales en gestion de fumier liquide et 1300 sous gestion solide sous un même toit.
«Au Québec, jusqu’à maintenant, il y a seulement trois fermes qui ont eu un décret gouvernemental. On parle d’une ferme bovine, d’une ferme laitière et d’une ferme avicole. C’est quelque chose de nouveau, mais qu’on verra de plus en plus dans les prochaines années. Parce que les fermes sont rendues à cette étape-là», a souligné le consultant au dossier, Éric Beaulieu, de la firme Mario Cossette.
L’entreprise aurait pu étaler ses bâtiments sur plusieurs sites, mais elle souhaite le faire sur un seul pour une question de rentabilité financière, d’efficacité et de bien-être animal. Parce qu’il faudrait un système de traite par lieu d’élevage en plus de tous les frais liés aux transports. Sans compter qu’il n’est pas naturel pour une vache de faire un tour de remorque.
Confiant malgré le contexte actuel
Bien qu’il soit conscient que son projet arrive à un moment charnière, alors que le système de gestion de l’offre a été mis à mal par les trois dernières ententes internationales, le promoteur est confiant de pouvoir le mener à terme.
«Même si ç’a créé une brèche, le système de gestion de l’offre a tenu et il est encore là. Nous n’avons pas d’emprise là-dessus, mais comme n’importe quel entrepreneur, on saura s’adapter», a soutenu Dominic Drapeau, l’un des quatre co-propriétaires.
Le groupe travaille sur ce projet depuis 2013. «À l’époque, il y avait moins de quotas disponibles, mais maintenant il y en a plus. Si on veut faire ce qui est disponible, il faut prendre de l’expansion», a-t-il expliqué en entrevue à La Vie Agricole.
Celui-ci admet que sa ferme prendra les allures d’une véritable usine, avec des quarts de jour, de soir et de nuit. «On a déjà trois vêlages par jour et on en aura six, continue-t-il. Ce sera d’avoir du monde pour s’en occuper. Actuellement, il y a quatre heures où il n’y personne dans l’étable. Éventuellement, il y aura quelqu’un en permanence.»
Plusieurs mesures d’atténuation
Le transport routier sera le principal enjeu. Parce que la ferme est située à la sortie du village de Sainte-Françoise. S’il est possible d’éviter le périmètre d’urbanisation pour le tiers des voyages, la grosse machinerie devra le traverser le reste du temps. Ce qui entraînera du bruit et de la poussière.
La question du prélèvement des eaux pour abreuver autant d’animaux et laver les équipements est également au cœur des préoccupations. La Ferme Drapeau ira puiser son eau dans une vaste réserve souterraine qui est éloignée du village et qui se trouve sur sa propriété.
Pour ce qui est des odeurs, l’entreprise entend disperser l’épandage de son fumier. Possédant des terres répartis dans huit municipalités, il lui sera possible d’éviter une trop grande concentration.
L’enfouissement des déjections animales au sol se ferait dans les 48 heures, lorsque ce sera possible. Le transfert du lisier aurait lieu durant l’hiver vers des fosses orphelines réparties à plusieurs endroits. Une haie brise-vent sera aussi installée entre le site et le village.
Des pours et des contres
Si peu de gens se sont exprimés en séance publique, il y aurait une «opposition silencieuse» selon des informations qui ont été portées à notre attention. «Il y a deux lois au Québec, une pour les gros et l'autre pour les petits», a commenté un producteur qui a préféré ne pas être identifié.
D’autres s’inquiètent de la dimension que prend l’agriculture avec un projet de cette ampleur. «Est-ce que la mondialisation encourage les fermes usines?», s’est interrogée Carole Dion lors de la période de questions.
De son côté, le maire de Sainte-Françoise et préfet de la MRC de Bécancour, Mario Lyonnais, qui a assisté aux nombreuses séances de consultation depuis le début du processus, nous a dit être rassuré par les mesures d’atténuation.
Les gens ont jusqu’au 31 mai pour demander des audiences publiques. S’il n’y a pas de demandes recevables, le mandat du BAPE prendra fin. Sinon, il fera parvenir une recommandation au ministre dans les 20 jours suivants.